Pour la presse internationale, le président Macron a changé de ton mais pas de message ni de politique
Constatant que le président français a été moins formel que d’habitude jeudi soir, les médias internationaux soulignent toutefois que le Grand Débat et les “gilets jaunes” n’ont pas poussé Emmanuel Macron à entreprendre de changement majeur dans sa politique.
La presse internationale a noté le changement de style d’Emmanuel Macron jeudi à l’occasion de sa conférence de presse annonçant ses conclusions du Grand Débat. Il s’agissait d’ailleurs de sa première conférence de presse à l’Elysée depuis son élection, relève Die Welt. Devant trois cents journalistes, le ton a été “spectaculairement plus humble que celui qu’on lui connaissait”, écrit Le Soir, remarquant que le président de la République, “assis derrière un pupitre comme le faisait autrefois Charles de Gaulle”, s’est livré à une “démonstration de bonne volonté, presque à une contrition”.
“Conciliant” pour Politico, “bien plus informel que d’habitude” d’après le Washington Post, le chef de l’Etat “a fait un mea culpa partiel sur son attitude au cours des deux premières années de son mandat”, estime El Pais. Le New York Times va plus loin encore. Hier soir, M. Macron, “clairement affecté par les manifestations” des “gilets jaunes”, a en quelque sorte entrepris de “se réformer lui-même. Finie l’arrogance. Plus d’humanité. Plus compréhensif. Plus à l’écoute”.
Dans ce “salon doré de l’Elysée”, il a surtout “tenté de sauver sa présidence en promettant un nouvel acte” de la République, observe Bloomberg. Car le dirigeant s’adressait à une “nation en colère”, souligne Al Jazeera, résumant ainsi les mesures annoncées : “baisser les impôts, augmenter les aides et donner plus de pouvoir aux gouvernements locaux”. Si les efforts fiscaux “marquent un glissement en faveur des consommateurs”, Bloomberg cite un sondage Harris Interactive – 63% des personnes interrogées n’ont pas été convaincues par son discours – pour conclure que les propositions ont déçu les Français.
“Le président n’a annoncé aucun changement de politique majeur après des mois de débats publics, qui avaient laissé espérer des évolutions significatives”, analyse le Wall Street Journal. “Au lieu de cela, M. Macron a défendu son programme pro-affaires (…) Sa détermination à ne pas changer de cap risque de donner un nouvel élan aux manifestations”, poursuit le quotidien.
“La fin de l’Enarchie”
En plus, rapporte Le Soir, “les Français pourraient devoir cotiser plus longtemps pour bénéficier d’une pension à taux plein. Un effort exigé de la part des Français qui ne manquera pas de court-circuiter ses efforts pour vanter une politique “plus humaine”. Les critiques de l’opposition et celles de la rue pourraient repartir de plus belle.”
Ce n’est pas “la fin de l’Enarchie”, pour paraphraser la Frankfurter Allgemeine Zeitung, qui suffira à calmer la colère du peuple. CNN a constaté en couvrant la manifestation de samedi dernier que le destin de l’école nationale d’administration - le président a confirmé qu’il envisageait sa suppression - n’intéressait aucune des personnes interviewées par la chaîne américaine.
En fait, “de toutes les requêtes importantes formulées par les “gilets jaunes” ces derniers mois, pas une n’a été considérée par le chef de l’Etat français”, s’étonne le Corriere della Sera. La BBC a son interprétation : “le message n’était pas ce qui doit changer mais ce qui ne doit pas changer. (…) Les “gilets jaunes” n’apprécieront pas. Mais ils ne sont pas la cible de M. Macron. Sa cible, c’est la France dans son ensemble.”
“Ceux qui attendaient - mais y en avait-il ? - un grand “big bang” institutionnel, économique et social de la part d’Emmanuel Macron en sont à nouveau pour leurs frais”, explique Le Temps dans une longue analyse. “Sa principale concession est, en réalité, d’accepter de pondérer ses réformes et de s’assurer qu’elles ne creusent pas les inégalités et les fractures entre les générations, les territoires et les classes sociales. Le «transformateur» Macron s’est mué en «réparateur» de la France qu’il affirme désormais mieux comprendre (…) Emmanuel Macron est en cela un réformiste invétéré. Il ne veut pas casser la machine. Il espère infléchir, profiter demain des vents meilleurs, changer les pratiques en misant sur les nouvelles générations et en captant les bonnes idées des français”, assure le journal de Lausanne, plus satisfait des annonces du président français que d’autres titres. “Le message des «gilets jaunes» est passé : cette France qui souffre ne doit plus être mise sous pression. Sa ténacité à mettre les Français devant leurs responsabilités l’honore. Mais il a saisi que le point de rupture est atteint. C’est le système qui doit faire des efforts. Pas les Français les plus vulnérables.”
Le Washington Post a retenu de son côté autre chose de cette longue intervention. Le quotidien américain a vu dans la conférence de presse du chef de l’Etat le lancement de la campagne pour les élections européennes : ”Nombre de ses remarques - sur le sécularisme, l’immigration et la libre-circulation en Europe - sembaient s’appuyer sur des thèmes qui transcendent le malaise intérieur de la France”.