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Incendie Le monde pleure Notre-Dame, symbole de la “culture européenne”

Source Courrier International 16 avril 2019

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source: Courrier international (Paris)
L’incendie dévastateur qui a partiellement détruit Notre-Dame de Paris dans la soirée de lundi a bouleversé la presse mondiale : éditorialistes et correspondants pleurent un symbole de la culture française et européenne, tout en soulignant la résilience des Français face aux tragédies.

 

 

L’incendie, qui s’est déclaré peu avant 19 heures dans les combles, s’est rapidement propagé à toute la toiture, et “l’effroi et une immense tristesse” se sont immédiatement emparés de “milliers de Parisiens et touristes rassemblés à proximité” du monument, raconte La Presse.

“Entre sanglots et prières”, les témoins ont assisté, sidérés, à l’effondrement de la flèche de la cathédrale, alors que “les immenses flammes orangées dévoraient la toiture, menaçant l’un des plus grands trésors architecturaux du monde occidental”, ajoute The Guardian.

Ce n’est qu’à 23 heures que les pires craintes ont été dissipées, rapporte Al-Jazira, quand “les pompiers parisiens ont déclaré que la cathédrale de Notre-Dame était sauvée, même si les flammes brûlaient encore dans la carcasse de la toiture”. Dès lors, Emmanuel Macron a promis “solennellement” devant les caméras : “Cette cathédrale, nous la rebâtirons. Tous ensemble.”

Les dégâts n’en restent pas moins considérables. Et même si, au Mexique, El Universal est soulagé que “la couronne d’épines de Jésus ait survécu à l’incendie” – à l’instar de la tunique de Saint-Louis, autre joyau du trésor de Notre-Dame arraché aux flammes –, le traumatisme sera profond et durable.

Car “ce n’est pas seulement la flèche de Notre-Dame qui s’est effondrée dans les flammes”, observe La Repubblica. “Avec elle, c’est une partie de notre identité européenne qui disparaît. Et nous avons fait de cette glorieuse cathédrale l’un des symboles de notre civilisation.”

Pour El País, “l’image terrible” du brasier, “digne du 11 septembre 2001”, renvoie aussi aux heures les plus sombres du XXe siècle, et aux autres cathédrales, “moins chanceuses celles-là, qui ont brûlé à travers toute l’Europe il y a plus de soixante-dix ans, pendant la Seconde Guerre mondiale”.

Souscription nationale

Le Washington Post, qui pleure à l’unisson sur la destruction d’un monument de plus de 850 ans, se demande “pourquoi les humains réagissent avec tant d’émotion à la destruction des choses anciennes”. Et d’avancer une hypothèse : “Les vieux bâtiments symbolisent l’idée que tout n’a pas nécessairement une fin. C’est la promesse de beaucoup de religions, un espoir partagé par les fidèles qui se rassemblent à Notre-Dame depuis des siècles. Même les plus fervents athées peuvent ressentir ce désir de continuité dans un univers en changement perpétuel.”

D’où le sentiment de “tristesse et de déception” ressenti par une correspondante du New York Times à Paris. “Face à l’ampleur des dégâts, nous avons échoué, en tant que civilisation, à prendre soin de quelque chose d’inestimable”, estime-t-elle. “Dans cent ans, les gens parleront encore de l’incendie de 2019.”

Mais alors qu’une souscription nationale pour la reconstruction doit être lancée dès mardi – la famille Pinault a promis 100 millions d’euros – et que les collectes de fonds ont déjà commencé aux États-Unis, le quotidien brésilien O Globo salue la résilience française : “Entre stupéfaction et solidarité, alors qu’ils pleurent leur chef-d’œuvre en cendres, les Français n’ont pas perdu de temps pour lancer une campagne de reconstruction du monument éternel. À chaque catastrophe, la ville souffre, mais semble renforcer sa résilience.”

Résilient s’il en est, après deux incendies dévastateurs, le théâtre vénitien de la Fenice s’est pour sa part voulu rassurant dans un message aux Français, rapporte La Stampa : “Nous avons brûlé par deux fois, mais par deux fois nous nous sommes relevés de nos cendres, plus forts. Nous sommes avec vous, les amis. N’ayez pas peur.”

 

 

 

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Vu de Belgique Notre-Dame de Paris en feu : et nous voilà soudain, nous aussi, éventrés

Le Soir (Bruxelles)

L’incendie fait sourdre les émotions, de partout et on surprend le monde entier à communier.

 

 

Soudain la flèche tombe. Et soudain, nous sommes à notre tour pliés en deux. Cassés, coupés, pris d’une violente inquiétude et d’une envie de vomir.

Comme si ces pierres qui avaient fait socle, étaient aussi notre refuge. Comme si ces arbres qui avaient fait charpente, étaient aussi notre berceau. Comme si cette cathédrale qui avait fait l’Histoire, était aussi notre Dame. C’était tout cela, mais nous l’apprenons là, tant nous sommes transpercés. Nous nous découvrons soudain nous aussi, éventrés, comme ce Paris que nous aimons tant.

Et puis il y a cette image, terrible, d’un président impuissant au pied de ce géant qui se consume. Hagard et anéanti, comme tout ce peuple silencieux et en larmes.

On ne peut s’empêcher de voir dans cet effondrement, une métaphore de tant de pouvoirs lézardés et incendiés, d’un monde fragilisé où ces murs épais et séculaires sont devenus autant de sanctuaires qui nous donnaient l’assise pour reprendre du souffle, qui nous redisaient ce que nous sommes et d’où nous venons, mais aussi l’impérieuse nécessité de la belle ouvrage et de la force des monuments. L’incendie fait sourdre les émotions, de partout et on surprend le monde entier à communier.

Les mots pour refuge

Où chercher refuge ? Dans les mots, si puissants, de Victor Hugo. Vite, ouvrir ce vieux livre qu’on a tant trimballé. On feuillette, fébrile et soudain, on reste sans voix. Comme si, par-delà les siècles, Victor Hugo avait pris soin de ne pas nous laisser seuls, comme s’il avait voulu nous consoler en nous aidant, enfin, à pleurer :

“Tous les yeux s’étaient levés vers le haut de l’église. Ce qu’ils voyaient était extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles, une grande flamme désordonnée et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumée. Au-dessous de cette flamme, au-dessous de la sombre balustrade à trèfles de braise, deux gouttières en gueules de monstres vomissaient sans relâche cette pluie ardente qui détachait son ruissellement argenté sur les ténèbres de la façade inférieure. À mesure qu’ils approchaient du sol, les deux jets de plomb liquide s’élargissaient en gerbes, comme l’eau qui jaillit des mille trous de l’arrosoir. Au-dessus de la flamme, les énormes tours, de chacune desquelles on voyait deux faces crues et tranchées, l’une toute noire, l’autre toute rouge, semblaient plus grandes encore de toute l’immensité de l’ombre qu’elles projetaient jusque dans le ciel. Leurs innombrables sculptures de diables et de dragons prenaient un aspect lugubre. La clarté inquiète de la flamme les faisait remuer à l’œil. Il y avait des guivres qui avaient l’air de rire, des gargouilles qu’on croyait entendre japper, des salamandres qui soufflaient dans le feu, des tarasques qui éternuaient dans la fumée. Et parmi ces monstres ainsi réveillés de leur sommeil de pierre par cette flamme, par ce bruit, il y en avait un qui marchait et qu’on voyait de temps en temps passer sur le front ardent du bûcher comme une chauve-souris devant une chandelle. Sans doute ce phare étrange allait éveiller au loin le bûcheron des collines de Bicêtre, épouvanté de voir chanceler sur ses bruyères l’ombre gigantesque des tours de Notre-Dame.” (Extrait de “Notre Dame de Paris”, Victor Hugo. 1831)

source Béatrice Delvaux Source Le Soir Bruxelles http://www.lesoir.be