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Nicolas Hulot « sonne le tocsin » de la biodiversité en danger

Michel Ruby <rubym@wanadoo.fr> 19 mai 2018 à 18:17
À : l'estarpe <estarpe@wanadoo.fr>

Nicolas Hulot « sonne le tocsin » de la biodiversité en danger

Le ministre présentera en juillet un plan d’action contre l’érosion du vivant, après une consultation du public.

LE MONDE | 18.05.2018 à 17h08 • Mis à jour le 18.05.2018 à 17h20 | Par Pierre Le Hir

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Porter le combat contre l’érosion de la diversité du vivant au même niveau que la lutte contre le dérèglement climatique. C’est l’objectif de la « mobilisation de la France en faveur de la préservation de la biodiversité » à laquelle a appelé Nicolas Hulot, vendredi 18 mai à Marseille.

L’homme est devenu « une arme de destruction massive » contre la nature, a-t-il plaidé : « Je veux aujourd’hui sonner le tocsin et lancer ce cri de mobilisation générale. Chacun doit prendre sa part de responsabilité. On ne doit pas prendre ça comme une tâche insupportable : ce qu’on donne à la nature, elle vous le rend mille fois. » Et d’ajouter que pour l’humanité, « l’heure de vérité » est arrivée.

Après une matinée sur le terrain, consacrée à une visite en bateau du parc national des Calanques, suivie d’une rencontre avec les responsables du conservatoire du littoral, le ministre de la transition écologique et solidaire a annoncé que le point d’orgue de cette mobilisation serait la tenue à Marseille, en juin 2020, du septième congrès mondial de la nature, organisé par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Deuxième piller de sa politique

M. Hulot n’a en revanche qu’esquissé les contours, sans en préciser le contenu, du « plan biodiversité » annoncé depuis plusieurs mois et attendu avec impatience par les associations environnementales. Celui-ci devrait être finalisé en juillet, après un comité interministériel prévu le 28 juin. Il sera précédé d’une consultation du public, menée du 18 mai au 7 juin via un site internet, autour de cinq thèmes : « Qualité de vie et santé, produire et consommer, nature et territoires, engager la société, action internationale. »

Le plan biodiversité lui-même, indique simplement le ministère, sera articulé autour de cinq axes :

« Protéger la biodiversité pour améliorer notre cadre de vie et nous adapter au changement climatique ; faire de la biodiversité le moteur du changement de nos sociétés de production et de consommation pour réduire notre empreinte écologique en France et dans le monde ; protéger et restaurer la nature dans toutes ses composantes ; créer un cadre européen et international ambitieux pour la protection de la biodiversité ; rendre la connaissance et l’action pour la biodiversité accessible à tous. »

Si ces têtes de chapitre ont le mérite de couvrir largement les enjeux de la préservation de la biodiversité, elles ne permettent guère, à ce stade, d’évaluer l’ambition du futur plan. M. Hulot assure pourtant vouloir en faire « le deuxième pilier de sa politique », avec le « plan climat » annoncé en juillet 2017, qui vise à atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle.

Lire aussi :   Climat : le plan de Hulot vers la neutralité carbone

Les alertes se multiplient

Semaine après semaine, les scientifiques lancent l’alerte : chute de près de 80 % des populations d’insectes en Europe au cours des trois dernières décennies, déclin vertigineux des oiseaux dans les campagnes françaises… Jeudi encore, une nouvelle étude a montré comment le réchauffement climatique mettait en péril la faune et la flore sauvages. En novembre 2017, dans Le Monde, 15 000 scientifiques avaient lancé un appel à sauver la planète, prévenant qu’« il sera bientôt trop tard ».

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La France est concernée au premier chef. Elle recèle, grâce à ses territoires ultramarins, une biodiversité exceptionnelle. Selon le bilan 2017 de l’Observatoire national de la biodiversité (ONB), elle abrite en particulier 16 733 espèces endémiques - que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde - dont 80 % dans les outre-mer.

Mais elle est aussi l’un des pays qui héberge le plus grand nombre d’espèces animales et végétales en danger au niveau mondial. Le tableau brossé par l’ONB est particulièrement préoccupant : régression de 23 % des populations d’oiseaux communs (les plus sensibles aux dégradations des écosystèmes) entre 1989 et 2015 ; effondrement de 46 % des populations de chauve-souris entre 2006 et 2014 ; menaces sur la survie de 31 % des espèces suivies dans les « listes rouges » de l’UICN et du Muséum national d’histoire naturelle.

Les écosystèmes sont eux-mêmes sous pression : 52 % seulement des milieux humides et 43 % des eaux de surface sont en « bon état de conservation », tandis qu’à peine 22 % des milieux naturels d’intérêt européen sont dans un état satisfaisant. En revanche, 64 % des récifs coralliens sont en état stable ou en amélioration. Les raisons en sont bien identifiées, souligne l’ONB : « Destruction, dégradation ou banalisation des milieux naturels, espèces exotiques envahissantes, pollutions, pression démographique, changement climatique ».

Beaucoup d’incertitudes

Reste à savoir, au-delà du « top départ de la mobilisation » - pour reprendre son expression - donné à Marseille par Nicolas Hulot, quel sera la teneur concrète du plan qui sera arrêté cet été. Quelles seront les mesures permettant d’aller plus loin que la loi d’août 2016 pour « la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages », portée par l’ex-ministre de l’écologie, Ségolène Royal, et sa secrétaire d’Etat à la biodiversité, Barbara Pompili ? Quels moyens y seront-ils affectés ? Quels relais politiques M. Hulot trouvera-t-il au sein d’un exécutif plus soucieux d’économie que d’écologie ?

L’engagement personnel en faveur de la biodiversité de l’ancien animateur d’« Ushuaia » et du créateur de la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) ne fait aucun doute. Il a, sur ce sujet, gardé une sensibilité exacerbée. En mars, à l’Assemblée nationale, il avait recueilli une standing ovation des députés en exhortant à un « sursaut d’indignation » face à l’extinction du vivant. « Moi ça ne me provoque pas de la peine, pas de la colère, [mais] de la honte », avait-il lancé d’une voix blanche, ajoutant : « Oui je vais vous présenter un plan biodiversité dans les semaines qui viennent (…), mais très sincèrement, tout le monde s’en fiche, à part quelques-uns. »

Pour autant, depuis son entrée au gouvernement, voilà tout juste un an, le ministre de la transition écologique n’a guère agi dans ce domaine. Il s’est surtout illustré en autorisant, un mois après sa prise de fonction, l’abattage de deux loups supplémentaires, puis en arrêtant, en février 2018, un « plan national d’actions 2018-2023 sur le loup et les activités d’élevage », visant à assurer une population de 500 canidés à la fin du quinquennat, contre 360 aujourd’hui. Un texte qui ne satisfait pas plus les éleveurs que les écologistes. Il a aussi annoncé, fin mars, la réintroduction de deux ourses dans les Pyrénées, à l’automne, rouvrant là encore un dossier explosif.

Lire aussi :   Plan loup : le gouvernement vise une population de 500 canidés d’ici à 2023

Grands rendez-vous

Pour porter haut la bannière du vivant, M. Hulot mise sur la caisse de résonance de plusieurs rendez-vous internationaux qui seront accueillis en France. Le congrès mondial de la nature en 2020, donc, pour lequel la cité phocéenne était la seule ville candidate. Mais aussi, fin avril-début mai 2019, la septième session plénière de la Plate-Forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), qualifiée de « GIEC de la biodiversité », en référence au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. S’y ajoutera, en 2019 aussi, la présidence française du G 7, que le ministre veut mettre à profit pour pousser le thème de la préservation du vivant.

Lire aussi :   Le déclin massif de la biodiversité menace l’humanité

Ces « grand-messes » pourraient être à la biodiversité ce que la COP21 de 2015, à Paris, a été au climat : l’occasion de mobiliser l’opinion publique et les gouvernements sur une cause aujourd’hui négligée, en même temps que d’afficher aux yeux du monde le volontarisme de la France. Ils permettront, veut croire le ministre, « un changement d’échelle ».

Encore devront-ils être suivis - et si possible précédés - de mesures concrètes pour enrayer la disparition en cours de la vie sauvage. On l’a vu sur le climat : le verbe haut de la France et de son président, Emmanuel Macron, ne s’est pour l’instant guère traduit par des effets tangibles. France Nature Environnement a déjà averti : « Le futur plan national en faveur de la biodiversité doit constituer le point de départ d’un nouvel engagement fort de l’ensemble de la société, et en premier lieu de l’Etat ».


L’Assemblée nationale se penche sur la loi fixant les relations entre producteurs et distributeurs

L’Assemblée examine le projet de loi à partir de mardi 22 mai. Le sort fait au texte issu des Etats généraux de l’alimentation sera suivi de près par les agriculteurs et les ONG.

LE MONDE | 19.05.2018 à 11h00 | Par Laurence Girard

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Un tracteur bloque l’accès au supermarché Leclerc de Vannes, dans le Morbihan, en février 2016, lors d’une manifestation pour défendre le revenu des agriculteurs.

Inquiétude et fortes attentes. C’est ainsi que l’on pourrait résumer l’état d’esprit des agriculteurs comme des ONG avant l’arrivée du projet de loi « agriculture et alimentation » devant l’Assemblée nationale, mardi 22 mai. Déjà, les discussions ont été vives lors du passage du texte en commission, où plus de 1 800 amendements ont été examinés.

Le projet de loi « pour un équilibre des relations commerciales dans le secteur agroalimentaire », est le fruit des Etats généraux de l’alimentation (EGA). Une initiative inédite qui a réuni pendant près de six mois l’ensemble des acteurs de la filière, agriculteurs, industriels, distributeurs mais aussi ONG et élus.

Mettre fin à la guerre des prix

A mi-parcours, en novembre 2017, le président de la République Emmanuel Macron, avait promis un texte législatif. Il citait l’un de ses objectifs prioritaires : mettre fin à la guerre des prix à laquelle se livrent les grandes enseignes de distribution, destructrice de valeur pour tous et source de prix non rémunérateurs pour les agriculteurs. La première mission du projet de loi, son ambition revendiquée, est de mieux répartir la valeur dans la chaîne alimentaire et d’assurer un revenu décent aux agriculteurs.

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Le gouvernement a retenu d’abord deux mesures phares. D’abord, la revalorisation du seuil de revente à perte de 10 %, ce qui revient, pour la grande distribution, à ajouter le coût logistique au prix d’achat du produit pour les denrées alimentaires. Ensuite, l’encadrement des promotions avec un cadrage politique fixant les limites à 34 % en valeur et à 25 % en volume. Ce qui aboutirait à interdire les offres du type « un gratuit pour un acheté ». Des mesures qui doivent être prises par ordonnance dans les six mois suivant la publication de la loi, pour une période test de deux ans.

La revalorisation du seuil de revente à perte a suscité une levée de boucliers de Leclerc. Le distributeur affirme qu’elle serait source d’inflation pour le consommateur. Le syndicat agricole FNSEA s’inquiète pour sa part d’une restriction, dans le texte, des promotions aux seules marques. Elle estime que si les produits des marques distributeurs ne sont pas concernés, la guerre des prix pourrait se poursuivre sur ce périmètre.

Partir du coût de production de l’agriculteur

Mais la FNSEA a un sujet de préoccupation plus majeur. L’autre grand enjeu du volet économique du projet de loi est d’inverser la construction du prix, en partant du coût de production de l’agriculteur.

« NOTRE CRAINTE EST QUE LE TEXTE RESTE EN L’ÉTAT, CE QUI SERAIT CONTRAIRE À TOUTE LA COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT », ESTIME PATRICK BÉNÉZIT, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT DE LA FNSEA.

Le texte donne a priori aux interprofessions la mission de définir les coûts de production et les indicateurs. « Chaque mot a son importance. Or, dans la rédaction actuelle, Leclerc ou Intermarché pourrait fixer les coûts de production. Nous voulons qu’ils le soient par l’Observatoire des prix et des marges ou par FranceAgrimer. Or du coût de production dépend l’ensemble des autres dispositions pour établir les contrats ou définir les prix abusivement bas. Notre crainte est que le texte reste en l’état, ce qui serait contraire à toute la communication du gouvernement », estime Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA. Il s’interroge également sur la poursuite de la consolidation des alliances des grandes enseignes sans que cela ne suscite aucune réaction alors que l’Autorité de la concurrence fixe des lignes rouges à de pas franchir pour les agriculteurs qui souhaitent se regrouper.

Lire aussi :   L’Autorité de la concurrence clarifie les règles du jeu pour le secteur agricole

Le second temps des Etats généraux de l’alimentation a été consacré au sujet d’une alimentation saine, durable et accessible à tous. Le texte de loi en a tiré trois thématiques : le bien-être animal, l’usage des produits phytosanitaires et la restauration collective associée à la question du gaspillage. La Plateforme citoyenne, qui regroupe ONG, associations de consommateurs et le syndicat Confédération paysanne, estime que « la batterie de propositions n’est pas à la hauteur des conclusions des EGA ». Elle s’inquiète de ne pas retrouver dans la loi certains engagements du gouvernement et de M. Macron. Comme l’interdiction du glyphosate dans les trois ans. Ou l’arrêt de commercialisation d’œufs de poules en cage d’ici à 2022. Et reste attentive à la formulation du texte sur l’obligation d’avoir 50 % de produits bio ou à « haute valeur environnementale » dans la restauration collective d’ici à 2022, dont 20 % de bio.

Reste une question. Quel sera le champ du débat à l’Assemblée ? Devant l’afflux d’amendements, le gouvernement pourrait avoir recours à la procédure du « temps programmé », pour limiter les discussions.


A Luçay-le-Libre, trop d’éolien tue l’éolien

Entouré d’aérogénérateurs dans les villages alentour, un village de l’Indre se démène pour avoir son propre parc depuis douze ans. En vain, relate Frédéric Potet dans sa chronique.

LE MONDE | 19.05.2018 à 10h13 | Par Frédéric Potet

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Le maire de Luçay-le-Libre (Indre), Luc Pion, au pied du parc éolien de la commune voisine de Massay (Cher).Le maire de Luçay-le-Libre (Indre), Luc Pion, au pied du parc éolien de la commune voisine de Massay (Cher). FP

Chronique. De sa ferme située au milieu du village de Luçay-le-Libre, Luc Pion a une vue imprenable sur quinze années d’activité éolienne dans le nord-est du département de l’Indre. Un tour sur soi-même à 360 degrés permet, ici, d’embrasser du regard une cinquantaine d’éoliennes, réparties sur sept sites et autant de communes. Les plus proches sont situées à 3 000 mètres, les plus éloignées à une quinzaine de kilomètres. Le spectacle de ces rotors en action sur leurs pylônes géants ne déplaît pas à l’agriculteur récemment retraité. Au contraire. Depuis qu’il a été élu maire de Luçay-le-Libre, en 2005, Luc Pion se démène sans compter pour que sa commune de 110 habitants possède elle aussi son parc d’aérogénérateurs. En vain.

La raison mise en avant, en mars, par la préfecture de l’Indre pour retoquer son dernier projet d’implantation devrait prospérer dans les années qui viennent : les huit éoliennes prévues – six sur Luçay-le-Libre, deux sur le village limitrophe de Giroux – provoqueraient un « risque de saturation visuelle » dans le paysage. Calculé en fonction de plusieurs indices, notamment le ratio entre le nombre d’appareils et l’angle d’horizon, ce « risque » serait devenu particulièrement élevé dans cette partie du Berry appelée la Champagne berrichonne. L’étude d’impact a dénombré un total de 87 éoliennes dans un rayon de 20 kilomètres, sans compter 45 éoliennes « autorisées » mais encore non mises en service, ainsi que 29 autres dont le dossier est en cours d’instruction.

Tenir le bon bout

Le « drame » de Luçay-le-Libre est d’avoir été l’une des toutes premières communes des environs à se lancer dans la course à l’éolien, et d’avoir vu la plupart de ses voisines concrétiser leurs projets. La première enquête publique diligentée sur ce bourg voué à la culture céréalière remonte à 2006 : bien qu’ayant reçu les faveurs du préfet de l’époque, le dossier avait été invalidé en justice après le recours d’une association de riverains.

Un deuxième projet, opéré comme le précédent par la filiale éolienne d’Alstom, allait connaître un sort identique, cinq ans plus tard : la même association locale, à la tête de laquelle se trouvait une historienne de l’art ayant acheté un château dans le village, avait obtenu l’annulation de l’implantation auprès de la cour administrative d’appel de Bordeaux.

Luc Pion pensait, cette fois-ci, tenir le bon bout avec cette troisième mouture, présentée par la société allemande Nordex, proposant des éoliennes de 164,9 m de haut (en bout de pale), alignées sur une surface d’occupation plus restreinte. Tout convergeait favorablement : l’absence de contentieux (la châtelaine s’étant vue proposer par Nordex des « mesures d’atténuation » comme la plantation de végétation censée couper la vue) ; le soutien majoritaire des habitants ; l’avis favorable des commissaires-enquêteurs ; le blanc-seing de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS)…

Retard préjudiciable

Mieux : le dossier berrichon avait même terminé, en janvier, à la première place d’un groupe de 22 projets modèles en termes de coût d’énergie, désignés par le ministère de la transition écologique et solidaire dans le cadre d’un appel d’offres. Une électricité parmi les moins chères de France (65,40 euros par MWh) était ainsi promise à Luçay-le-Libre, grâce aux dernières avancées technologiques développées par la filière.

Las. Le retard accumulé au fil des années aura été préjudiciable aux desseins locaux. Des parcs éoliens ont pu se monter, sans entrave, tout autour : à Massay, Sainte-Lizaigne, Graçay, Reuilly, Vatan, Diou, Saint-Georges-sur-Arnon, Ménétréols-sous-Vatan… « Saturation », a finalement décrété la préfecture en mettant également en avant d’autres arguments, comme la « concurrence visuelle » que les futurs générateurs feraient peser sur l’église du village, pourtant non classée mais précieuse pour l’« identification des habitants ».

« ON EST LES DINDONS DE LA FARCE », MAUGRÉE LUC PION, LE MAIRE DE LUÇAY-LE-LIBRE

« On est les dindons de la farce », maugrée Luc Pion. L’arrêt du projet fait s’envoler les retombées fiscales qui vont avec : 30 000 euros par an pour Luçay-le-Libre (soit un tiers de son budget de fonctionnement), 9 700 euros pour Giroux, 142 000 euros pour la communauté de communes Champagne-Boischauts.

Nordex s’engageait parallèlement à financer un certain nombre de mesures compensatoires et d’accompagnement, comme l’enfouissement d’une ligne électrique, la rénovation d’un lavoir, la plantation de haies bocagères et de bandes boisées, l’achat d’arbres fruitiers, l’installation de luminaires à basse consommation, l’entretien d’un étang… Le tout pour un montant de 500 000 euros (sur vingt ans). Une manne providentielle pour ces villages sans commerce ni entreprise dont les seules recettes proviennent des taxes foncières et d’habitation. « Cette décision arrive bien mal alors que la préfecture ne cesse de nous demander de faire des économies et de nous débrouiller pour trouver de l’argent », poursuit le maire.

Recours gracieux possible

Son homologue de Giroux, Nicole Sauget, y voit un autre paradoxe : « Alors que la volonté de l’Etat est de développer ce genre d’énergie propre, c’est lui qui nous met des bâtons dans les roues. » A peine plus peuplée (120 habitants), la commune avait prévu de rendre accessible aux handicapés sa salle des fêtes.

« Sans doute que nous devrons renoncer à ces travaux, faute de moyens, indique l’élue. Il faut savoir que l’argent de l’éolien a permis de maintenir des services à la population dans les territoires ruraux, en participant par exemple au financement de haltes-garderies ou de maisons médicales. Ceci explique en partie pourquoi le nombre d’habitants de nos villages ne baisse pas. »

Les porteurs du projet ont jusqu’à la fin mai pour déposer un recours gracieux auprès de la préfecture. En cas de réponse négative, ils engageront un recours auprès du tribunal administratif de Limoges. « Si nous n’obtenons pas de gain de cause, on abandonnera définitivement », assure Luc Pion.


La deuxième vague d’expulsions à Notre-Dame-des-Landes s’achève dans le calme

Les opérations dans la « ZAD » ne seront terminées « que le jour où l’Etat de droit sera totalement respecté », a prévenu la préfecture des Pays de la Loire.

Le Monde.fr avec AFP | 18.05.2018 à 23h00 • Mis à jour le 19.05.2018 à 01h47

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Plusieurs dizaines de camions de gendarmerie ont pris position vendredi matin dans le secteur de La Freusière, à l’extrémité ouest de la ZAD.

Dix nouveaux « squats » ont été évacués, vendredi 18 mai, lors de la deuxième phase d’expulsions à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). Mais les opérations dans la « ZAD » (« zone à défendre ») ne seront terminées « que le jour ou l’Etat de droit sera totalement respecté, c’est-à-dire lorsque la libre circulation sera rétablie et que l’ensemble des terres et des bâtiments sera occupé de manière légale », a prévenu la préfecture des Pays de la Loire.

Vendredi, les opérations se sont déroulées dans une ambiance calme. Plusieurs dizaines de camions de gendarmerie ont pris position avant 6 heures dans le secteur de La Freusière, près de Saint-Jean-du-Tertre, à l’extrémité ouest de la ZAD. L’accès a été interdit à la presse.

Lire aussi :   Nouvelle vague d’expulsions à Notre-Dame-des-Landes

De nouvelles barricades avaient cependant vu le jour sur la D81, qui traverse la ZAD sur un axe Nord-Sud, et la D281, l’ex-« route des chicanes ». Comme la veille, la liste des lieux de vie visés par les forces de l’ordre avait été communiquée aux occupants.

Trente-neuf « squats » détruits depuis le début d’avril

Nicole Klein, préfète des Pays de la Loire, a assuré vendredi que cette opération avait concerné « uniquement des squats qui ne s’inscrivaient dans aucun des projets agricoles déposés en préfecture ». « Leurs occupants refusaient donc toute discussion et rejetaient l’idée d’occuper ces terres de façon légale. Ce n’était pas acceptable », a-t-elle ajouté.

Parallèlement, deux opérations de police judiciaire ont été menées à la Freusière dans le cadre de l’enquête ouverte sur un tir de fusée d’artifice contre un hélicoptère de la gendarmerie en avril, ainsi qu’à l’Isolette pour d’autres infractions, a annoncé la gendarmerie. Deux personnes ont été interpellées pour transport de matières explosives.

Cette deuxième phase d’expulsion avait commencé jeudi, un peu plus d’un mois après le lancement d’une première phase sur le site initialement prévu pour un aéroport auquel le gouvernement a renoncé. Lors de l’opération d’expulsion en avril, vingt-neuf habitats avaient été détruits sur les 97 que comptait la ZAD.

Lire aussi :   Notre-Dame-des-Landes : 50 ans d’un projet d’aéroport résumés en 12 dates

L’opération survient quelques jours après l’annonce par le gouvernement d’une régularisation rapide d’une quinzaine de projets agricoles déposés par des occupants. Des conventions d’occupation précaire (COP), prévues par le Code rural, seront signées « dans les prochains jours » par les porteurs de ces projets maraîchers, ovins, bovins, d’apiculture, ou de plantes aromatiques, avait précisé lundi le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert.


Les négociants de vins et spiritueux sablent le champagne

Le secteur vinicole plébiscite les accords commerciaux signés par l'Europe

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La herse entravant l'entrée des vins européens sur le marché japonais va se lever. L'issue est inéluctable. L'échéance est très attendue. Et pour cause. Les taxes douanières devraient passer de 15  % à 0  %. Une conséquence directe de l'accord commercial négocié entre l'Union européenne et le Japon.

" Nous espérons qu'il soit ratifié en janvier  2019 ", affirme Nicolas Ozanam, de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France (FEVS). Toutefois, com-me le souligne Jean-Marie Barillère, coprésident du Comité -interprofessionnel du vin de champagne (CIVC), représentant du négoce, " une fois l'accord ratifié, il faut qu'il soit effectivement mis en place. Pour nous, il est donc trop tôt pour parler de l'impact sur le Japon ".

Le précédent accord commercial plébiscité par les négociants européens concernait la Corée, en  2011. " Depuis sa véritable mise en place, les volumes de vin que nous commercialisons sur le marché coréen ont cessé de décroître ", estime Patrick Jestin, patron de la société de négoce bordelaise CVBG-Dourthe-Kressmann, qui poursuit : " La problématique sur les marchés japonais ou coréen, c'est que les Australiens et les Chiliens ont, durant les quinze dernières années, négocié des droits de douane égaux à zéro. Une distorsion de concurrence qui nous a fait perdre des parts de marché sur les bordeaux les moins chers. "

Entre 2012 et 2017, soit après la remise à zéro des compteurs pour les droits de douane frappant les alcools européens, les volumes des vins français exportés vers la Corée du Sud ont bondi de plus de 50  %, chiffre Antoine Leccia, président de la FEVS. Toutefois, ce pays pèse peu dans nos exportations. En  2017, il se classait au dix-neuvième rang de nos ventes de vins et spiritueux, avec un chiffre d'affaires de 87  millions d'euros. Soit 0,7  % du résultat de la commercialisation des alcools hexagonaux hors de nos frontières. Un pourcentage que l'on retrouve dans les comptes de la société Jolivet, qui écoule 15 000 bouteilles de vin de Loire en Corée après avoir noué un lien avec un importateur local il y a une vingtaine d'années.

L'enjeu japonais est d'une tout autre taille. " Le Japon est un de nos principaux marchés. Les Japonais aiment les produits français, le luxe et tout ce qui est raffiné. Les vins blancs se marient très bien avec leur cuisine ", raconte Pierre Jolivet. De négociant, il est devenu producteur en exploitant 110 hectares de vignes en sancerre et 60 hectares en touraine, et il revendique un chiffre d'affaires de 14  millions d'euros en  2017, dont les deux tiers à l'export. Son plus grand succès au Japon, il le doit à sa marque Attitude, déclinée en cépage sauvignon ou pinot noir, des bouteilles vendues 30  % moins cher que ses sancerres.

Gênés par la fluctuation du yen

Mais le positionnement de la mai-son est au-dessus du seuil des 1 000 yens (soit 7,65  euros) la bouteille. Au-delà, les droits de doua-ne se font moins sentir, d'autant qu'ils sont plafonnés. Ce qui fait dire à M. Jolivet que " le vrai handicap, au Japon, ce ne sont pas les taxes, mais la fluctuation du yen par rapport à l'euro ".

La situation est différente pour le négociant AdVini, dirigé par M. Leccia. Sa marque de vin Jeanjean, proposée à moins de 1 000 yens, est plus sensible aux taxes. Mais AdVini, qui commercialise aussi des vins bio, des chablis et des grands vins de Bourgogne à 10 000 yens, a tout de même affiché une progression de son chiffre d'affaires de 17  % au Japon en  2017, à 8  millions d'euros. De même pour CVBG-Dourthe-Kres-s--mann. Selon M. Jestin, la relance de sa marque B. de Bordeaux, proposée à moins de 1 000 yens, a plus de mal à tenir ses promesses quand le Dourthe N°1 " Nouvellecuvée ", plus valorisé, se vend bien. En  2017, l'archipel nippon a représenté 10  % du chiffre d'affaires du négociant bordelais – estimé à 137  millions d'euros.

La FEVS estime que le Chili a dépassé la France dans les ventes de vin en volume au Japon l'année dernière. Malgré cette concurrence, le chiffre d'affaires des vins français dans l'Archipel – notre sixième marché d'exportation – a progressé de 8  % en  2017, à 482  millions d'euros. Il est vrai que la France, premier exportateur mondial de vins en valeur, a encore établi un record en  2017, avec un total de 8,6  milliards d'euros. Un montant auquel s'ajoutent les 4,2  milliards d'euros de ventes de spiritueux, succès du cognac oblige.

Des résultats obtenus malgré les différentiels de taxes au Japon, donc, mais aussi en Chine. " En France, nous ne serons jamais les moins chers. Nous ne devons pas nous imposer par les prix, nous devons cultiver nos différences. Mais il est bien de jouer à armes égales avec nos concurrents ", estime M. Jolivet. La FEVS continue donc de militer pour les accords commerciaux et la baisse des droits de douane pour les alcools européens. Et soutient les discussions avec le Mercosur pour favoriser les grands groupes de spiritueux désireux de conquérir le Brésil.

Laurence Girard


Agroalimentaire : la fin de l'entreprise Doux

La dernière vente à la découpe du volailler breton a été bouclée vendredi, à Rennes

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Sans surprise, le tribunal de commerce de Rennes a tranché, vendredi 18  mai, en faveur de l'offre de reprise du volailler Doux menée par le français LDC et soutenue par la région Bretagne. Cette décision entérine la dernière vente à la découpe du volailler breton, placé en liqui-dation judiciaire, et donc la fin de l'entreprise Doux. Dans l'affaire, l'abattoir de Chantonnay, en -Vendée, est sacrifié.

Le siège de Doux à Châteaulin (Finistère) sera fermé. Mais la moitié de ses employés se verront proposer de travailler chez les différents repreneurs. En effet, dans leur offre coordonnée, préférée à celle de l'ukrainien MHP, le français LDC, le saoudien Al-Munajem et l'actuel actionnaire majoritaire de Doux, la coopérative Terrena, s'engagent à préserver 920 des 1 187 emplois restant chez le breton.

Le cœur de l'activité est repris par le saoudien Al-Munajem, qui reprend la marque Doux pour la péninsule Arabique. Déjà actionnaire de l'entreprise, et principal client en tant que distributeur de volaille dans la péninsule, il s'empare de l'activité poulets export rebaptisée France Poultry. Il -devrait embaucher 347 des 450 salariés de l'abattoir de Châteaulin en réduisant les volumes à 2  millions de poulets par semaine.

LDC, connu pour ses marques Loué, Le Gaulois et Maître Coq, décroche la marque Doux dans le reste du monde pour les produits élaborés export comme les saucisses de volailles, fabriqués dans l'usine de Quimper qui passe sous son pavillon avec ses 166 salariés. Denis Lambert, le -patron de LDC, s'est engagé à construire un nouvel abattoir à Châteaulin, dans les deux ans, pour le marché de l'industrie et de la restauration qu'il veut reconquérir. Il emploierait 250 personnes pour une capacité de 400 000 poulets par semaine.

La région Bretagne apporterait 12  millions d'euros sur les 55  millions d'investissements néces-saires, selon M. Lambert. Elle a beaucoup œuvré pour trouver une solution. En particulier pour les 300 éleveurs du Finistère, qui seront regroupés au sein d'une structure, Yer Breizh, réunissant LDC, Terrena et Al-Munajem. Une enveloppe de 3  millions d'euros est prévue pour l'adaptation des élevages.

L. Gi.


En Chine, Carrefour inaugure son premier magasin connecté

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C'est le premier Carrefour du monde où les clients peuvent payer avec leur visage. Chez " Carrefour, le Marché " (en français dans le texte), Tencent, géant chinois du Web et partenaire du distributeur en Chine depuis février, expérimente son système de paiement par reconnaissance faciale, qui pourrait à terme remplacer le paiement mobile. Avec un design rajeuni, une sélection de produits haut de gamme et une intégration des outils digitaux maximale, " Le Marché " de Carrefour, qui ouvre officiellement à Shanghaï dimanche 20  mai, marque l'entrée de l'enseigne française dans l'ère de la distribution connectée. C'est aussi le premier exemple de la collaboration avec Tencent, le créateur de WeChat, réseau social au milliard d'utilisateurs, partenaire de Carrefour depuis février.

Il y avait urgence : depuis plus de deux ans, les multiples innovations dans le secteur de la distribution en Chine avaient donné un sacré coup de vieux aux magasins du distributeur français. Les choix du " Marché " rappellent d'ailleurs certains partis pris du leader du genre : Hema, le magasin ultra-connecté d'Alibaba. Le leader du commerce en ligne, à la lutte avec Tencent pour dominer le Web chinois, a lancé ces supermarchés d'un nouveau genre il y a trois ans, pour en faire un exemple de l'intégration du physique et du digital. Comme chez Hema, " Le Marché " offre à la fois un supermarché, un service de livraison de proximité et un espace de restauration, où l'on peut se faire cuisiner des produits frais provenant des rayons.

Une manière de mettre en valeur les produits mais surtout de développer l'expérience, vue de plus en plus comme la clé pour attirer la clientèle dans les magasins. " Le commerce de la rue Tianshan est issu d'une réflexion entamée il y a deux ans environ. Dans un pays où on peut tout faire avec son smartphone, quel est le rôle du magasin ? Il doit devenir un lieu de vie, où l'on vient pour passer un moment agréable ", estime Thierry Garnier, directeur exécutif de Carrefour Asie et directeur général de Carrefour Chine. Ici, pas de long parcours imposé à travers le magasin pour trouver la sortie. L'espace supermarché a été réduit en faveur du centre commercial. L'un des choix a été de mettre l'accent sur les produits cosmétiques et, en général, sur tout ce qui requiert une expérience. " Acheter un pack de lait en ligne, c'est facile, mais les clients veulent voir les cosmétiques, et tester les nouveaux produits ", ajoute Thierry Garnier.

Autre innovation qui devrait changer l'expérience d'achat : grâce au partenariat avec Tencent, plus besoin de faire la queue en caisse, on peut payer les produits au fur et à mesure avec son smartphone, en scannant le code-barres grâce à des applications simplifiées intégrées à la plate-forme WeChat. Un employé doit toutefois vérifier le paiement avant de vous laisser filer. Autre option, passer en caisse et payer avec le système de reconnaissance faciale, là aussi grâce à la technologie de Tencent associée au portefeuille électronique WeChat Pay.

Simon Leplâtre (shangaï, correspondance)


Énergie

La justice valide le principe des tarifs réglementés

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Le Conseil d'Etat a validé, vendredi 18  mai, le principe des tarifs réglementés de l'électricité qui permettent, selon lui, de garantir la stabilité des prix, une décision contrecarrant les arguments des fournisseurs alternatifs. Les concurrents d'EDF jugeaient une telle réglementation contraire au droit européen. – (Reuters.)


Van, vis et deviens !

Prendre la tangente dans moins de 4 m2 : ce mode de vie minimaliste séduit de nombreux jeunes diplômés prêts à interrompre leur carrière toute tracée contre la promesse d'aventure et de liberté

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Il y a une semaine, ils ont dit adieu à leur bon vieux " Harry ". Un Ford Transit de 2011, baptisé " Harrison " – un clin d'œil au célèbre aventurier –, devenu leur maison de 4  mètres carrés sur roues pendant leur road trip de six mois à travers l'Europe. En mai  2017, -Marion Henry et Florian Fradet, 26 et 25 ans, ont quitté appartement nantais, postes de chargée de marketing pour elle, d'ingénieur BTP pour lui, familles et amis pour rejoindre la communauté des van lifers, ces nomades qui tracent la route au gré de leurs envies à bord de leur fourgon aménagé.

Avec leur chat, Sacha, et leur chien, Lewis, et, pour seul confort à bord, un coin cuisine et une banquette dépliée en guise de lit (mais sans toilettes ni douche), ils ont voyagé et partagé sur Internet leur aventure, financée grâce à leurs économies. " Nous avions une trajectoire -classique,raconte celle qui se définit comme l'entrepreneuse du duo. De longues études, un emploi, un joli appart… Mais on a eu envie d'expérimenter le voyage en van, pour le week-end et les -vacances. " " Sur un coup de tête ", ils achètent d'occasion, pour 7 000  euros, ce -Harrison qu'ils aménagent eux-mêmes pendant trois mois, en piochant idées et conseils sur le Web. Quatre jours de " test " dans le Pays -basque, puis dix jours en Suisse suffisent à les rendre " piqués par le virus " du voyage en utilitaire. -Depuis leur retour, ils ne rêvent que de -repartir, avec " Bernie ", leur nouveau van, pour retrouver " cette liberté d'aller où bon - leur - semble, quand - ils veulent - ".

Courir le monde, prendre la tangente, vagabonder au volant d'un van qui roule au diesel, mais équipé de panneaux solaires sur le toit pour chauffer la -réserve d'eau, apparaît comme un Graal pour toute une génération de jeunes adultes. Une soif de vie sur route entretenue sur les réseaux sociaux à coups de clichés à l'esthétisme très californien. Le cadre est toujours enchanteur, cimes -enneigées ou criques turquoise, combi vintage, couples amoureux qui présentent beau, lui musclé et barbu, elle sylphide en short en jean et chignon " coiffé décoiffé ". Dans sa version famille, le van lifer a des enfants bronzés et souriants, qui s'amusent à grimper sur le toit du van ou à poser sur leur lit. So cool. La van attitude se vit et se poste frénétiquement. Trois millions de photos venues du monde entier sous le hashtag #vanlife.

Loin de tout, près de l'essentiel. C'est aux Etats-Unis que ce mode de voyage au long cours, en vogue dans les années 1970-1980, a été relancé. En  2011, le New-Yorkais Foster Huntington, désormais trentenaire, quitte une carrière prometteuse de cadre chez Ralph Lauren pour l'habitacle de son combi Volkswagen. L'homme, photographe amateur, commence à nourrir un blog, " Van-life.net ", puis un compte Instagram. -Depuis, blogs et adeptes de la vie au grand air ont surgi d'un peu partout pour se -retrouver derrière la devise de Foster Huntington : " Chez toi, c'est là où tu te gares. " (" Home is where your park it. ")

Plus discrets, plus maniables, souvent moins chers, utilisables au quotidien comme voiture principale, les vans et les petits fourgons aménagés -séduisent par leur simplicité une population beaucoup plus jeune que celle des camping-caristes, dont l'âge moyen, rappelle Fabienne Yobé, la directrice générale de la Fédération française des campeurs, caravaniers et camping-caristes, atteint " 58 ans, pour moitié des préretraités ou retraités ". L'association, porte-parole des quelque 6  millions de campeurs français au sens large, s'intéresse et planche actuellement sur les besoins de ces nouveaux nomades, " principalement des jeunes actifs de 20 à 35 ans ayant fait des études supérieures, qui ont soif d'aventure, sont hyperconnectés, friands d'échanges et de partage, préférant l'usage à la propriété, sauf pour leur véhicule ". " Des électrons libres, ajoute Etienne de Galbert, fondateur de -HomeCamper, une plate-forme qui met en relation campeurs à la recherche d'une halte et propriétaires de terrain ou de jardin. Ils sont souvent sportifs, accompagnés d'un animal de compagnie et aiment à se construire un cocon à leur image. " Qui les propulse dans le club des aventuriers débrouillards.

" Après deux mois et demi de travaux, sans aucune connaissance technique, beaucoup d'huile de coude et de motivation ", Tifenn Butel, 24 ans, et Kevin Laurent, 25 ans, sont partis pour un périple de neuf mois à bord de leur " chalet mobile de 3  m2 ". Pas question pour eux, même s'ils en avaient eu les moyens, d'investir dans l'un de ces véhicules tout équipés proposés par des constructeurs qui se sont lancés dans les utilitaires légers. -Selon l'Union des constructeurs des véhicules de loisirs, la part de cette catégorie, en forte augmentation depuis deux ans, représente désormais 30  % des immatriculations de camping-cars neufs. Cette tendance a même son magazine, Van Life, un trimestriel lancé en juillet  2017 par les éditions -Larivière, un groupe de presse spécialisé dans les loisirs.

" Concevoir son espace de vie constitue une des parties les plus plaisantes du voyage ",affirme Kevin Laurent, -titulaire d'un master éducation physique et sportive, qui transforme actuellement un Fiat Ducato, plus grand et plus récent que le premier véhicule du couple, en un home sweet home. " Nous aurions du mal à vivre dans un espace sans réel charme et qui ne nous ressemble pas ", poursuit le jeune homme qui, avec sa compagne, -envisage l'itinérance à l'année, un mode de vie financé par des périodes de travail en tant que saisonniers à la montagne. Car, pour ces nouveaux Jack Kerouac, l'idée n'est pas de recréer le confort d'un appartement, comme dans les gros camping-cars luxueux mais, au contraire, de se confronter à un certain minimalisme, en vivant dans un espace limité.

Un quotidien un brin austère, loin de l'image ripolinée des réseaux -sociaux. " Sur Internet, il y a des clichés -ridicules, où l'on voit des soi-disant nomades arroser leurs petites plantes médicinales sur fond de coucher de soleil ", s'agace Aurélie Poilleux, dite " Lilly ", 27 ans, -ingénieure en bâtiment, basée à Londres, revenue il y a un mois d'une année sabbatique consacrée au voyage. Elle a traversé dix-neuf pays d'Europe, plus le Maroc, avec son compagnon, Thilo, 34 ans, un Allemand travaillant dans la finance. Un périple qui leur aura permis de se confronter aux vicissitudes de la van life." Certes, il y a des moments magiques, mais aussi des jours de pluie, où on se -retrouve coincés dans un habitacle de -poche, la douche extérieure prise à la va-vite dans le froid, les pauses pipi dans la nature ou sur des aires d'autoroute, la -recherche d'un lieu sûr pour passer la nuit… ", énumère la jeune femme dont le principal défi a été de gérer " cette soudaine quantité de temps disponible, lorsqu'on est loin de ses amis, de sa famille et souvent de toute connexion Internet ".

Mais la redécouverte de la nature, des choses simples de l'existence, loin de la routine d'une vie de boulot aux horaires fixes, est souvent l'occasion d'une pause salutaire. Et de changements de trajectoire qui ne font pas peur à cette génération de " slasheurs ", habitués à cumuler plusieurs emplois autant par nécessité que par goût. Suffisamment optimistes et confiants dans leur capacité à rebondir, ces nomades entendent " profiter de leur jeunesse, avoir d'autres perspectives que celle d'obtenir un contrat à durée indéterminée, se frotter à un ailleurs, vivre de nouvelles expériences et pouvoir changer de cap ", à l'instar de Marion Henry, devenue -community manager et rédactrice Web en free-lance, ou de Florian -Fradet, qui vient d'achever une formation de -tatoueur. De retour à Londres, Aurélie Poilleux a -repris son travail d'ingénieure pour -" renflouer - s - es finances ", mais elle compte bien capitaliser sur son diplôme en sport et nutrition, passé en ligne pendant son périple, pour développer, avec son compagnon, une activité compatible avec une vie de voyage.

Poursuivre l'aventure ou la commencer, comme Sébastien Vieux, un -chirurgien-dentiste de 34  ans, qui, à la trentaine, a eu " un coup de déprime en voyant qu' - il - avai - t - déjà coché toutes les cases de la réussite sociale et professionnelle que l'on avait prévue pour - lui - ". Pour essayer de " retrouver - s - es rêves, - s - e créer de l'aventure, du libre arbitre ", mais aussi pour donner à ses quatre enfants, de 3, 4, 7 et 9 ans, " une ouverture au monde ", le père de famille est " en phase d'apprentissage de la van life " : " Depuis trois ans, nous partons avec ma femme, Anne-Lyse, et nos enfants, de plus en plus longtemps et de plus en plus loin, avec de moins en moins de choses. " Simplifier, épurer, avec un but, plus réjouissant que l'achat d'une maison secondaire : suivre la route de la soie, entre l'Asie et l'Europe, en famille et en van, avant ses 40 ans.

Par Catherine Rollot


 

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