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Perquisitions houleuses chez Mélenchon et LFI : les questions qui fâchent

Le Parisien Sébastian Compagnon et Paméla Rougerie| 17 octobre 2018, 15h52 | MAJ : 17 octobre 2018, 17h15 |13

 

 

Sur Facebook, à l’Assemblée et dans les médias, Jean-Luc Mélenchon crie à l’injustice et à la machination politique. AFP

 

Le leader de la France insoumise dénonce une «opération de police politique».

Des perquisitions houleuses, des images de bousculade et des accusations cinglantes. Au lendemain des perquisitions qui ont visé son domicile, ceux de ses assistants et les locaux de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon ne décolère pas. Le député des Bouches-du-Rhône continue de dénoncer ce qu’il appelle une «énorme opération de police politique».

Les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales ont mené une dizaine de perquisitions mardi dans le cadre de deux enquêtes préliminaires visant son mouvement. L’une sur de présumés emplois fictifs au Parlement européen, l’autre sur ses comptes de campagne de la présidentielle 2017.

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Ce mercredi, l’affaire rebondit, puisque le parquet de Paris a ouvert une enquête pour « menaces ou actes d’intimidation contre l’autorité judiciaire » et « violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique » après les accrochages intervenus lors de ces perquisitions. Le syndicat de policiers Alliance a annoncé vouloir porter plainte pour les mêmes raisons. De son côté Manuel Bompard, le directeur des campagnes du mouvement La France insoumise, a déclaré avoir porté plainte pour « violences » sur quatre personnes.

Sur Facebook, à l’Assemblée et dans les médias, Jean-Luc Mélenchon crie à l’injustice et à la machination politique. Lui et ses proches sont-ils l’objet d’une procédure arbitraire ou abusive ? Ses droits de parlementaire ont-ils été bafoués ? Éléments de réponse.

Qui a décidé d’ordonner ces perquisitions?

Dans une des nombreuses vidéos Facebook tournées mardi matin, Jean-Luc Mélenchon accuse le gouvernement d’être à l’origine de ces multiples perquisitions. « Ou bien le nouveau gouvernement a pris cette disposition ce matin en étant constitué et la décision a été prise de déclencher ces perquisitions […], ou bien c’est du coup de billard à trois bandes, quelqu’un est en train de régler des comptes avec je ne sais trop qui et nous sommes pris au milieu de tout ça », déclare-t-il face caméra.

Des accusations rapidement niées par le Premier ministre Édouard Philippe dans l’après-midi, à l’Assemblée, qui a maintenu que l’opération s’est menée de façon indépendante. C’est « cette indépendance qui fait qu’il n’y a aucune instruction individuelle donnée au procureur, qui fait que les décisions du procureur, en l’occurrence celle-ci, a été soumise au contrôle d’un juge de la liberté et de la détention, qui est un magistrat du siège qui est parfaitement indépendant », a-t-il assuré.

L’Obs précise également que le nouveau gouvernement n’a pas pu ordonner une telle décision, ne serait-ce qu’à cause des délais. Selon le journal, les demandes de perquisitions du parquet remontent au 9 et 10 octobre, et l’accord du juge des libertés a été donné les 11 et 12 octobre.

Le leader de La France Insoumise a également suggéré que François Logerot, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, « a été augmenté en route pour faire cette sale besogne », c’est-à-dire lancer une enquête préliminaire sur ses comptes de campagne. Or, la décision d’augmenter François Logerot a été prise en janvier 2017, c’est-à-dire sous le mandat de François Hollande, comme nous l’expliquions dans nos colonnes en juin dernier. L’augmentation n’a été effective qu’en mai dernier.

A-t-on le droit de s’opposer à une perquisition?

A la différence du droit américain, il n’existe pas de « mandat de perquisition » en droit français. Les perquisitions qui ont lieu dans le cadre de l’enquête préliminaire ne nécessitent pas d’autorisation écrite de la part d’un magistrat.

En revanche, l’accord du perquisitionné est obligatoire si la perquisition se déroule dans le cadre d’une enquête préliminaire. Avec une exception : si l’enquête préliminaire concerne une infraction pénale passible de 5 ans de prison ou plus, le juge des libertés peut autoriser la perquisition sans l’assentiment de la personne perquisitionnée. C’est ce qui s’est passé pour l’opération de mardi.

D’autres partis et hommes politiques ont-ils déjà subi ce genre de perquisitions?

« C’est de la politique. Ce n’est plus du droit, ce n’est plus de la police. C’est de la politique dans le but de nous intimider », a dénoncé Jean-Luc Mélenchon mardi sur Facebook, en laissant entendre qu’un sort particulier lui était réservé. Or ce n’est pas la première fois qu’un homme politique est soumis à une perquisition de son domicile. L’appartement parisien des époux Fillon a été perquisitionné en mars 2017, dans le cadre d’une information judiciaire ouverte sur des soupçons d’emplois fictifs. En juillet 2012, à peine sorti de l’Elysée, Nicolas Sarkozy et son épouse avaient eux aussi subi une perquisition chez eux à Paris.

Quant aux partis politiques, y compris ceux composant la majorité actuelle, il n’est pas rare qu’ils soient visités par les policiers. Le 20 février 2017, au siège du Front national, une perquisition a eu lieu pour chercher des indices dans l’affaire des assistants parlementaires du parti. En octobre 2017, les locaux du MoDem étaient passés au peigne fin dans le dossier des assistants parlementaires européens. Lors de l’affaire Benalla, c’était au tour du siège de LREM d’être fouillés, le 21 juillet dernier. Les policiers avaient mis la main sur trois armes à feu non déclarées.

En revanche, dans le cas de la France insoumise, le nombre de personnes visées simultanément est peu commun pour ce genre d’affaires. Selon Jean-Luc Mélenchon, pas moins de neuf personnes et deux sièges d’organisations politiques ont été fouillés le même jour. Un vaste déploiement de moyens, en plein jour de remaniement, que le leader des insoumis n’interprète pas comme étant le fruit du hasard.

Comptes de campagne : pourquoi LREM, Emmanuel Macron et Christophe Castaner (en tant que délégué général d’En Marche) n’ont-ils pas subi de perquisitions?

«Pourquoi suis-je perquisitionné et pas MM. Macron et Castaner ?», s’est également demandé Jean-Luc Mélenchon, en allusion à l’enquête préliminaire qui vise le rôle des collectivités lyonnaises dans la campagne de l’actuel président. « Le candidat et le candidat élu président ne sont pas soumis à la même loi. On ne peut rien contre les comptes de campagne de celui qui a été élu », nous expliquait mardi le spécialiste du droit constitutionnel Michel Lascombe.

Jean-Luc Mélenchon a pu aussi faire référence aux ristournes très avantageuses dont Emmanuel Macron aurait bénéficié dans l’organisation de sa campagne, notamment pour des locations de salles à bas prix pour des meetings. Mais ces remises ont été jugées « acceptables » par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), qui vise Jean-Luc Mélenchon.

Le statut de parlementaire fait-il du député Mélenchon une « personne sacrée » ?

« Personne ne me touche, ma personne est sacrée, je suis parlementaire », s’exclame Jean-Luc Mélenchon sur Facebook. Le député s’appuie sur l’article 26 de la Constitution, qui implique qu’« aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions ». Mais cette immunité (que l’Assemblée peut lever au demeurant) n’empêche pas la justice de procéder à des actes simples, comme une perquisition.

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La police peut-elle empêcher certaines personnes d’entrer sur les lieux de la perquisition ?

Dans une scène filmée par des journalistes, Jean-Luc Mélenchon appelle notamment ses proches à « enfoncer la porte » des locaux de la France insoumise, pour entrer dans les locaux où la perquisition était en cours. On le voit également bousculer un représentant du parquet ainsi qu’un policier qui s’interpose.

« Je respecte la justice mais je suis obligé de dire, nous ne sommes pas dans une procédure normale », a justifié mercredi le chef de file de LFI, selon lequel « la procédure légale n’a pas été respectée, les deux dirigeants du mouvement n’ont pas pu entrer ». « On m’a empêché d’assister à la procédure administrative alors que je suis le responsable légal de la France insoumise, je n’ai pas pu assister aux opérations […]. Aucun PV ne m’a été proposé » pour qu’il soit signé, avait affirmé mardi Manuel Bompard, coordinateur des campagnes de LFI.

En réalité, « il n’y a pas de droit à assister à une perquisition », nous explique l’avocat pénaliste Stéphane Babonneau. « Une perquisition peut se faire en présence de la personne perquisitionnée mais ça peut se faire en son absence. Dans ce dernier cas, la police peut prendre des témoins comme un voisin ou un gardien, qui garantissent la régularité de la procédure ».

La police a aussi le droit d’empêcher l’accès de certaines personnes au lieu de perquisition si celles-ci empêchent son bon déroulement, nous explique le spécialiste : « Les gens n’étaient pas là pour observer, il semblerait qu’ils étaient là pour s’opposer. A partir de ce moment, la police a le droit de les mettre à l’écart pendant la durée de l’opération. »

Les échauffourées de mardi peuvent-elles constituer une infraction ?

Bousculer un procureur, pousser un policier, forcer une porte gardée par un policier… Toutes ces actions peuvent être qualifiées de « violences », selon Stéphane Babonneau : « On n’a pas le droit de bousculer quelqu’un. Et quand on bouscule un magistrat, un policier ou une personne dépositaire de l’autorité publique, cela devient une circonstance aggravante. »

Cet éclairage explique l’ouverture d’une enquête par le parquet de Paris après les événements de mardi, ainsi que la volonté du syndicat de policiers Alliance de porter plainte pour les mêmes raisons.

L’article 434-25 du Code pénal, stipule par ailleurs que « le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. »

Cela signifierait que les attaques multiples de Jean-Luc Mélenchon, entendues ces dernières 24 heures sur les réseaux sociaux et dans les médias, peuvent être condamnées par la justice. « Mais ce texte est rarement appliqué », analyse Stéphane Babonneau. « Surtout pour Jean-Luc Mélenchon, qui est parlementaire et bénéficie donc d’une liberté d’expression garantie par la Constitution. » A défaut d’empêcher une perquisition, son immunité peut donc lui permettre de la dénoncer sans crainte.