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Le billet de Thomas Legrand

Hanouna, porte-flingue assumé de Bolloré

 

En s’en prenant violemment au député Louis Boyard qui dénonçait les agissements de l’homme d’affaires et patron de C8, le présentateur outrancier a révélé la vraie nature de la chaîne : non pas un média d’opinions, mais un média prévaricateur.
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Cyril Hanouna en coulisses de «TPMP», en septembre 2021. (Denis Allard/Libération)

par Thomas Legrand

publié le 16 novembre 2022 à 8h00

 

Dans le pitoyable affrontement Boyard-Hanouna, sur la navrante chaîne C8, la litanie des insultes déversée par l’animateur sur un député, élu au suffrage universel, la pire, la seule insulte, en vérité, qui décrit parfaitement celui qui la profère, n’est pas «abruti, merdeux» ou tout autre anathème dégueulé par Cyril Hanouna. Hanouna, ce puits de vulgarité, fils de médecin qui se prend pour une voix du peuple, s’est défini lui-même, lors de cet échange, par d’autres mots, au premier abord moins insultants. Une phrase qui répondait à la tentative du député LFI Louis Boyard de parler des méfaits de Vincent Bolloré en Afrique. Dès que le député (ancien chroniqueur de l’émission) a prononcé le nom de Bolloré, un déluge d’insultes s’est abattu sur lui, moins pour l’accabler que pour étouffer le blasphème en direct : «Moi je ne crache pas dans la main qui m’a nourri et toi tu ne devrais pas cracher dans la main qui t’a nourri», a fini par dire Cyril Hanouna. Voilà une phrase de mafieux, d’affidé dépendant, de prévaricateur.

En prononçant ces mots qui lui semblaient sans doute frappés au coin de l’évidence, Cyril Hanouna n’a pas fait preuve d’esprit de corps ou de fidélité, il n’est pas apparu corporate ou simplement candidat fayot au titre d’employé du mois mais plutôt porte-flingue d’un homme. «Bolloré t’a donné de l’argent», «c’est nous qui t’avons fait député», s’est aussi insurgé le producteur de Touche pas à mon poste, outré devant l’outrecuidance qu’il y avait à évoquer cette idée selon laquelle Vincent Bolloré serait responsable de vastes déforestations en Afrique. Par cette autre phrase l’animateur se définit en donnant sa conception des rapports sociaux et sans doute humains : on peut acheter les gens. En les payant pour un emploi qui consiste à débattre, on exige d’eux un tri dans la vérité, des mensonges par omission.

 

L’affrontement des slogans plutôt que la confrontation des idées

Tous les intervenants, appointés ou pas, qui, désormais, iront dans l’émission d’un homme qui considère que la vérité s’achète, seront les complices d’une mafia. C8 n’est pas, à ce moment-là, un média d’opinion détenu – comme tant d’autres – par un homme d’affaires, c’est un média prévaricateur. Vincent Bolloré a réduit au strict minimum le nombre de journalistes dans toutes les chaînes qu’il possède. Il les remplace par des polémistes (à ne pas confondre avec des éditorialistes). Ceux-ci ont pour mission de spectaculariser le débat politique par le combat permanent. L’affrontement des slogans plutôt que la confrontation des idées.

Cette méthode donne à certains l’impression que, dès lors, le spectre idéologique représenté dans la sphère médiatique bollorisée est plus large qu’ailleurs et que donc la liberté est plus grande. Mais ce sont les radicaux et les simplificateurs qui sont avantagés par cette logique du clash organisé. Louis Boyard porte plainte et il a raison. En retour Cyril Hanouna dit qu’il porte plainte aussi… Je ne sais pas quelle tête a fait son avocat en entendant son client faire une telle annonce. C’est rare qu’un mafieux ayant publiquement parlé comme un vulgaire Al Capone, ayant exposé, avec une clarté limpide, son système de prévarication, aille de lui-même devant la justice pour se plaindre qu’un élu de la République ne respecte pas son code d’honneur.