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Décryptage

Le marché de la dette subordonnée bancaire tétanisé après le choc Credit Suisse 

 

 

Depuis début mars et la faillite de SVB puis la vague de défiance qui a emporté Credit Suisse, aucune banque ne s'est risquée à émettre de la dette sur le marché. Le dégel pourrait être long à venir pour le segment dédié aux titres « Additional Tier 1 » ou CoCos, les plus subordonnés et les plus risqués.

 

 

 

Au total, 16 milliards de francs suisses d'AT1 de Credit Suisse ont été effacés le 19 mars dernier à l'occasion du sauvetage du groupe par UBS.
Au total, 16 milliards de francs suisses d'AT1 de Credit Suisse ont été effacés le 19 mars dernier à l'occasion du sauvetage du groupe par UBS. (Denis Balibouse/REUTERS)

Par Sophie Rolland

Publié le 2 avr. 2023 à 08:02Mis à jour le 2 avr. 2023 à 09:50

2023 devait être l'année d'un recours accru au marché de la dette pour les banques européennes. Dans ses prévisions de septembre 2022, l'Autorité bancaire européenne estimait qu'elles allaient augmenter leurs émissions (en net) d'environ 6 % cette année, pour prendre le relais des TLTRO, ces prêts gratuits voire rémunérés de la BCE, qui arrivent à leur terme.

Mais depuis début mars et la faillite de SVB, puis la vague de défiance qui a emporté Credit Suisse, l'accès au marché n'est plus du tout une évidence pour les banques : aucune nouvelle émission de dette n'a eu lieu. « Cela aurait été extrêmement coûteux dans un tel environnement, mais avec l'accalmie de ces derniers jours, le marché primaire devrait bientôt se rouvrir », nuance Jérôme Legras chez Axiom AI.

Investisseurs sous le choc

Pour les instruments de dette les plus subordonnés , les obligations Additional Tier 1 (AT1) dites « Contingent Convertible » (CoCo), le délai pourrait en revanche être beaucoup plus long. Depuis l'effacement de 16 milliards de francs suisses d'AT1 de Credit Suisse le 19 mars dernier (ce qui représente plus de 5 % du marché des AT1), à l'occasion du sauvetage par UBS, les investisseurs sont sous le choc.

Et même si les autres régulateurs bancaires ont assuré qu'ils respecteraient, eux, la hiérarchie des créanciers dans un cas similaire, l'épisode est venu rappeler aux investisseurs les leçons de la crise de la dette grecque de 2012 : peu importe ce qui est écrit dans le prospectus du titre qu'ils détiennent, dans les cas extrêmes, leur sort est toujours subordonné à la décision du souverain.

Pas de remboursement anticipé

Le marché des AT1 est-il mort ? Pour Timothy Rahill d'ING, « il est peu probable que les banques soient en mesure d'émettre de nouvelles obligations AT1 dans un avenir proche ». Par peur de ne pas pouvoir se refinancer sur le marché, certaines d'entre elles ont d'ailleurs déjà laissé entendre qu'elles n'exerceraient pas leur option de remboursement anticipé. Cela avait déjà été le cas en 2020 pendant le pic de stress lié au Covid-19 et à la fin de l'année 2022.

Le marché de la dette Tier 1, qui permet aux banques de se constituer un coussin de fonds propres réglementaires (entre 1,5 % et 2,5 % des actifs pondérés en fonction de leurs risques), est pourtant essentiel, comme le rappelle Jérémie Boudinet de La Française AM. « Si les régulateurs ou les investisseurs devaient exiger des banques qu'elles renoncent à cette partie de leur structure de capital, elles devraient alors la remplacer par des actions ordinaires, dont le coût du capital est actuellement estimé à environ 15 % à 16 %. Cela ne serait ni efficace ni rentable ».

Plus jamais

Quant aux investisseurs, ils ont déjà, plusieurs fois par le passé, déclaré qu'ils ne reviendraient plus jamais financer tel ou tel émetteur : la Grèce, après la restructuration de 2012, l'Argentine, après ses multiples défauts, les banques les plus fragiles du sud de l'Europe après le  traitement inégal des détenteurs d'obligations de Banco Espirito Santo en 2015 ou après la nationalisation de Banca Monte dei Paschi di Siena en 2016… Mais une fois l'émotion passée, et la prime de risque réévaluée, ils sont quand même revenus.

« L'effondrement des AT1 de Credit Suisse est significatif pour le marché, mais nous ne voyons pas de raison valable pour que les investisseurs abandonnent complètement le marché des AT1 d'autres banques, dont les fondamentaux sont très différents », estime Jérémie Boudinet. D'autant que depuis l'épisode Credit Suisse, les rendements ont littéralement explosé.