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Derrière les chiffres, le portrait du coronavirus tueur se précise.

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Source up-magazine.info

 

La pandémie de coronavirus suscite une intense activité de la recherche dans le monde entier. Les scientifiques s’activent pour avoir une meilleure compréhension du nouveau virus et en trouver la parade. Ils sont aidés par les quantités astronomiques de données accumulées jour après jour et librement partagées par l’ensemble de la communauté scientifique. Une masse de statistiques parmi lesquelles se cachent vraisemblablement des clés de compréhension. C’est ce que s’attache à faire le professeur Jean-François Toussaint, un spécialiste en la matière, et son équipe de l’Irmes, la première à avoir démontré par l’analyse fouillée de statistiques de différentes natures, les limites de l’homme aussi bien dans son espérance de vie que dans ses performances. Ses recherches sur les chiffres de la pandémie actuelle commencent à révéler des informations d’une importance capitale, dont certaines vont à l’encontre des certitudes et affirmations véhiculées ces jours-ci. Le professeur a accepté de partager ses premiers résultats, encore en phase d’exploration, pour les lecteurs de UP’.

Le coronavirus se propage entre 25° et 55° de latitude Nord

Les cartes géographiques de propagation du virus sont largement diffusées par plusieurs organismes. Celles de l’Université Johns Hopkins sont les plus fréquentées, mises à jour en temps réel. Elles font apparaître sur un planisphère, les zones contaminées ; on voit ainsi des taches rouges plus ou moins grandes correspondant à l’intensité du nombre de malades dans un pays donné. Au moment où nous écrivons cet article, la carte de Johns Hopkins est la suivante :

On observe que les zones rouges les plus denses se situent dans une bande située dans l’hémisphère Nord. Jean-François Toussaint et son équipe ont remarqué que cette zone se situait précisément entre 25° et 55° de latitude Nord. « C’est dans cette zone que l’on trouve 99 % de la létalité du COVID-19 » affirme le chercheur.

Le virus aurait trouvé sa « niche » de prédilection dans cette zone. Cette constatation suscite plusieurs questions. La première d’entre elle concerne la densité de la population.

La densité de la population n’a pas d’impact

Le virus trouve-t-il son terrain de prédilection dans les zones densément peuplées de cette bande de l’hémisphère Nord, ce qui serait logique ? Pour l’équipe du professeur Toussaint, il n’y a aucune corrélation entre la densité de population et la nature de l’épidémie. Les scientifiques ont étudié attentivement des régions très denses comme Hubei en Chine, épicentre de l’épidémie. Ils ont regardé des régions encore plus denses comme Macao ou Hong Kong. Ils sont allés voir ce qui se passait dans une région très densément peuplée comme la Corée du Sud.  Dans tous les cas, ils n’ont pourtant constaté aucun impact de ce facteur sur la dynamique et l’intensité de l’épidémie.

Le gradient Nord-Sud est massif

Les chercheurs ont cependant observé que plus on remonte vers le Nord, plus un observe un écart important entre la date d’entrée « officielle » du virus (la première contamination « nationale » déclarée par un citoyen) et le jour où la courbe démarre significativement : à partir du moment où le dixième cas survient, la courbe s’accélère en effet de façon exponentielle.

Or le délai entre le premier contaminé et le dixième décès ne cesse d’augmenter avec la latitude. « Plus on monte vers le Nord, plus la virulence de l’agression pandémique diminue. Les pays du Nord de l’Europe ne connaîtront pas, à cause de cela, l’intensité des deux crises majeures que l’on voit en Italie et en Espagne » affirme le professeur Toussaint. On comprend alors mieux pourquoi les armes du confinement ne sont pas encore dégainées en Suède.

La cible du virus sont les personnes très âgées

Pour l’équipe du professeur Toussaint, le virus, indépendamment de la densité, viserait plutôt une population cible sur laquelle il activerait son expansion. Le facteur de l’âge de la population est l’un des plus pertinents.

« Le risque explose avec l’âge affirme le professeur Toussaint.  Dans les premières séries publiées,aucun décès n’est constaté en dessous de 50 ans ; ensuite, ça augmente progressivement : 10% de mortalité entre 80 et 90 ans ; 35% au-delà . » Après 80 ans, le risque de décéder du coronavirus, une fois contracté, est 100 fois supérieur à celui d’un quadragénaire.

Des jeunes protecteurs

En observant la pyramide des âges des pays concernés, les chercheurs ont analysé le ratio entre les plus de 70 ans et les personnes de moins de 20 ans.  Dans une pyramide de pays très jeunes, comme les pays émergents, on constate une base très large et donc un ratio est très faible. C’est le cas dans certaines provinces de Chine, en Iran et même en Corée qui présentent un ratio de 0.23 c’est-à-dire qu’il y a 4 personnes de moins de vingt ans pour une personne de plus de 70 ans.

À l’inverse, les populations vieillissantes de l’Ouest européen, en Italie ou en Espagne détiennent les records d’espérance de vie, mais présentent un ratio supérieur à 0.8 : soit 4 personnes de plus de 70 ans pour 5 personnes de moins de 20 ans.

L’hypothèse à tester réside dans le fait que le groupe des jeunes pourrait être protecteur vis-à-vis des plus âgés. Des sujets de 90 ans au milieu d’une population de personnes de moins de 20 ans —dont on sait qu’ils contractent beaucoup moins la maladie et ont un portage viral bien inférieur aux autres —, pourraient protéger les plus vieux par un effet de masse ou immunité grégaire (herd effect) comme s’ils « détournaient l’attention du virus ».

Pour Jean-François Toussaint, « le COVID est une maladie de l’âge qui montre les évolutions de nos insuffisances : cardiaques, respiratoires, rénales, neuronales, etc. Le virus attaquerait ainsi une insuffisance immunitaire entraînant une incapacité des personnes âgées à se défendre contre ce virus ». Il poursuit cette idée : « COVID-19 n’est pas du tout une maladie juvénile. C’est une erreur de dire que les enfants sont des porteurs sains mais hautement contagieux. Les enfants ne sont que très peu concernés par ce virus, par rapport aux autres maladies virales infantiles comme la varicelle ; ils sont très peu porteurs et seraient presque protecteurs. Il faudrait vérifier cette hypothèse. Dans toutes les populations avec une grande proportion de jeunes, il est très peu probable qu’on assiste à des explosions comparables à celles de l’Italie ou de l’Espagne, dont le drame se noue surtout dans les EHPAD et les maisons de retraite parfois abandonnées ». Il ajoute : « Dans les banlieues, les jeunes n’apprécient pas franchement le confinement. Ce n’est pas notre maladie disent-ils. On n’est pas malades. Ils n’ont pas complètement tort : COVID-19 n’est actuellement pas un problème pour eux ! Mais leur rôle dans la configuration de l’immunité de groupe sera ensuite essentiel. Or cet objectif est celui de la prochaine étape, dès la sortie du confinement.»

L’Afrique pourrait être épargnée

La pyramide des âges en Afrique pourrait-elle être un facteur protecteur qui expliquerait la très faible intensité de l’épidémie dans ce continent ?

« Il n’y aura probablement pas d’explosion en Afrique avance Jean-François Toussaint. Depuis janvier, le virus est certainement déjà passé plusieurs fois sur ce continent, mais il n’y a pas trouvé sa niche. Il trouve son terrain de prédilection dans les pays d’Europe ou aux États-Unis, en raison du très grand nombre de personnes âgées ».

L’Afrique compte, au moment où nous écrivons ces lignes, 2239 cas contaminés et 64 décès.  Sur un strict plan statistique, le continent ne semble pas concerné, même si, pour Jean-François Toussaint, « il n’est peut-être qu’au début d’une possible évolution. Si épidémie africaine il y a, elle a commencé vers la fin du mois de février, avec un taux de progression extrêmement faible. Dans le même temps, l’Italie accumulait 20 000 contaminations et 1 400 décès, pour une population 20 fois moins importante. »

On peut voir dans ces discordances l’effet de la très forte concurrence entre virus à l’Équateur et sous les Tropiques. Mais on peut aussi trouver deux autres raisons possibles éclairées par le tropisme démographique et géographique. D’abord, parce que la population africaine est beaucoup plus jeune et qu’elle n’entre pas dans les cibles de prédilection du coronavirus. Le professeur Toussaint ose « Le Covid-19 est brutalement devenu une maladie de vieux européens ; c’est peut-être pour cela que son vacarme nous paralyse, alors que les maladies africaines (paludisme, HIV, … ) continuent à une toute autre allure. Le vieil européen redécouvre le visage de la mort alors que le sage africain n’a jamais cessé de l’observer. »

La deuxième raison tient encore à la géographie : en dessous du 25° parallèle Nord, le coronavirus est très peu contaminant et encore moins létal. Y aurait-il un optimum géographique seulement ? Ou un optimum thermique associé ? On ne le sait pas encore mais la phase épidémique qui va maintenant se dérouler en Inde nous le dira très rapidement.

Profil, vitesse et pic

Un des résultats les plus frappants du travail de l’Irmes concerne le profil de propagation du coronavirus. Quel que soit le pays touché, quel que soit le moment de son émergence, le virus suit très exactement la même dynamique. « Quand on regarde l’ensemble des régions de Chine en dehors du Hubei et de Wuhan, au cœur de l’épidémie, on observe que le pic de celle-ci est toujours atteint en 4 semaines. Seule la Corée a réussi à obtenir une durée exceptionnelle de 3 semaines, sans passer par le confinement. » observe le chercheur.

Il nous explique qu’entre un système de santé iranien et un système de santé espagnol ou français, il n’y a pas de commune mesure.  Et pourtant, le virus a partout passé son pic au bout de 4 semaines. Exactement comme l’ont fait les 30 autres provinces de Chine. L’Italie a passé son pic le samedi 21 mars. « Dans tous les pays dans lesquels on observe le passage au pic et la décroissance, on observe quasiment la même durée de montée de 3 à 4 semaines. On peut ainsi prévoir le pic pour le début de la semaine prochaine en France et pour out début avril en Espagne ».

Ce profil dynamique du virus, toujours le même partout, n’exclut pas des différences fondamentales et notamment celles concernant le nombre de victimes.  L’Espagne présente un taux de croissance beaucoup plus élevé que la France, sans doute en raison de son « réservoir » de personnes âgées et de sa pyramide des âges défavorable. Le rythme de l’épidémie espagnole est le même que celui des autres pays mais le taux de décès sera très élevé, et le tribut sans doute plus lourd qu’en Italie.

Le coronavirus est un sprinter et non un marathonien

« Ce coronavirus est un sprinter, pas un marathonien » affirme le professeur Toussaint. Comme certains autres coronavirus le nouveau venu possède des temps d’expansion courts et une vitesse de propagation qui n’est pas celle de la tuberculose, ou d’Ébola. Pour le coronavirus actuel en parle en semaines ; avec Ébola, on parle de plusieurs mois et d’un an et demi pour toute la durée de la dernière épidémie.

« Mais s’il s’éteint, tient à préciser le professeur Toussaint, on sait qu’il reste présent, porté par nombre d’animaux, chauves-souris, pangolins, et d’autres hôtes intermédiaires qu’on ne connaît pas encore. Des mutations aléatoires successives, proposées par le vivant, finissent par élargir les interactions homme-virus-animal et aboutissent à une nouvelle pandémie. Un virus cousin peut apparaître dans un sept ou quinze ans, qui trouvera l’une des autres failles de notre armure. »

Ce scénario est imprédictible. Autant on peut concevoir le mécanisme général, autant on ne peut prédire quand il se produira, ni surtout quelle en sera la mutation responsable. Nous sommes dans le stochastique, l’aléatoire absolu, le vivant ne cessant de proposer toutes les options possibles.

Les travaux du professeur Toussaint peuvent nous aider à mieux comprendre la logique de fonctionnement de ce virus, sa propre dynamique et sa physiologie. Sa compréhension pourrait nous permettre de tirer des leçons de cette épidémie, de valider les différentes options prises par les États pour nous protéger et, peut-être, de comprendre son risque pour mieux le maîtriser.

 

Un commentaire: Le risque de mortalité étant lié à l'âge, pouquoi ne pas limiter le confinement aux plus de 70 ans (ou >60) et laisser se propager le virus pour arriver à une immunisation naturelle en moins de temps qu'un confinement général? Cela libèrerait des places en réanimation et permettrait de faire face à la propagation du covid. Pour être complet, il faudrait connaitre le % versus l'âge des personnes en réanimation. Se pose également le problème du confinement en EHPAD.  Marius Réglier