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Source lefigaro.fr par MARGUERITE RICHELME

 

Les naissances d’aujourd’hui feront les actifs de demain qui financeront les retraites

 

LE FIGARO. - Pour financer un retraité, il y avait 4 actifs en 1950, contre 1,7 aujourd’hui. Quelles sont les perspectives?

Alain PARANT. - Le rapport entre actifs et retraités s’est considérablement réduit en France. En 1960, il avoisinait quatre pour un car notre pays comptait alors très peu de pensionnés. Le régime de retraite était naissant. En raison d’une mortalité plus précoce, très peu de personnes parvenaient à 65 ans (âge légal de la retraite à l’époque). Celles qui y parvenaient avaient une vie de retraite beaucoup plus courte. Les cotisants étaient très nombreux, le chômage quasi inexistant et l’entrée dans le monde du travail survenait en moyenne bien plus tôt qu’aujourd’hui.

L’effondrement du rapport de 4 à 1,7 tient à un double mouvement: baisse relative du nombre de cotisants (allongement de la durée des études, insertion sur le marché du travail plus difficile, chômage) et forte augmentation du nombre de retraités (arrivée à la retraite des générations du baby-boom, abaissement de l’âge moyen de départ en retraite, élévation de la durée de vie moyenne de retraite). Les pays qui présentent un rapport cotisants/retraités plus favorable (Norvège, Australie, États-Unis) sont des pays qui ont connu après-guerre un baby-boom moins marqué, voire qui ont une croissance au contenu en emplois plus favorable, voire encore qui ont adopté des législations en matière d’âge de sortie d’activité plus strictes.

À l’horizon 2030, l’érosion paraît inéluctable, sauf stagnation des espérances de vie Alain Parant

L’érosion continue du rapport cotisants/retraités est-elle inéluctable?

Selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), la baisse du rapport cotisants/retraités devrait se poursuivre jusqu’à 1,6 en 2030. Seule certitude, la baisse du nombre de pensionnés liée à la disparition progressive des générations du baby-boom ne se percevra guère avant 2050. Les cotisants et les pensionnés de 2030 sont tous déjà nés ; l’incertitude porte donc sur l’évolution du contexte socio-économique et sur l’évolution démographique. Sur le plan socio-économique, les hypothèses du COR sont plutôt optimistes - baisse du chômage, élévation de l’âge moyen de départ en retraite induit par les réformes en cours - et jouent donc à la hausse du rapport. Sur le plan démographique, l’hypothèse d’une élévation des durées de vie moyennes joue au contraire à la baisse du rapport ; les réserves de survie se situant dans les âges élevés, elles induisent, toutes choses égales par ailleurs, un surcroît de baby-boomers pensionnés. À l’horizon 2030, l’érosion paraît inéluctable, sauf stagnation des espérances de vie.

Le recul de l’âge de départ à la retraite est-il nécessaire?

Les comptes de l’assurance-vieillesse ne peuvent qu’être de plus en plus déficitaires hors augmentations des cotisations, baisse des pensions servies ou élévation de l’âge frontière entre activité et retraite. Les deux premiers leviers ayant déjà servi jusqu’aux limites du supportable, sinon au-delà, le troisième paraît le plus opportun ; mais on peut y parvenir par deux voies différentes: la mesure d’âge frontale, pas forcément la plus facile à faire admettre ni nécessairement la plus équitable ; l’élévation de la durée de cotisation en fonction de l’évolution de l’espérance de vie.

Cette dernière a l’avantage de contribuer à résorber l’effet de ce que les démographes nomment inégalité sociale devant la mort, qui veut que selon la catégorie sociale d’appartenance, la probabilité de survivre jusqu’à la retraite est plus ou moins élevée et qu’au-delà, la durée de vie de retraite est plus ou moins longue. Les catégories les moins favorisées au regard de la mort (ouvriers) qui entrent dans la vie active plus précocement sortiront du marché du travail, à durée de cotisations donnée, plus tôt que les catégories sociales plus privilégiées au regard de la mort et à l’entrée dans la vie active plus tardive (professions intellectuelles et cadres supérieurs).

Que penser de la Suède, qui adapte l’âge de départ à la retraite en fonction de l’espérance de vie de chaque génération?

Les Suédois ont substitué à leur ancien système par répartition à prestations garanties un système par répartition à cotisations garanties. Il coexiste avec un régime par capitalisation lui aussi obligatoire. Jusqu’en 2000, les cotisations des actifs variaient en fonction du montant total des pensions versées. Depuis, ce sont les pensions qui s’adaptent au montant des cotisations prélevées à taux fixe sur tous les revenus. Pour déterminer le montant annuel de la pension d’un individu prenant sa retraite, on divise le montant total actualisé des cotisations qu’il a versées par le nombre d’années qui lui reste à vivre ; plus il prend sa retraite tôt, plus ce nombre est élevé et sa pension faible, plus il prend sa retraite tard, plus son espérance de vie est faible et sa pension élevée surtout s’il la prend après 65 ans (surcote).

Les pensions sont réévaluées en fonction de l’évolution de l’espérance de vie (toutes catégories de personnes confondues) et de l’évolution du salaire réel moyen par tête. Si les réserves financières du système deviennent insuffisantes en raison d’une baisse de l’activité économique ou du nombre d’actifs occupés, le taux de cotisation étant fixe, le montant des pensions servies automatiquement baisse (ce fut le cas en 2010, 2011, 2014).

Sauf surcroît d’immigration étrangère jeune, la population des femmes âgées de 25-34 ans n’augmentera pas au cours des prochaines années Alain Parant

Les naissances d’aujourd’hui conditionnant les actifs de demain, la France soutient-elle suffisamment sa natalité?

Les naissances d’aujourd’hui feront les actifs de demain, sous réserve de formations adaptées aux futurs besoins de l’appareil productif français et sous réserve que cet appareil productif sache les attirer!

Depuis 2010, le nombre des naissances baisse en France ; il est passé de 802.000 à 758.000 en 2018 (dernière donnée publiée), ce qui tient à une diminution de la population féminine en âge de procréation maximale (les femmes âgées de 25-34 ans appartiennent aux générations nées moins nombreuses à partir de 1975) et à une baisse de la fécondité (de 2,03 enfants en moyenne par femme en 2010 à 1,86) liée à une légère augmentation de la proportion de femmes sans enfant et, plus fondamentalement, au fait que les naissances qui interviennent aujourd’hui plus tard (au-delà de 30 ans) dans la vie des femmes ne compensent pas, numériquement parlant, les naissances qui survenaient naguère plus tôt. Ce phénomène d’allongement du calendrier de la fécondité atteint un niveau préoccupant. Alors que l’âge moyen à la maternité approche 31 ans, la poursuite de la tendance pourrait entraîner une hausse de l’infécondité, la PMA ayant ses limites.

Sauf surcroît d’immigration étrangère jeune, la population des femmes âgées de 25-34 ans n’augmentera pas au cours des prochaines années (héritage de la natalité passée). Si action il doit y avoir, celle-ci doit donc porter sur le niveau de la fécondité, et donc sur l’environnement offert aux jeunes générations d’adultes. Ces dernières étant aussi très ouvertes aux questions environnementales et aux discours invitant à limiter la croissance démographique mondiale, l’action devra être, non seulement ciblée, mais massive.