Tout d’abord, petite remise en contexte :
- Suite à la victorieuse campagne de France, menée par les Britanniques, les Russes, les Prusses et les Autrichiens, l’empereur est défait. Le traité de Fontainebleau lui permet de conserver son titre d’empereur, mais confine son empire à l’île d’Elbe en mer Méditerranée. D’aucuns y voient un humour tout à fait britannique. Louis XVIII monte sur le trône : c’est la Restauration.
- Le 1er mars 1815, il retourne sur le continent, poussé par des rumeurs indiquant sa déportation prochaine dans le Pacifique, ainsi que par des renseignements indiquant la hausse de sa popularité face à la Restauration. Son retour est triomphal, et qualifié de “vol de l’aigle” de Cannes jusqu’à Paris. Les troupes envoyées pour le contrer le rallient, notamment le maréchal Ney.
- Ce sont les “Cent jours”. De Paris, Bonaparte déclare ses intentions de paix, mais une nouvelle coalition se dresse contre lui.
- Napoléon Bonaparte est finalement déchu suite à la défaite de Waterloo le 18 juin 1815 contre les forces combinées de la Grande-Bretagne, de la Prusse, des Pays-Bas, de Hanovre, de Nassau et de Brunswick, dirigées par notamment Wellington et Blücher. “Waterloo, morne plaine!”
- “Le soir tombait; la lutte était ardente et noire.
Il avait l'offensive et presque la victoire;
Il tenait Wellington acculé sur un bois.
Sa lunette à la main, il observait parfois
Le centre du combat, point obscur où tressaille
La mêlée, effroyable et vivante broussaille,
Et parfois l'horizon, sombre comme la mer.
Soudain, joyeux, il dit: Grouchy ! - C'était Blücher !
L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme.
La mêlée en hurlant grandit comme une flamme.
La batterie anglaise écrasa nos carrés.”
Victor Hugo, Les Châtiments
- Napoléon Bonaparte est déporté une seconde fois, sur l’île de Sainte-Hélène, où il dictera ses mémoires. Il y mourra en 1821.
Maintenant que le contexte est dessiné, passons à la question. Tout d’abord, le terme de “vie de luxe en exil à Sainte-Hélène” est à nuancer ; il s’agissait d’un exil loin des siens, d’une condamnation.
Pourquoi les Britanniques n’ont pas pendu Napoléon Bonaparte? Parce qu’un tel homme est plus dangereux mort qu’en exil. En effet sa popularité était grande, malgré la défaite sanglante de la campagne de Russie, popularité d’autant plus importante que celle des Bourbons était au plus bas depuis la Révolution et la décapitation de Louis XVI. Dès lors, une exécution publique de l’empereur aurait pu créer des émeutes, et possiblement un nouveau soulèvement, cette fois ci contre la Restauration. De plus, cela en aurait fait un martyr et sa mémoire aurait perduré dans l’imaginaire collectif comme celui ayant donné sa vie pour la gloire de la patrie contre l’ennemi britannique. A contrario Louis XVIII aurait pâti de l’image d’un roi arrivé au pouvoir grâce à l’aide de ce même ennemi. La popularité de Napoléon se révélera notamment pendant le vol de l’aigle et les Cent Jours, où le peuple et l’armée le rallient. Un tel engouement aurait pu se transformer en nouveaux soulèvements si l’empereur avait été pendu, d’autant plus que la pendaison était une exécution infamante pour un empereur.
Face à de telles éventualités, l’exil est préférable, à la fois pour les Britanniques et Louis XVIII. En effet, l’empereur mourant loin de son pays longtemps après les faits et ayant perdu son aura est moins préjudiciable pour le pouvoir bourbon.
Le calcul était donc stratégique. Je ne pense pas que de quelconques questions morales étaient en jeu. En effet, le maréchal Ney sera lui exécuté pour trahison lors de la chute de Napoléon.