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Charles Pralus en Casamance en mission humanitaire; des nouvelles et un témoignage.

Salut les zamis!

 

Un petit coucou de Casamance, ou contrairement à la photo je ne vends pas des bananes (il faut bien faire son intéressant comme dirait mon épouse…) mais où je suis à la fois en mission humanitaire et pour le repérage d’un film à venir (peut-être..) sur l’amitié dans le sud Sénégal entre les chrétiens et les musulmans.

 

C’est en créant notre petite association « LA GOUTTE D’EAU » qui avait au départ pour but d’apprendre aux sénégalais à construire des ruches et à faire du miel que j’ai découvert la petite ile de Wendaye qui se trouve dans l’immense delta du fleuve Casamance dans l’extreme sud du Sénégal à la frontière de la Guinée Bissau.

 

La Casamance est une zone sub tropicale séparée du nord Sénégal pas cette incongruité qu’est la chaussette de Gambie (ancienne colonie anglaise) qui sépare littéralement le pays en deux … Cette région verdoyante à la végétation luxuriante est l’oubliée du Sénégal, ce qui a conduit à une rébellion active jusqu’à il y a environ 5 ans (refs: 1,2 et 3). Depuis, les combats ont cessé, certains rebelles se sont reconvertis en « coupeurs de route » et quand le soir je rentre en moto j’espère toujours ne pas les rencontrer sous peine de me retrouver en slip, (d’où l’intérêt ici d’avoir toujours un slip impeccable), car débarquer dans la ville de Ziguinchor dans cet accoutrement susciterait une hilarité générale dont j’aimerais me passer…

 

Revenir au sénégal c’est retrouver ce joyeux bordel caractéristique de l’Afrique sahélienne, conjuguée au fatalisme musulman. Ma valise est perdue ? « C’est Dieu qui l’a voulu… » j’ai beau expliquer que le créateur dans toute sa splendeur a sans doute autre chose à foutre que de perdre sciemment ma valise… rien à faire… j’attendrais 4 jours le précieux bagage où j’ai eu la « lumineuse » idée de mettre tous les chargeurs de téléphones, caméras, appareil photos, etc…(débile).

 

Le bâteau qui descend en Casamance étant plein, je prends un improbable fokker aussi chargé que son pilote ukrainien. Mon imam de voisin ne me rassure qu’a motié quand il commence a réciter le coran pendant le décollage; mais Allah est grand et bientôt on survole les bolongs ces immenses champs de palétuviers et ces petites îles pour se poser à Cap Skiring, en faisant d’abord un tour d’approche pour signaler aux eventuelles vaches qui dorment sur la piste que, oui, c’est bien vrai…  on va atterrir …et qu’on aimerait bien se poser et ne pas faire comme l’avion de TRANSAVIA qui en a récemment transformé une en steack tartare … non sans bousiller un de ses trains d’atterrissage. Mais ça aurait pu étre encore « pire » (si je puis dire)… 

 

Cette fois ci je décide de renoncer à la moto, suite à mes dernières gamelles dans les pistes sableuses;  j’avise une petite 205 à louer, presque neuve, à peine 40 ans …et 480000 kms au compteur… Etienne, le proprio me donne son prix, on tombe d’accord il mes donne les papiers et les clés… me voila parti à ma case de Cap Skiring ..il ne m’a demandé ni mon nom ni mon prénom ni mon passeport ? ni mon permis …rien… ça change de chez Hertz où les papiers durent un quart d’heure… cette confiance totale, cette fraicheur d’esprit proche de la naïveté est typiquement casamançaise… j’adore…

 

Je retrouve Aicha, directrice de l’école et reponsable des musulmans de l’île (eh oui ils ont chosi une femme pour les représenter…pas mal, non ?); on évoque les innombrables problèmes de son île natale et sa colere contre les autorités qui viennent de supprimer le financement des cantines… (eh oui, que voulez vous les ministres viennent de changer de Mercédes…) et les allemands ne font aucun geste vis-à-vis des ces pôvres dirigeants du tiers monde… (ils sont dûrs les teutons);  de plus les mômes n’ont même pas de chaises ni meme une natte;  en avant donc pour acheter tout ça au marché…. Aicha négocie et moi je me cache…sinon c’est minimum le double.., s’ils savent que c’est le toubab qui paie…

 

Le lendemain, direction l’ile de Wendaye;  la piste d’abord puis la pirogue;  la derniere fois que je l’ai prise,  l’embarcation était  prévue pour une douzaine de personnes; nous étions 43!  vient  s’ajouter à  cette joyeuse compagnie des caisses jetées en vrac: sacs de ris, un frigo, une grande télé et par dessus le tout, un velo; tout ça dans un empilement qui plongerait un suisse allemand ou un japonais dans un abîme de perplexité…on n’avait  pas 15 cm de franc-bord. Je demande s'il y a des gilets? «nous… ça n’a pas », vous savez nager ? « non, nous sait pas nager »…. Bon j’interroge : « et si on coule ?  « Alors bin nous va tous mourir » me disent-ils en étant pliés de rire…la dernière fois que je l’ai prise.   Inconscience totale ? confiance dans le destin ? Je ne peux quand même pas m’empêcher de penser que la plus grande catastrophe maritime de toute l’histoire de l’humanité a été le naufrage du Joola qui reliait la Casamance à Dakar (Il a sombré le 26 septembre 2002)  et qui a couté la vie à 2200 personnes (presque deux fois plus que le Titanic) !!!...

 

Cette fois ci c’est mon ami Jean Baptiste qui vient me chercher… beaucoup de vent sur ce bras du fleuve;  le moteur souffre mais on arrive… retrouvailles émues, le chef du village est là, l’instit, les femmes, tonton Gilbert Mamadou , le plus gentil imam de la terre; on sort les petits cadeaux, ça rigole, on prépare les boissons; on palabre jusqu’à point d’heure et gros dodo dans la case. Cette fois ci les varans ne vont pas gratter dans le toit et les rats ne me piqueront pas mon chocolat, dans mon sac bien fermé;  par contre, le matin, les vautours font toujours un vacarme du diable en atterissant comme un 747 sur le toit de tôle… mais que voulez vous, il faut bien que « tout le monde vive » comme disait le bourreau au condamné qui lui reprochait de faire un métier pareil !!!

 

Dès le matin réunion, puis interviews filmés pour evoquer le problème  et le drame de l’immigration. Tous sont unanimes pour la dénoncer et dire s’il ne faudrait pas beaucoup  plus  d’aide de l’Europe pour que les gens restent en Afrique s’ils avaient la possibilité d’y vivre un minimum dignement. La miellerie et l’ecole d’apiculture en cours de construction qui fonctionnnent bien, sont la preuve vivante que la réusssite est possible..

 

On fait ensuite le tour des priorités de l’île; pas d’eau courante, pas d’électricité, pas un seul médicament dans le poste de santé qui se résume à 4 murs et un carrelage, vierges de tout équipement; qu’un enfant se brûle ou se coupe gravement et c’est le drame; pas de pirogue de sauvetage motorisée; récemment un accouchement se passe mal, il faut évacuer d’urgence sur l’hosto le plus proche; pas de pirogue disponible; quand l’une d’entre elles se libère enfin, c’est déjà trop tard; la maman mourra dans le bateau … elle avait 32 ans ! C’est ça la dure réalité de l’Afrique… est ce parce que la mort rode toujours et frappe aveuglement qu’il y a dans ce pays un tel appétit de vivre, une telle énergie, ce sens de la danse, de la musique et du rire qui semble crier à la face de la faucheuse: tiens regarde, aujourd’hui est encore une journée de prise que tu n’auras pas, ce bonheur de vivre au présent n’est finalement qu’un pied de nez permanent à la cruauté du destin.

 

Notre liste des besoins s’allonge, mon nez aussi;  où va-t-on trouver l’argent? l’épreuve la plus dure m’attend à la cantine, en effet le gouvernement vient de supprimer l’aide aux repas; les petits ne peuvent rentrer à midi car ils marchent souvent longuement pour rejoindre l’école;  alors impossible de faire l’aller retour; de plus les mamans sont souvent dans les rizières. Alors seuls les plus proches de l’école ont à manger; on partage un peu mais ce n’est pas suffisant et ceux qui n’ont rien regardent manger ceux qui ont un peu.  Voir ces bouts de choux passer une journée entière sans manger et s’endormir épuisés sur leur petit bureau de fortune, j’en ai les larmes aux yeux…

 

Repas sympa le soir, mais le cœur n’y est pas, je pense a ces gosses si beaux et si dignes, pas un mot pour se plaindre.. quand je vois les gaspillages de notre société d’hyper consommation j’ai soudain honte. Je reprends la pirogue du retour avec plein de bon miel de la miellerie qui est dieu merci une réussite… pour le reste on va essayer de s’organiser.. mais mon obsession prioritaire sera d’abord d’assurer le repas des enfants, c’est pas énorme, il faut 10€ par mois et par enfant…on va bien y arriver.

 

Le départ approche, je retrouve à Ziguinchor mon ami journaliste Henri Michel et  Hortance Diedhou, une forte personnalité locale, trois fois championne d’Afrique de judo; un cœur plus gros que ses coupes qui se bat pour les femmes, les enfants, qui est sur tous les fronts… c’est une présidente comme ça dont le sénégal aurait besoin.

 

Le retour approche ..les sentiments sont mitigés, content de revenir, bien sûr, mais en même temps triste de quitter cette terre et ce peuple attachant.  On s’embrasse, on s’étreint, on promet de revenir, et puis du bateau qui remonte lentement le fleuve Casamance escorté par des dizaines de dauphins qui sautent dans tous les sens,  on contemple déjà avec nostalgie les rivages de palétuviers qui s’estompent lentement ..
On va revenir belle Casamance, on fait plus ou moins le maximum… que Dieu te protége toi et tes enfants comme on dit ici et à bientôt Inch’allah !...

 

Plus:
  1. Casamance wikipedia
  2. En Casamance, les habitants réclament toujours des réponses à la crise
  3. Déclaration du MFDC: « Pourquoi DEUX poids DEUX mesures
  4. Le conflit en Casamance
  5. Zinguinchor
  6.  la petite ile de Wendaye
  7. La Goutte d'eau: aide en Casamance
  8. et cette belle vidéo sur la Casamance:

[video]https://youtu.be/FMio0Gy1dhQ[/video]