Apple, Microsoft, Google, Amazon, Facebook : quand la surpuissance de la Tech annonce et prépare la prochaine crise mondiale.
Jamais les Gafam n’ont été aussi puissantes qu’à la fin de ce trimestre, au point d’inquiéter les milieux financiers et politiques qui craignent que ces entreprises ne soient pas à la hauteur des responsabilités que cette puissance leur impose.
Les Gafam n’ont jamais été aussi puissantes. L‘année 2017 avait été brillantissime en termes de croissance, de chiffres d’affaires et de profits. Le premier trimestre de 2018 a encore été meilleur. Du coup, pour beaucoup de financiers investisseurs et responsables politiques, cette surpuissance commence à les préoccuper sérieusement. A tel point que Wall Street commence à avoir mal au cœur. Cette semaine, alors que les résultats des entreprises tombaient les uns après les autres à des niveaux d’excellence incroyable, les indices boursiers ont piqué du nez. Trop, c’est trop dit-on à Wall Street. En fait, les prévisionnistes des grands fonds n’excluent pas que cette surpuissance véhicule désormais les ressorts d’une prochaine crise systémique.
L’analyse qu’ils font est très simple.
1erpoint, les grandes entreprises de la Tech américaine ont atteint des niveaux de capitalisation jamais vus dans l’histoire contemporaine. Apple, qui est l'entreprise la plus chère du monde, approche les 1000 milliards de dollars, suivi de Microsoft (715 milliards de dollars) de Google (la maison mère Alphabet à 711 milliards) et Amazon (711 milliards de dollars). Facebook n‘est pas loin, même si la firme de Mark Zuckerberg a un peu décroché.
De telles valeurs donnent aux dirigeants de ces entreprises-là, un pouvoir considérable à l’échelle du globe. Ils peuvent en théorie, tout se permettre et tout acheter. Dans l’industrie, l'automobile, la banque, la santé, le cinéma, la télévision, la communication.
2epoint, la performance de ces entreprises est telle qu’elle fabrique des bulles à tous les niveaux.Non seulement les valeurs boursières sont énormes, mais ces entreprises servent les plus gros salaires, les plus gros bonus, offrent les meilleurs emplois, peuvent s’attacher les meilleurs cerveaux et les plus grands chercheurs dans le monde. Ajoutons à cela qu’elles peuvent acquérir les plus grosses parts de marché dans n'importe quel pays, n’importe quel secteur ou quelle entreprise.
3epoint, ces entreprises sont en risque de position dominante sur beaucoup de marchés, et notamment celui de la publicité où les 5 grandes drainent 70% de la publicité digitale dans le monde. Elles sont, pour la plupart et sur beaucoup de secteurs, au seuil de déclenchement des abus de pouvoir.
4epoint, les Gafam, avec leur activité mondiale, se moquent des frontières, et peuvent jouer avec les fiscalités locales pour optimiser leur résultat.
5 point, le cœur de leur activité regroupe des données personnelles. La data est devenue l'énergie-clef, le pétrole du 21ème siècle.Toutes les entreprises du digital ont les moyens de récolter des données personnelles, de les traiter, de les stocker dans d’immenses ordinateurs et de les exploiter à leur profit ou au profit de ceux qui en auraient besoin. Et c’est bien là où le bât blesse. Parce que, quand on apprend que des millions de données personnelles de Facebook peuvent avoir été utilisées à des fins politiques, on se dit que c’est le fondement même de nos systèmes démocratiques qui est menacé. Il est évident que l’accumulation des datas dans quelques mains menace la liberté individuelle et personnelle.
6ème point, ces entreprises sont par ailleurs en pointe dans le domaine de l’intelligence artificielle, et personne ne sait les changements profonds dans l’organisation de la société qu’apporteront les robots doués d’intelligence artificielle, c’est à dire capables d’inventer leurs propres programmes.
Alors, tous ces phénomènes imposent évidemment des responsabilités aux différentes entreprises. A partir du moment où ces entreprises deviennent incontournables, elles ne sont plus des entreprises comme les autres. Elles ont des responsabilités qui dépassent, et de loin, la seule obligation de créer de la richesse. Elles ont des responsabilités sociales, environnementales, éthiques, morales et politiques.
En dépit de la qualité personnelle des dirigeants, le système auquel ils appartiennent portent des risques de dérives graves. Beaucoup de chercheurs en sont parfaitement conscients.
Ce problème est extrême grave parce que la réaction première des Etats sera de réguler ces activités. Très bien sauf que les régulations s’arrêtent aux frontières et que les frontières sont complètement poreuses. Le digital circule où ils veulent et où la demande existe, c’est à dire partout.
Avec un autre risque, c’est que ces entreprises sont systémiques. Leur développement a généré des investissements collatéraux ou en chaîne, considérables. La multiplication des datas a boosté la fabrication des mobiles, des applications, de microprocesseurs, des investissements de stockage. Si on freine cette gestion de la data personnelle, on bloque une partie du développement sur lequel des millions de gens comptent pour vivre et travailler. D‘où la prudence des politiques face à l’affaire Facebook. Comment réguler les activités, éviter les dérives sans mettre en risque la croissance de ces entreprises.
L’industrie du digital donne l’impression à la fin de ce trimestre d’être arrivé dans une zone à risque, un peu comme l’industrie du pétrole à la veille de la grande crise. Laquelle crise a tout changé dans les modèles économiques en révélant la rareté relative des énergies fossiles, et leur caractère polluant. On n’a pas encore assumé les effets géopolitiques du recul de la civilisation du pétrole. Un peu aussi comme l'industrie financière et les banques mondiales en 2008 qui, à partir des excès des subprimes, ont mis le monde entier à l'envers.