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« Aujourd’hui, 40 kilos de pluie de plastique sont attendus » : la « météo plastique » arrive à Paris

Une opération de sensibilisation est menée dans la capitale, qui accueille jusqu’au 3 juin la deuxième session de négociations consacrées à l’élaboration d’un traité international visant à en finir avec la pollution plastique.

Par Stéphane Mandard

« Aujourd’hui le temps sera ensoleillé sur Paris, avec malgré tout quelques averses de plastique pouvant atteindre 40 kilos en précipitations cumulées sur la journée. » Un bulletin météo d’un genre nouveau, avec sac plastique en forme de nuage plus ou moins menaçant selon les prévisions, est inauguré à Paris, jeudi 25 mai, par l’ex-présentatrice vedette de France Télévisions Chloé Nabédian, avec le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu. Développé par les chercheurs de la Fondation Minderoo, une organisation philanthropique australienne, « The Plastic Forecast » (les prévisions pour le plastique) se veut un nouvel indicateur météo pour alerter sur la « crise de la pollution plastique ».

Son lancement mondial à Paris n’est pas dû au fait que la capitale française soit sujette à un microclimat plastique particulier, mais à ce qu’elle accueille du 29 mai au 3 juin la deuxième session de négociations consacrées à l’élaboration d’un traité international visant à en finir avec la pollution au plastique.

L’opération de sensibilisation passera par un affichage dans le métro, sur les Abribus et autres panneaux publicitaires numériques pendant la durée des négociations. Les bulletins « météo plastique », comme ceux de Météo-France, pourront, eux, être consultés sur le site Plasticforecast.com, même après le sommet des Nations unies. « Le Plastic Forecast prouve qu’il est quasi impossible de se soustraire à cette menace », commente Marcus Gover, coordinateur des recherches sur le plastique à la Fondation Minderoo. Associée au très sérieux Boston College, la fondation a publié cette année un rapport de référence qui évalue le coûts des impacts environnementaux et sanitaires de la pollution au plastique, estimée à plus de 350 millions de tonnes par an à l’échelle de la planète.

 

Des microparticules et nanoparticules

Même lorsque les prévisions sont au beau fixe, le bulletin annonce des « précipitations » de plastique de l’ordre de 40 kilos sur une journée. Par temps de pluie, c’est jusqu’à 420 kg de plastique qui s’abattent sur la tête des Parisiens. Un gadget ? Pas du tout, se défend la fondation australienne. Pour établir leur modèle, les chercheurs expliquent s’être appuyés sur des publications scientifiques. La littérature scientifique a mis en évidence le fait que le plastique était présent dans l’atmosphère sous forme de microparticules (inférieures à 5 millimètres) et nanoparticules (inférieures à 1 microgramme) et contaminait les endroits les plus reculés de la planète, des déserts à la banquise en passant par le sommet de l’Everest.

Ces microplastiques sont issus de la décomposition des déchets, mais également émis en permanence dans l’atmosphère par tous les matériaux incorporant du plastique : les peintures, les revêtements utilisés dans le bâtiment ou encore l’usure des pneus.

Un « outil de sensibilisation efficace »

Dans une étude pionnière publiée en 2016, des chercheurs français d’un laboratoire de l’université Paris-Est Créteil étaient parvenus à une première estimation (entre 3 tonnes et 10 tonnes) de la quantité de fibres microplastiques se déposant en une année à l’échelle de l’agglomération parisienne par les retombées atmosphériques. Ces résultats ont depuis été confortés par d’autres équipes à l’étranger. La Fondation Minderoo se fonde sur le chiffre de 48 tonnes par an à Paris pour son modèle.

 

Ces travaux montrent également que la quantité de plastique collectée est nettement plus importante par temps de pluie : l’humidité agrège les particules entre elles et les fait retomber au sol. En fonction du pourcentage de précipitation prévu, les chercheurs de la fondation australienne ont extrapolé un niveau de « pluies de plastique » qui oscille entre 40 kg (0 %) et 420 kg (100 %) par jour. Sur une semaine, le cumul peut donc dépasser la tonne.

« Se dire qu’une telle quantité de plastique “tombe” sur une ville comme Paris devrait suffire à convaincre les négociateurs du traité sur le plastique de l’importance de ce qui se joue cette semaine », commente Marcus Gover. La fondation entend proposer son service de météo plastique dans d’autres villes. Après Paris, il restera encore trois sessions de négociations avant d’aboutir à un traité, fin 2024. Désormais présentatrice du magazine « A la vie, à la Terre » sur TV5 Monde, Chloé Nabédian estime, elle, que la prévision plastique est un « outil de sensibilisation très efficace » qui devrait être intégré aux bulletins météo au même titre que les émissions de C02 ou de particules fines.