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valeursactuelles.com Par Amaury Brelet

 

Quand la Chine rachète l’économie française à coups de milliards

 

Club Med, Accor, Baccarat… Depuis 2000, Pékin a investi plus de 14 milliards d’euros dans nos entreprises nationales, indique une nouvelle étude. Une tendance durable qui inquiète.

L’empire du Milieu s’étend toujours plus. La Chine a investi 145 milliards d’euros en Europe depuis 2010, notamment en France, même si la tendance est au ralentissement en raison des mesures prises par plusieurs États pour réglementer les acquisitions du titan asiatique, révèle une étude publiée par le cabinet américain indépendant Rodhium Group et le think tank allemand Mercator Institute for China Studies (MERICS). Alors que le président chinois Xi Jinping est en visite en France, ces lundi 25 et mardi 26 mars, pour y discuter des grands thèmes bilatéraux et autres enjeux internationaux, les investissements massifs de Pékin sur le continent suscitent de plus en plus la méfiance au sein de l’Union européenne.

Dans l’UE, les investissements directs de la Chine sont ainsi passés de 2,1 milliards d’euros en 2010 à 20,7 milliards en 2015, puis à 37,2 milliards en 2016, avant de reculer à 29,1 milliards en 2017 et à 17,3 milliards d’euros en 2018. L’année dernière, 45% d’entre eux étaient dirigés vers les trois principales économies européennes : le Royaume-Uni (24%), l’Allemagne (12%) et la France (9%), où 1,6 milliard ont été investis. Depuis 2000, 60% des investissements directs chinois en Europe viennent de groupes étatiques contrôlés par Pékin. Au total, estime l’étude, ils se sont élevés à environ 14,3 milliards dans l’Hexagone, entre 2000 et 2018.

St Hubert, Axilone, Baccarat… Tous rachetés par la Chine

La France fait partie des pays qui ont profité de la « diversification accrue des investissements chinois vers de nouveaux marchés », analysait déjà une récente étude du cabinet d’avocats d’affaires international Baker McKenzie, qui évalue leur hausse à + 86% en 2018, hissant Paris à la 7ème place des dix cibles privilégiées par Pékin (1,83 milliard de dollars). Et les prévisions pour 2019 confirment cette tendance. L’année dernière, les entreprises chinoises ont notamment racheté le groupe d’agroalimentaire St Hubert (700 millions de dollars), le fournisseur mondial de solutions d’emballage en plastique et en métal Axilone (580 millions), ou la célèbre cristallerie Baccarat (189 millions), fondée par le roi Louis XV en… 1764.

Auparavant, l’empire du Milieu, qui investit, entre autres, dans l’immobilier, le tourisme et le luxe, avait mis la main sur le Club Méditerranée, la maison de couture Lanvin et l’enseigne de prêt-à-porter Naf Naf, ou réalisé des prises de participations dans le constructeur automobile PSA, le groupe AccorHotels et le club de football de l’Olympique lyonnais. Plus symbolique encore : 145 domaines viticoles en France appartiennent aujourd’hui à des Chinois. A lui seul, Jack Ma, le patron milliardaire du géant du commerce en ligne Alibaba, s’est offert quatre domaines bordelais en deux ans. En 2019, le groupe Tsinghua devrait enfin racheter le fabricant de composants de carte à puces Linxens pour 2,2 milliards d’euros.

En janvier 2018, en marge de la visite d’Emmanuel Macron en Chine, son ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’était dit opposé aux « investissements de pillage » de l’économie française. Depuis, le décret Montebourg, qui permet à l’État de bloquer des investissements étrangers dans des secteurs « stratégiques », a été renforcé. Désormais, la cyber-sécurité, l’intelligence artificielle, la robotique, la fabrication additive et les semi-conducteurs sont concernés et devront faire l’objet d’une autorisation. Une stratégie suivie par plusieurs pays en Europe, dont l’Allemagne et le Royaume-Uni. Selon l’étude du groupe Rodhium, presque la moitié des investissements chinois dans l’UE en 2018 relevaient de secteurs « sensibles ».