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© LUCAS BARIOULET / AFP
GILETS JAUNES
Cagnotte du boxeur contre ultra sévérité du gouvernement : l'étau infernal qui nous mène droit à la guerre civile ?
Publié le 09 janvier 2019
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Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment  publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009)  et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017).

 

Alors qu'Edouard Philippe a choisi de répondre aux événements de ce dernier week-end des Gilets jaunes sur le thème de la répression, des donateurs apportent leur soutien au "boxeur" au travers d'une cagnotte dont le montant ne cesse de croître, entraînant de la sorte les deux parties dans une spirale du refus du dialogue.

 

Atlantico : De la perception de l'insurrection, d'une violence injustifiable, et en se basant sur la légitimité de l'élection d'Emmanuel Macron, d'une part, à la perception de l'injustice et de la répression d'autre part, comment en sommes-nous arrivés à une société dont chaque groupe est devenu incapable d'essayer de prendre le point de vue de l'autre ? L'enjeu n'est-il pas justement de se mettre en capacité de comprendre la position de l'autre ?

Christophe Boutin : Effectivement, la démocratie suppose pour son exercice un dialogue dont on peut se demander s’il existe encore aujourd’hui. En fait, tout repose sur une double incompréhension initiale : incompréhension des Français de ce qu’était Emmanuel Macron ; et incompréhension d’Emmanuel Macron de ce que voulaient les Français. En 2017 comme jamais, en effet, les Français ont exprimé, par la vague de « dégagisme » qui a frappé les principaux politiques dits « de gouvernement », ceux qui, au gré des alternances, se partageaient les affaires -, leur profonde lassitude devant l’autisme d’un pouvoir qui semblait changer, changeant de têtes, mais qui, sur les fondamentaux, menait en fait la même politique – et l’on citera pêle-mêle comme exemples l’assujettissement à l’Union européenne, l’incapacité à maîtriser l’immigration, voire la tendance à favoriser cette dernière, la déconstruction de la nation et la négation de son identité, la montée parallèle de l’insécurité et du contrôle tatillon des administrés les plus paisibles, le racket fiscal des classes moyennes et le laxisme face à la fraude… Certains menaient cette politique à coups de mentons volontaristes, d’autres en restant stoïques sous la pluie, mais elle semblait bien la même, et, en partie à cause de cela, la classe politique dans son ensemble voyait sa cote de confiance s’effondrer année après année, sans d’ailleurs que cela n’entraîne chez elle de remise en cause puisqu’elle pensait avoir le jeu entre ses mains.

Mais en 2017 l’auteur de Révolution se présente – et est largement présenté ainsi dans les médias - comme celui qui va renverser la table, briser les blocages, écarter les politiques déconsidérés et les remplacer par un sang neuf, bref tourner la page de « l’ancien monde » et mener enfin les réformes nécessaires. Comme son programme n’en est pas un – il s’en défend régulièrement –, et comme son discours du « et en même temps » permet à chacun d’entendre ce qu’il souhaite entendre, les Français, sinon soutiennent, au moins laissent faire alors l’OPA macronienne sur les institutions.

Un an demi après, ces mêmes Français constatent que le changement n’a pas eu lieu et que l’on a simplement remplacé la politique des réseaux par celle des technos, certes plus rapide, voire plus brutale, mais qui demeure dans le même axe que celle qui la précédait. Ils supportent cela en silence un temps puis, d’un coup, se rendent compte qu’ils n’en peuvent plus, et s’en rendent compte collectivement grâce aux réseaux sociaux, ce qui est la grande nouveauté. Et c’est le début du mouvement des Gilets jaunes.

 

On pourrait comparer cette flambée initiale à celle que l’on a connu avec le mouvement des Bonnets rouges en 2013, une comparaison qui permet de prendre conscience de l’évolution qui s’est produite en France en cinq années : les Bonnets rouges sont essentiellement bretons, les Gilets jaunes nationaux ; les Bonnets rouges mobilisent au mieux 40.000 personnes dans leurs actions symboliques, les Gilets jaunes 300.000 ; les Bonnets rouges sont soutenus par l’opinion publique à 40%, les Gilets jaunes à 70 %, voire 80%. Parce que les taxes contre lesquelles s’élèvent les Gilets jaunes touchent plus de personnes que les portiques qui motivaient les actions des Bonnets rouges ? En partie sans doute, mais pas seulement. Joue ici aussi la déception devant la politique menée par Emmanuel Macron, et on le voit bien dans les revendications des Gilets jaunes, qui forment un corpus bien plus cohérent qu’on ne le dit souvent.

Or, quand en 2013, devant une mobilisation bien moins forte et un soutien bien plus faible, le gouvernement avait choisi de reporter ses mesures, il se montre intransigeant en 2018. Pourquoi ? Parce qu’il sait que s’il cède là il obère ses chances de parvenir à mettre en oeuvre ses réformes à venir durant le reste du quinquennat, celles par exemple portant sur la Sécurité sociale ou sur les retraites. Or Emmanuel Macron estime, d’une part, que ces réformes sont indispensables, et, d’autre part, que son élection de 2017 le rend parfaitement légitime à les mener. En fait, le pouvoir ne se rend pas compte à ce moment – et ne s’est visiblement toujours pas rendu compte - que le mandat qui lui a été donné, que personne ne nie, devait servir dans l’esprit des Français à bien d’autres choses qu’au démantèlement accéléré de leur nation et de leurs protections. L’un excipe donc d’un droit à réformer librement accordé pour cinq années, l’autre estime que ce droit qu’il accordé accordé ne saurait être un blanc-seing pour le détruire. Et si l’épreuve de force pouvait être jouée pour dépasser des blocages catégoriels somme toute limités, comme lors de la réforme de la SNCF, elle est bien plus délicate ici.

L’absence de tout dialogue conduit ensuite à cette inéluctable montée à la violence symbolique autant que physique que nous connaissons aujourd’hui. Une violence qu’il faut cependant relativiser. D’une part, nombre de rassemblements de Gilets jaunes se déroulent de manière bon enfant, avec des concerts, des plaisanteries, des partages. Mais c’est vrai aussi qu’il y a eu des agressions violentes de membres des forces de sécurité, avec la volonté sinon de tuer, au moins de blesser gravement, comme ce que l’on connaît classiquement dans les débordements de l’extrême gauche et des Blacks bloks. D’autre part, en face, toutes les forces de sécurité n’abusent pas de leurs armes, même si, effectivement, certains de leurs membres ont des comportements inadmissibles ou si certaines armes non létales semblent parfois bien mal utilisée. Mais le traitement médiatique des informations fait que l’on privilégie systématiquement les images des violences, ne serait-ce que pour satisfaire le voyeurisme des téléspectateurs et générer des parts d’audience.

Mais si la violence est naturellement surreprésentée dans les médias, elle est aussi manipulée par les deux partis. Les Gilets jaunes ont conscience qu’ils doivent maintenir une certaine tension pour continuer d’exister, comme, en sens inverse, utiliser toute violence qui est dirigée contre eux pour bénéficier du statut de victimes. Le gouvernement sait lui qu’il doit maintenir une certaine violence pour faire peur aux manifestants, et utilise aussi les violences de ces derniers pour rallier à lui le « parti de l’ordre », cette France qui n’est pas macroniste mais qui veut lutter contre « la chienlit ».

On utilise en fait, des deux côtés, la vielle technique qui vise, par des provocations dosées, à provoquer une réponse se traduisant par une violence excessive dont on estime qu’elle déligitimera l’adversaire. Mais tant que l’on joue de ce cycle provocation/répression, tant que l’on multiplie les images de violences, on rend impossibles le dialogue et la négociation. Reste que la question est peut-être de savoir qui en a vraiment envie de ce dialogue où, par principe, tout le monde est un peu perdant,, tant les deux appriches, celles du macronisme et des Gilets jaunes, semblent dissemblables…

La légitimité d’Emmanuel Macron, même si elle est incontestable légalement, est elle irrémédiablement atteinte ?

On évoquera pour mémoire la légitimité charismatique d’Emmanuel Macron, quand le marcheur solitaire de la cour du Louvres semblait prêt à toucher les écrouelles, et dont le feu ultime aura été cette entretien au Trocadéro où il dompta et Plenel et Bourdin. Enivré de sa gloire, notre « jeune héros », comme Germaine de Staël n’aurait pas manquée de l’appeler, qui n’a certes pas été aidé par certains de ses soutiens, a réussi ensuite, tout au long de l’année 2018, déclaration après déclaration et gaffe après gaffe, à transformer, pour reprendre l’image de Marie France Garaud évoquant Jacques Chirac, son marbre en faïence.

Ensuite, encore une fois, nul ne peut mettre en doute la légitimité légale d’Emmanuel Macron, élu dans le cadre d’un processus démocratique parfaitement valide. Mais plus la crise dure et plus nous faisons face à une remise en cause de ce schéma légal qui a permis son arrivée au pouvoir. Pour le dire autrement, oui, les textes ont bien été respectés, mais ce sont justement ces textes semblent dès lors à remettre en cause. On le voit bien dans les revendications des Gilets jaunes – dont, naturellement, la demande d’introduction du Référendum d’Initiative Citoyenne -, c’est cette fois la règle du jeu que l’on veut changer, et non pas uniquement le résultat de la dernière partie.

En fait, nous l’avons dit, en 2017, au moment où les Français espéraient être enfin écoutés en « dégageant » « l’ancien monde », s’est mis en place un pouvoir plus technocratique et plus éloigné encore de toute écoute qu’avant. La déception qui en résulte amène donc à cette remise en cause, bien au-delà de la seule personne d’Emmanuel Macron, du système juridico-institutionnel – y compris constitutionnel - qui a permis son arrivée au pouvoir. Et dans ce cadre très critique, il est évident qu’une éventuelle re-légitimation du pouvoir ne peut quasiment plus passer que par de nouveaux bulletins de votes. Au moment où l’administration reconnaît enfin aux administrés un « droit à l’erreur » quand ils remplissent leurs formulaires d’imposition, les Français veulent, pour simplifier, qu’on applique un pareil « droit à l’erreur » à leurs bulletins de votes.

Une reconstruction ne peut-elle découler que du retour aux urnes ? Eu égard au contexte de l’élection de 2017, du « dégagisme » au rôle prépondérant de la morale, quelles seraient les conditions nécessaires à une clarification du projet présidentiel ?

Le projet d’Emmanuel Macron doit-il être clarifié ? Et s’il l’était, ne soulèverait-il pas la même tempête ? Il semble bien que les Français ont clairement perçu ce qu’il voulait, ce dont d’ailleurs ni lui ni son gouvernement ne se défendent, se contentant d’annoncer, avec tact et finesse, que ces réformes se feront simplement plus vite et plus brutalement.

En fait l’erreur de perspective du gouvernement vient de l’introduction de la limite de vitesse à 80 km/h sur les routes, une mesure dont les effets bénéfiques étaient pour le moins contestables par rapport à d’autres, au vu notamment de la qualité de notre réseau routier, et dont on se doutait qu’elle serait négativement perçue par quasiment tous les Français qui conduisent. On a l’impression que le gouvernement a alors tenté un test, qu’il s’est dit : « s’ils acceptent cela, c’est qu’ils accepteront tout ». Mais tant va la cruche à l’eau…

Après la révolte des Gilets jaunes, la seule solution du Président et de son gouvernement semble actuellement de se relégitimer en incarnant la défense d’un ordre public dont ils sont effectivement les dépositaires, seuls à même de pouvoir commander un usage légitime de la force. Mais deux écueils de taille empêchent le succès de leur tentative de passer pour les sauveurs de la République contre les « factieux ». Le premier est que, par ailleurs, par leur intransigeance, ils passent volontiers aux yeux des Français pour des pompiers pyromanes. Le second est que l’ordre public, en France, est menacé bien autrement que par les Gilets jaunes, sans pourtant que l’on use des mêmes méthodes de répression à l’encontre de ceux qui le perturbent pourtant quotidiennement. Un « deux poids deux mesures » qui décrédibilise les nouvelles statues du Commandeur.

La théâtralisation de la violence, comme l’appel à ces « valeurs de la République » dont Frédéric Rouvillois, dans son « Être (ou ne pas être) républicain », a bien montré le flou, les poses plastiques de ces politiciens de l’ancien monde ralliés à LaREM comme celles des inconnus de la société civile qui incarnent le parti, sont finalement de peu d’effets. Quelle crédibilité d’ailleurs pour ces jeunes technos qui surjouent les discours de préaux d’école des élus de la Troisième république en détruisant les constructions politiques et sociales des grands anciens dont ils se réclament ?

Restent bien le Grand débat national et la mise en place prévisible d’un référendum à réponses multiples sur les orientations des réformes institutionnelles. Mais si les Français n’y trouvent pas clairement présentées des réponses aux questions de fond qu’ils posent, s’ils ont l’impression d’être « menés en bateau », voire que certains, qui s’estiment bien vite « subtils », pensent utiliser leur colère pour mettre un peu plus à bas les cadres protecteurs de la nation, nous n’irons sans doute pas vers l’apaisement…

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Commentaires (8)
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BienVu
- 09/01/2019 - 14:20
Guerre civile dites-vous ? Vraiment ?
En France métro, il y a environ 60 millions de Français. Samedi dernier, les manifestants étaient, grosso modo, 136.000. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes. La dernière guerre civile qui a perturbé la France, se situait en Espagne en 1936. Lisez "Le monarque des ombres" de Javier Cercas. Une grande partie de la population, des paysans sans terre, crevait littéralement de faim en face de propriétaires terriens citadins qui les exploitaient et du clergé catholique qui les ignorait. La gauche au pouvoir lors des débuts de la 2e République n'a pas trouvé les solutions qui convenaient. D'où des troubles sociaux puis le coup d'état militaire approuvé par la classe moyenne catholique. D'où la guerre civile, avec ses atrocités. Aussi atroce fut la "guerre civile" algérienne dans les années 1990 : des djihadistes islamistes armés de l'extérieur voulaient déloger du pouvoir l'oligarchie militaire qui monopolisait les bénéfices de la rente pétrolière. Bref rien de tout ça dans la France d'aujourd'hui. Ne pensez-vous pas qu'il y a des termes qui mériteraient d'être manipulés avec discernement, en évitant le sensationnel ?
PS : Du coup, ma lecture de l'article s'est limitée à son titre.

 

Podoclaste
- 09/01/2019 - 13:06
Gladiateur
Les gilets jaunes n'arrivent plus à vivre de leur travail, ils le disent. La réponse à la De Gaulle (je vous ai compris, tas de veaux mais je ne change rien), servie par un demi-sel plus ou moins bien élu (peu de gens ont voté au 2ème tour) fait monter la pression.
Résultat, on le sait depuis Rome, quand le peuple n'a plus de pain, un gladiateur descend dans la rue. Notre Spartacus moderne n'a pas la gueule d'un acteur hollywoodien, en revanche il a gagné (Pinot simple pandore, humilié, ne montre pas son visage, sans doute tuméfié), il a la gloire, le fric (et derrière Leetchi il y a une banque, qui gagne des intérêts avec la somme). Va-t-on l'affranchir, lui donner un lopin et des esclaves, lui faire les honneurs du Sénat ? En attendant et ce n'est pas anodin, cela s'est passé dans la rue, pas dans une arène. À méditer, d'urgence.

 

siger99
- 09/01/2019 - 11:45
Droit de retractation
Quand on achète une malheureuse brosse à dent, on a un droit de rétractation de 7 jours, mais quand on élit un Président inconnu du grand public, sur un programme flou, achevé seulement sur la fin de la campagne, on est tenu de le conserver 5 ans! Clairement, il faut soit un mandat plus court (3-4 ans comme aux USA) soit une possibilité de le destituer en cours de mandat (par exemple en autorisant un RIC de destitution à partir de la 2nd année, une fois par an maximum, pour lui laisser quand même un peu de temps de mettre en oeuvre ses idées).

 

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