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Le renoncement de la France au surgénérateur date pour moi de l'arrêt de Superphénix en 1997 sous Jospin.

Nous avions avec Phénix, qui fonctionnait comme une horloge et dont la puissance était de 350 MWe, une avance considérable sur le reste du monde. Le CEA, comme d'habitude, a voulu aller trop vite  et passer à une puissance trop élevée, 1700 MWe pour Superphénix. Le CEA est composé de chercheurs qui se prennent pour des industriels. Superphénix a eu des problèmes et Jospin qui avait besoin des Verts pour gouverner et qui n'y comprenait pas grand chose a arrêté l'installation, stoppant par là même l'avenir français de la filière à neutrons rapides RNR.

Rapport de la commission d'enquête parlementaire sur l'abandon de Superphénix 1998.

Lien: LE DÉMARRAGE DE SUPERPHÉNIX ET LA FILIÈRE DES RÉACTEURS A NEUTRONS RAPIDES


A l'EDF nous avions  la direction du programme des réacteurs à neutrons lents  - à eau pressurisée PWR (58 réacteurs), mais pour Superphénix, dont nous avions aussi la maîtrise d'oeuvre, nous devions réaliser le projet concocté par le CEA  1700MWe. Boris Saitcevsky et son équipe aurait probablement réussi finalement à faire fonctionner l'engin , mais Jospin ne leur a pas laissé le temps. La décision d'arrêter le projet a été arrêté en 1997.

Le projet Astrid n'était pas à la taille du problème. Les surgénérateurs sont mis au point actuellement en Russie et le seront en Chine.

Les différentes phases du programme atomique français au cours des années soixante sont connues. Nous reprenons volontiers la présentation synthétique qu'en donne l'un des artisans au CEA du développement de la filière des réacteurs UNGG qui résume les principales étapes de ce programme réalisé par EDF : «A la différence du programme britannique, le parti pris de la France fut celui de prototypes successifs, incorporant au fur et à mesure le progrès des études, de manière à faire croître rapidement les performances pour tendre au plus vite au seuil de compétitivité économique. Une politique audacieuse conduisit à ne pas attendre la mise en service d'un réacteur pour lancer les suivants : partant d'une puissance de 25 MWe pour G2, on construisit successivement sur le site de Chinon trois réacteurs de 70, 200 et 480 MWe, qui démarrèrent respectivement en 1963, 1965 et 1966, après cinq à sept ans de construction. Ils furent suivis par 2 réacteurs jumelés de 500 MWe mis en service en 1969 et 1971 à Saint-Laurent des eaux, près de Blois, enfin par un réacteur au Bugey qui divergea en 1972» 352

Nous retenons cette présentation pour les grandes lignes et comme fil conducteur, même s'il convient de modérer l'enthousiasme de l'auteur quant à la réussite de ce programme ou en tout cas d'en mentionner certaines difficultés. Pour une présentation claire et détaillée des problèmes rencontrés comme des progrès réalisés par la Direction de l'Equipement d'EDF dans la conception et la construction des réacteurs à uranium naturel, on pourra consulter le texte du Directeur adjoint de l'Equipement, Jean-Pierre Roux, publié dans la Revue Générale de l'Electricité en mars 1965. 353

Caractéristique des centrales UNGG

Caractéristique des centrales UNGG

A partir de 1955 le CEA n'est plus seul sur la scène nucléaire, puisque «l'Electricité De France» fait ses débuts dans cette nouvelle forme d'énergie. Le producteur national d'électricité issu de la nationalisation de 1946 avait été chargé de la mission de service public de reconstruire le pays par la production d'électricité. Mais ce n'est qu'à partir de 1955 qu'EDF se tourne vers le nucléaire, lorsque Pierre Ailleret, alors Directeur des Etudes et Recherches (DER), définit le premier programme français de centrales nucléaires à uranium naturel. 354 L'objectif de ce programme est de réaliser une série de prototypes permettant d'acquérir l'expérience industrielle de la construction et de l'exploitation des centrales nucléaires de puissance. Il prévoit l'engagement d'une tranche nucléaire tous les 18 mois, la puissance unitaire devant doubler tous les trois ans.

Mais l'entrée d'EDF dans l'énergie nucléaire va induire des tensions avec le Commissariat à l'Energie Atomique, car les deux organismes n'ont pas les mêmes appréciations sur la nature et les moyens de réaliser ce programme. En avril 1955, une Commission PEON (production d'énergie d'origine nucléaire) est instaurée pour conseiller le gouvernement sur les questions d'énergie nucléaire : c'est une première tentative pour organiser la collaboration entre les deux institutions. Elle est composée au départ essentiellement de hauts cadres du CEA et d'EDF, et entérine les accords ou les compromis passés entre les deux organismes sur les modalités du programme UNGG. Rapidement, des divergences et des conflits se font jour. Le CEA avait été chargé par l'ordonnance de 1945 de «prendre toutes les mesures utiles pour mettre la France en état de bénéficier du développement» de l'énergie atomique. Les équipes du Commissariat se donnaient ainsi pour objectif de créer, le plus rapidement possible et indépendamment du coût, des techniques françaises ainsi que des doctrines dans le domaine atomique permettant à la France d'occuper une place de choix en la matière au niveau international. Electricité de France de son côté était moins intéressée par l'originalité des techniques que par le moindre coût du kilowattheure et la continuité du service public d'approvisionnement électrique. Ces divergences se manifesteront dès le premier réacteur d'EDF. Les choix techniques finalement retenus dans la conception par EDF seront la traduction de cette différence d'appréciation.

EDF avait été associée au CEA pour la récupération d'énergie de G1, puis G2 G3. Mais à partir de 1955, EDF se lance dans l'étude de ses propres centrales. Les premiers ingénieurs d'EDF formés au génie nucléaire suivent les cours dispensés à l'Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires (INSTN) du CEA. 9 ingénieurs de la Direction des Etudes et Recherches inscrits sont reçus dans la première promotion de Génie Atomique de 1955.

Avec la décision de construire des installations pour la production d'électricité, les Etudes et Recherches d'EDF passent la main aux ingénieurs de la Direction de l'Equipement. A la mi-55, Raymond Giguet, directeur de l'Equipement depuis novembre 48 (succédant à Pierre Massé), crée la Sous-Région d'Equipement Nucléaire (SREN), dont la direction est confiée à Jean-Pierre Roux 355 . Elle est placée sous la dépendance hiérarchique de Yvan Teste, Directeur de la Région d'Equipement Thermique n°1. La sous-région d'équipement nucléaire (SREN) devient en janvier 1957 région d'équipement thermique nucléaire n°1 (RETN1), puis en octobre 1962, région d'équipement nucléaire n°1 (REN1). L'adjoint de Jean-Pierre Roux est un polytechnicien de 28 ans, Claude Bienvenu 356 , qui a commencé sa carrière aux Etudes et Recherches. Parmi la petite équipe de pionniers de l'énergie atomique à EDF, il faut également mentionner Boris Saitcevsky. 357 Assistant de Bienvenu pour les travaux, Georges Lamiral explique qu'en 1956, les ingénieurs d'EDF avaient déjà acquis suffisamment de connaissances en physique nucléaire pour comprendre les mécanismes suivant lesquels la réaction en chaîne pouvait, dans un réacteur, être entièrement contrôlée et ne devenir en aucun cas explosive. 358

Les différentes étapes du développement des réacteurs d'EDF et les raisons des choix des principales options sont données de façon très précise par Georges Lamiral dans son ouvrage de référence, Chronique de trente années d'équipement nucléaire à Electricité de France. 359 La description des principales caractéristiques de ces réacteurs permettra de comprendre les discussions relatives à la sûreté qui se tiendront par la suite.