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Le secours catholique appelle à mieux reconnaître le rôle social des « inactifs » comme les bénévoles ou les aidants

Un rapport écrit avec l’association AequitaZ demande un élargissement de la protection sociale des personnes dites « inactives », qui contribuent à la société autrement que par l’emploi.

Par Claire Ané

 

Dans un local des Restos du cœur, à Paris, le 13 octobre 2020.

 Dans un local des Restos du cœur, à Paris, le 13 octobre 2020. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP

 

Emmanuel Macron avait parlé, en 2018, du « pognon de dingue » que l’Etat consacre aux minima sociaux. Le Secours catholique et l’association AequitaZ consacrent un rapport, mercredi 13 septembre, au « boulot de dingue » effectué par les personnes hors de l’emploi, afin de faire « reconnaître [leurs] contributions vitales à la société ». Il est le fruit d’ateliers associant chercheurs, professionnels associatifs et personnes concernées, dont une partie touche le revenu de solidarité active (RSA). « Ces gens ressentent une injustice à être souvent considérés, dans le discours public, comme des assistés, des profiteurs et des fainéants. Tandis que, de notre côté, nous voyons des personnes très actives, voire débordées, dont les activités sont utiles, pour elles comme pour la société », résume Jean Merckaert, directeur action plaidoyer France Europe au Secours catholique.

Les auteurs s’attachent à décrire toutes les contributions des personnes dites « inactives ». Elles consacrent leur temps à s’occuper du foyer, à élever les enfants, à aider un proche, à rendre service et visite à une voisine. Elles s’investissent bénévolement dans des associations, des syndicats ou des partis politiques ou, de façon informelle, à l’école ou dans leur quartier… Elles prennent aussi soin d’elles-mêmes, s’évitant de devoir être aidées ou hospitalisées. Au soin des autres s’ajoute celui du vivant, quand elles compostent, jardinent, s’approvisionnent auprès d’un maraîcher des environs…

Repenser la justice

Toutes ces activités sont loin d’être marginales, montre le rapport : le temps consacré au travail domestique est supérieur au temps de travail rémunéré, selon l’Insee, et « si l’activité parentale et domestique était déléguée à des professionnels, le PIB augmenterait d’un tiers ». Il égraine les chiffres : plus de 9 millions d’aidants familiaux soutiennent 15 millions d’enfants et 5 millions d’adultes malades, en situation de handicap ou âgés ; le bénévolat concerne près de 13 millions de Français et représente environ 680 000 équivalents temps plein.

 

Les auteurs soulignent combien ces pratiques de soin relèvent largement des femmes. Ils citent la politologue et féministe américaine Joan Tronto, qui a développé l’« éthique du care » (« prendre soin ») et qui invite à repenser la justice, « en partant non pas de tous ces gens qui n’ont pas assez d’argent et sont considérés comme responsables du fait qu’ils n’arrivent pas à prendre soin d’eux-mêmes, mais en partant plutôt de ceux qui ont trop de privilèges et forcent tous les autres à prendre soin des choses dont ils ne veulent pas s’occuper ».

 

Le rapport décrit, lui, nombre d’injustices. Dans la mesure où ces activités pratiquées hors de l’emploi s’exercent aussi en emploi (aides ménagères, assistantes de vie, jardinier…), pourquoi une telle différence en matière de reconnaissance symbolique, de rétribution et de protection sociale, celle-ci ayant été bâtie autour de l’emploi rémunéré ? D’autant que la pauvreté de la plupart des personnes hors emploi augmente les tâches qu’elles doivent accomplir : elles passent du temps à rechercher les promotions, à optimiser leurs déplacements, à faire valoir leurs droits auprès de l’administration et, pour beaucoup, à chercher du travail…

 

De plus, certains avantages sont réservés à des personnes en emploi ou payant des impôts : déduction fiscale de 66 % à 75 % des dons versés aux associations, déduction des frais liés au bénévolat, aides à la garde des enfants, indemnités pour les proches aidants, droits à la retraite… Les personnes qui touchent des aides sociales peuvent être pénalisées pour s’être montrées solidaires : héberger, à titre gratuit, une personne qui perçoit un revenu même modeste expose à une diminution des aides que l’on reçoit.

« Il existe déjà une zone grise »

Les auteurs préconisent de « transformer notre système de protection sociale », afin qu’il reconnaisse et sécurise les personnes qui s’investissent auprès des autres, de la société et du vivant, sans pour autant créer d’obligation. Et « la bonne nouvelle, salue Jean Merckaert, c’est qu’il existe déjà une zone grise, avec des activités non rétribuées qui bénéficient d’une forme de reconnaissance » : les sapeurs-pompiers volontaires, les proches aidants salariés, les jurés d’assises, les élus locaux et responsables associatifs bénéficient d’indemnités ou d’un remboursement de frais, les mères de trimestres de retraite supplémentaires, et il est possible de valider les acquis de l’expérience… s’y ajoute la reconnaissance symbolique, « telles ces cérémonies organisées en mairie pour remercier les couturières ayant confectionné des masques contre le Covid-19 », rappelle le responsable du Secours catholique.

 

Le rapport appelle à s’en inspirer pour débattre et créer de nouveaux droits, y compris celui à un revenu minimal garanti sans contrepartie. Il s’agirait, selon Jean Merckaert, de « sortir du procès fait aux pauvres, qui s’assortit de peines très concrètes, puisque le projet de loi pour le plein-emploi, en cours d’examen au Parlement, prévoit de suspendre le RSA à celui ou celle qui refusera d’effectuer quinze heures d’activités hebdomadaires ».`

 

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