JustPaste.it

La rentrée du Covid s’est bien passée, merci

La huitième vague est là. La différence avec les précédentes, c’est qu’aujourd’hui tout le monde s’en fout. Un déni collectif incompréhensible pour notre chroniqueur Christian Lehmann.

55efbce9d5b61ebd8801e97b529e5fca.jpg

par Christian Lehmann, médecin et écrivain

publié le 17 septembre 2022 à 11h15

 

Interrogé par Bruce Toussaint sur BFM le 2 septembre, le ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, se félicitait : «Nous n’avons pas encore de chiffre national, le bilan de la rentrée sera tiré précisément dans les jours à venir, mais ce que je peux vous dire c’est que la rentrée s’est bien passée… n’en déplaise aux Cassandre qui annonçaient une mauvaise rentrée.»

 

Et effectivement, comme on pouvait s’y attendre, la rentrée du Covid s’est bien passée. Certes, il n’a pas eu de nouveau cartable, il a pour l’instant gardé ses fournitures de l’année dernière, mais comme l’avaient prévu les Cassandre fatigués, il a fait un très beau début de premier trimestre, engrangeant une énième fois les félicitations étonnées des observateurs. Zéro protocole sanitaire à l’école, pas de masque dans les transports et les lieux clos, une campagne vaccinale purement virtuelle, aucun investissement sur la qualité de l’air malgré les promesses électorales du Président, et enfin, un mantra gouvernemental répété dans la majorité des médias : le Covid, c’est fini. Le Figaro titrait le 16 septembre : «Covid : pourquoi la crise est derrière nous». Mon ami David Simard répond du tac au tac : «Parce qu’on lui tourne le dos.»

 

Vous savez quoi ? J’en ai marre d’avance d’écrire ce papier que je savais que j’allais devoir écrire.

 

Indifférence générale

La huitième vague est là, la seule différence c’est, justement, l’indifférence générale. Les contaminations remontent, vont dépasser 30 000 personnes par jour dès que nous serons entrés dans l’automne. Cela a commencé chez les enfants, en majorité non vaccinés et sans aucun moyen de protection à l’école, puis diffuse vers les classes d’âge plus élevées, parents, grands-parents. Les entrées en soins critiques vont suivre, puis les décès, en majorité des personnes âgées ou fragilisées par d’autres pathologies. Un nouveau cycle, mais la société a mûri, elle a appris à s’en foutre.

 

Les inquiets, ceux qui savent qu’ils ne sont pas invulnérables, ceux qui côtoient des proches immunodéprimés ou malades, cherchent à savoir s’il faut avoir recours à une quatrième dose dès maintenant, ou attendre de nouveaux vaccins plus adaptés. En effet, la nouvelle génération de vaccins ARNm cible non seulement la souche originelle du Covid mais aussi la souche omicron, que ce soit, pour l’un d’entre eux, le variant BA.1 apparu vers janvier 2022, ou le variant BA.5 plus récent et encore largement en circulation. Les études semblent montrer une meilleure réponse immunitaire avec ces vaccins qu’avec le vaccin originel, mais à l’heure actuelle nous n’avons aucune visibilité sur la stratégie vaccinale que la France adoptera… si le gouvernement considère qu’une stratégie vaccinale est rendue nécessaire par la demande populaire.

 

En attendant, que conseiller ? Si vous avez déjà reçu trois doses de vaccin, vous bénéficiez toujours d’une protection très importante contre les formes graves de la maladie. Mais l’irruption des variants ayant hélas fortement érodé la protection contre la transmission virale, au-delà de douze semaines après votre précédent rappel, vous êtes peu protégé contre le fait d’être infecté et de transmettre le Covid. Ce qu’il faut bien saisir, c’est que depuis plusieurs mois, le gouvernement avait basé sa lutte contre le virus sur une stratégie du «tout vaccinal», sans investir sur la qualité de l’air en lieu clos, et en abandonnant avec soulagement les mesures barrières à l’approche des élections. Et depuis le printemps 2022, cette stratégie s’est muée en «tout vaccinal sans vaccination», l’accès au vaccin étant théoriquement garanti, mais extrêmement complexe après la fermeture des centres qui coûtaient probablement «un pognon de dingue». Les patients de moins de 60 ans désirant un rappel pour se protéger, ou parce qu’ils sont porteurs de pathologies lourdes, ou parce qu’ils côtoient des proches particulièrement fragiles, peuvent se voir refouler en l’absence de directive claire. De même, de nombreux parents me confient galérer pour faire vacciner leurs enfants de 5 à 11 ans.

 

Fantasme d’une «immunité collective»

Il semble que les vaccins de nouvelle génération octroient un renforcement plus important et plus large de protection contre les variants actuellement en circulation. Mais nous n’avons pas de visibilité sur leur disponibilité. Et en l’absence de mesures barrières, en l’absence d’information et de pédagogie sur le danger réel que continue à représenter la pandémie, dans un contexte de déni volontaire de l’ensemble des pathologies dégénératives que l’on englobe sous le vocable de «Covid long», faire un rappel reste un moyen de limiter la propagation de l’épidémie. Les comparaisons récurrentes avec le virus de la grippe ne tiennent pas la route, non plus que le fantasme d’une «immunité collective» qui se heurte à la fréquence des réinfections pourtant remisée sous le manteau, puisque (je sais que je me répète) on omet sciemment de comptabiliser les réinfections survenant dans les soixante jours après un précédent épisode de Covid.

 

Sars COV 2 n’est pas un rhinovirus. Un rhinovirus provoque une virose ORL, un mal de gorge, un nez qui coule. Il ne laisse pas derrière lui un diabète, un AVC, des séquelles auditives, ophtalmologiques, neurologiques, vasculaires ou respiratoires. Nous laissons collectivement circuler un agent pathogène qui peu à peu, sans que nous en comprenions le mécanisme, dégrade l’état de santé global de la population. Malgré ce déni ambiant, il est impératif de limiter au maximum le nombre d’épisodes de Covid que vous ferez. Si vous ne désirez pas vous vacciner avec le vaccin originel toujours disponible, ou si vous ne pouvez y accéder, reste la protection individuelle : masque FFP2 dans les transports et en lieux clos, mais cette protection dépend fortement de votre environnement familial, amical, de travail. Et pour ceux qui ont des enfants scolarisés, cette protection, comme nous le constatons une nouvelle fois en cette rentrée, est totalement illusoire. Jean-Michel Blanquer nous a quittés, mais les Blanquer Games sont toujours là. La rentrée scolaire du Covid s’est bien passée.