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De l’héroïsme du D-Day au Brexit, les Anglais s’interrogent sur leur rôle dans le monde

 

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Tandis que les leaders occidentaux étaient réunis pour les commémorations du Débarquement, les porte-voix du Brexit n’ont de cesse de convoquer l’héroïsme britannique de la Seconde Guerre mondiale au service de leur dessein politique, quitter l’Europe.

Correspondant à Londres

Les commémorations du rôle crucial de la Grande-Bretagne dans la libération de l’Europe peuvent être vues selon deux prismes opposés. D’un côté, elles rappellent les mérites de la coopération internationale face à la tyrannie, comme l’ont souligné les seize dirigeants de nations, dont l’Allemagne, conviés par la reine Elizabeth à Portsmouth mercredi dans une déclaration solennelle, pour «faire en sorte que les sacrifices du passé ne soient jamais vains et jamais oubliés». De l’autre, les partisans du Brexit y voient la preuve d’un exceptionnalisme britannique justifiant la nécessité de rompre les amarres avec le reste de l’Europe.

Le vétéran anglais du Débarquement Eric Chardin, 94 ans, s’en émeut. «Le Brexit m’inquiète pour cette raison, confiait-il à la BBC. Je ne peux m’empêcher de penser que ce serait une catastrophe de laisser voler en éclats ce que nous avons mis tant d’efforts à faire pour rassembler les nations européennes.»

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De Nigel Farage à Boris Johnson, les porte-voix du Brexit n’ont de cesse de convoquer l’héroïsme britannique de la Seconde Guerre mondiale au service de leur dessein politique. La glorification des sacrifices du Blitz n’a jamais été telle que depuis le référendum de 2016. Le député conservateur Mark Francois, chien de garde d’un Brexit dur, invoque la mémoire de son propre père, vétéran du D-Day. «Il ne s’est jamais laissé intimider par un Allemand», lâchait-il, en réponse aux menaces du patron d’Airbus sur les risques économiques de la sortie de l’UE. «Nous sommes un pays fier et confiant, avec une histoire extraordinaire. L’Europe est libre grâce à nous», martelait-il, entre deux références à Churchill.

Craintes d’une vassalisation

Futur premier ministre potentiel, Boris Johnson se fonde sur cet imaginaire collectif de la guerre pour nourrir une défiance à l’idée d’unité européenne. «Napoléon, Hitler, différentes personnes ont essayé, et cela finit tragiquement. L’UE est une tentative pour faire la même chose par des méthodes différentes», jugeait-il dans une interview au Telegraph en 2016. Quand il était ministre des Affaires étrangères, il a comparé François Hollande à un gardien de camp de concentration nazi.

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Comme si l’intégration de l’Allemagne à la table des nations européennes n’avait jamais été digérée. Et si la domination au sein de l’UE du couple franco-allemand - les vaincus de la guerre - semblait 75 ans plus tard une aberration. Le Brexit en serait la revanche, un juste retour des choses pour ceux qui ont enduré avec stoïcisme les bombardements allemands.

Les démonstrations aériennes de Spitfire sont là pour le symboliser à bon escient, dans une vision du monde qui se réduit à la lutte entre dominateurs et dominés. D’où les craintes d’une «reddition» ou d’une «vassalisation» du Royaume-Uni par le simple fait d’accepter un accord dûment négocié avec les Européens. Une rhétorique utilisée par un Boris Johnson qui promet, bravache, de quitter l’UE, avec ou sans accord, pour séduire les électeurs conservateurs. Cet isolationnisme est galvanisé par la perspective d’une alliance transatlantique avec Donald Trump.

Broyée par son incapacité à remplir sa mission de faire sortir son pays de l’UE, la première ministre sortante, Theresa May, a tenté d’en tempérer les ardeurs nationalistes, après les avoir elle-même volontiers encouragées à son arrivée à Downing Street. Dernier acte de son mandat avorté, le sommet et la déclaration de Portsmouth tentent de trouver la synthèse entre la célébration d’un passé glorieux et la nécessité d’un multilatéralisme battu en brèche par le nouvel ordre mondial. Un peu tard.


Trump et le «mur» irlandais

Alors qu’il rencontrait le premier ministre irlandais, Leo Varadkar, mercredi, Donald Trump s’est dit persuadé que le problème posé par le Brexit pour son «mur» avec le Royaume-Uni aurait une issue positive. «Je pense que tout va très bien se passer, et aussi pour vous avec votre mur, votre frontière. Nous sommes dans une situation délicate avec la frontière aux États-Unis, et vous aussi. Mais j’ai entendu dire que ça va très bien se passer ici», a dit le président américain.

Ce à quoi le dirigeant irlandais a répondu: «Je pense qu’il y a une chose que nous voulons éviter, bien sûr, c’est un mur ou une frontière.» La frontière irlandaise est actuellement ouverte à la circulation sans contrôle des biens et des personnes, les deux pays étant membres de l’UE. Mais Dublin craint que le Brexit, programmé pour le 31 octobre, n’entraîne le retour d’une frontière physique.