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Municipales : tous perdants ?

Déficit d'implantation locale, divisions, étiquettes politiques nationales carbonisées… Les élections municipales s'annoncent à hauts risques pour toutes les formations politiques. A moins de cinq mois de l'échéance, aucune ne paraît assurée de tirer son épingle du jeu. Or, pour tous, l'enjeu est loin d'être anecdotique.

 

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Hervé Pinel pour Les Echos

 

 

Attention danger. Tous les états-majors politiques ont les yeux rivés vers  les prochaines municipales . Le scrutin approche à grands pas - moins de cinq mois désormais. Et il a de quoi donner bien des sueurs froides. L'enjeu est énorme, au-delà de l'impact immédiat sur les sénatoriales. Et sur l'ensemble de l'échiquier politique, ces élections tiennent du terrain miné, marécageux, le tout plongé dans un brouillard total. Le politologue Olivier Rouquan, spécialiste des collectivités locales, a raison de parler des « municipales de tous les possibles ».

Par nature, ces élections sont très atypiques. Il s'agit - rappelons-le - de 35.000 scrutins, très différents les uns des autres et qui se déroulent pour les trois quarts d'entre eux dans des communes de moins de 1.000 habitants. Le choix des électeurs y dépend souvent bien davantage des personnalités en lice, avec une prime au maire sortant, que d'une étiquette politique reléguée au second plan, quand elle n'est pas purement et simplement cachée (au profit de listes « Créatrices et solidaires »« Ma ville a de l'avenir », « Un nouvel élan pour la cité » ou « J'aime mon village »).

Selon une grande  étude Ipsos-Cevipof pour l'AMF publiée avant l'été, les Français placent en priorité, parmi les « critères pour faire confiance à un maire », son honnêteté, sa capacité à tenir des promesses et sa proximité avec les gens. Qu'il soit « de la même sensibilité politique » qu'eux n'est cité en premier que par 3 % des personnes interrogées (et par 7 % dans les deux premières réponses).

Divisions et contorsions

Cette fois-ci, le contexte complique un peu plus la donne. L'exécutif s'emploie à toujours faire « travailler la poutre », selon la formule utilisée par Edouard Philippe à propos de la recomposition politique entamée en 2017, et les socialistes et Les Républicains, qui gèrent une très large majorité des villes de plus de 10.000 habitants, sont très affaiblis au plan national. Rien ne dit que le scrutin ne montrera pas la résistance locale de l'« ancien monde ». Mais pour les deux anciens grands partis de gouvernement, l'enjeu de la bataille se réduit aujourd'hui à… perdre le moins possible. A montrer qu'ils ne sont pas morts, après leur élimination dès le premier tour de la présidentielle et un score à un chiffre aux dernières européennes. D'un côté, la gauche pâtit de ses divisions ; de l'autre, la droite se contorsionne. Si  Jean-Luc Moudenc , Christian Estrosi ou Christophe Béchu sont réélus respectivement à Toulouse, à Nice et Angers, faudra-t-il le mettre au crédit des Républicains ou du très probable soutien de La République En marche ?

Les municipales n'étant pas  les européennes , croire que ces élections ne sont périlleuses que pour le PS et LR serait aller un peu vite en besogne. Le scrutin est à hauts risques pour tout le monde. Ce sera assurément très compliqué pour La France insoumise, qui fait d'ailleurs profil bas, mettant sa marque en retrait pour intégrer des collectifs citoyens. Très compliqué pour le Rassemblement national, qui rêve d'accrocher quelques « mousquetons » pour « grimper jusqu'à l'objectif final » de la présidentielle (dixit Marine Le Pen), mais se heurte toujours à un plafond de verre au second tour et n'a guère d'espoir dans les grandes villes, à l'exception de Perpignan…

 

Très compliqué, aussi, pour EELV. Après leur  troisième place aux européennes , Yannick Jadot se sent un peu vite pousser des ailes : « On ne veut plus être des supplétifs, on veut gouverner les exécutifs ». Mais combien de mairies les écologistes auront-ils, eux qui risquent même de perdre leur seule grande ville, Grenoble ?

Apprentissage dans la douleur

Reste  La République En marche . Le « nouveau monde » fait, dans la douleur, l'apprentissage des municipales. Sur le papier, le mouvement fondé par Emmanuel Macron ne peut certes que progresser : il part quasiment de zéro. Mais il cumule les difficultés : une faible implantation locale, des investitures qui suscitent des frictions avec le Modem comme les juppéistes d'Agir et - plus grave - ici ou là (Paris, Lyon, Besançon…), des candidatures dissidentes de marcheurs, vent debout contre les choix de l'appareil. Aux municipales de mars 1959, l'UNR, le parti gaulliste nouvellement créé, n'avait pas réédité sa performance des législatives de novembre 1958, alors que le général de Gaulle était très populaire à l'époque, dans la foulée de la création de la Ve République. Ce qui n'est  pas le cas d'Emmanuel Macron aujourd'hui .

La situation est à ce point compliquée que LREM, qui fait l'impasse dans de nombreuses communes et soutient des maires sortants Macron-compatibles - manière de continuer à semer la zizanie à LR et au PS -, a fortement revu ses ambitions à la baisse et ne vise que 10.000 élus municipaux (contre 2.000 aujourd'hui) sur plus de 500.000. Autre signe de fébrilité, l'exécutif envisage de relever fortement (jusqu'à 9.000 habitants au lieu de 1.000) le seuil des petites communes en dessous duquel  les préfets n'enregistrent pas l'appartenance politique des candidats . Manière de diluer encore les couleurs politiques. Aujourd'hui, une très grande proportion de maires sont étiquetés « divers droite » ou « divers gauche ». Mais il n'existe pas de « divers ni gauche ni droite ».

Source Les Echos Pierre-Alain Furbury