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Ivan Auriel, procureur de la République de Draguignan « Dans ce type affaires, l'enjeu est double : environnemental et économique »

Extrait de l'article de Véronique Georges du 29/12/2017 sur les déchets du BTP. Les italiques sont de moi.


De plus en plus de citoyens s'inquiètent de la problématique des dépôts sauvages de déchets du BTP dans l'Est-Var. Comment la justice s'en préoccupe-t-elle ?
Un substitut est en charge de ces dossiers d'environnement. On a une audience dédiée. De tourdes peines sont prononcées.


Comment se déroulent les enquêtes ?
Nous travaillons avec les services de l'État, la DDTM, la DREAL(1)  et la gendarmerie car ces dépôts se font le plus souvent en zone rurale où
la gendarmerie est compétente, et très peu en zone urbaine qui est du ressort de la police.


Qui coordonne tout cela ?
Il existe une commission des polices de l'environnement (COPOLLEN) dans le Var et une autre créée en 2016 en Dracénie parce que j'estime que la problématique dans le ressort du TGI de Draguignan est plutôt rurale, différente de cette du ressort de Toulon. O trouve par ce lien COPOLLEN) la liste de toutes les actions judiciaires dont celle pour le déchets du BTP "Urbanisme, constructions illégales & exhaussements, remblais " actions de la DDTM et de la DREAL.


Concrètement, comment cela se passe-t-il ?
L'idée est de repérer les déchets et d'engager des actions. Il faut rechercher la personne qui les produit, celle qui les récupère sur son terrain (et qui n'a pas forcément donné son accord d'ailleurs, Ndlr), mais aussi tle transporteurs, qui vont livrer les déchets. Ce sont des dossiers complexes. Le code de l'environnement impose la traçabilité des déchets de démolition, d'aménagements et de terrassements; quels sont les déchets, leur composition,  d'où viennent-ils,...


Quels sont les enjeux?
Dans ce type d'affaires, l'enjeu est double. Il est environnemental par la mise en danger de la vie d'autrui. Ces déchets de chantier ne sont pas tous inertes c'est-à-dire non dangereux pour l'environnement (ils peuvent contenir des produits chimiques, Ndlr). Ils peuvent polluer les sols et nappes phréatiques, en particulier lorsqu'ils sont abandonnés près des cours d'eau.
Il est aussi économique, parce que les sociétés qui utilisent ces dépôts sauvages payent moins cher pour l'entreposage des déchets que celles qui les valorisent ou les recyclent dans le respect de la loi.
Il ne s'agit pas que de déchets sauvages, mais de sites de réception, de stockage et de traitement de déchets du BTP dans le cadre d'une filière complète du déchet en son lieu d'origine, son transport vers un site dédié, du traitement et valorisation  d'une partie recyclable (#65-70% dans le meilleur des cas) et de renvoi de la partie non recyclable vers des sites de déchets inertes ultimes dits installations de stockage de déchets inertes ISDI. Les entreprises de la filière sont les démolisseurs ou terrassiers, les transporteurs, les sites de traitement valorisation, re-transports et les sites ultimes ISDI


Quelles difficultés rencontrez-vous ?
La remise en état du terrain est compliquée. Si la personne condamnée à le faire est insolvable, c'est aux frais de l'État, donc du contribuable, qu'elle se fera. La remise en état du terrain, c'est extraire les matériaux déposés et les mettre ailleurs! mais où???  c'est pratiquement impossible. La filière n'est pas organisée tout simplement. Cela fait des années qu'on alerte sur le problème; malgré toutes les commissions départementales, maintenant régionales, et fin 2016 l'enquête publique du département qui s'est tenue  à Fayence.


Comment ne pas en arriver là?
On invite les maires et toutes les personnes à nous dénoncer ces décharges sauvages avant qu'elles prennent des proportions trop importantes. Ah oui! quand on dénonce il ne se passe rien; on se fait agresser (cf. Var Environnement ou FC-Aménagements face au marché paysan à Tourrettes) ou ça prend des années quand enfin les autorités s'en saisissent (cf. décharges sur Tanneron).


De lourdes sanctions


Pour exemple, le tribunal correctionnel de Draguignan a prononcé de tourdes peines en 2017.


Le 31 janvier : de 10000 à 30000 € d'amende et de trois mois à un an de prison, contre Ahmed Amchi dit Yakoubat, Yannick Arend, Mélanie Sazotto et la société Ama, pour une décharge illégale à Roquebrune-sur-Argens (30000 m3 de remblais, soit 58000 m3 équivalent à près de 10000 tonnes de matériaux). Plus la remise en état des lieux dans un délai d'un an sous astreinte de 150€ par jour de retard. les prévenus ont fait appel.


Le 20 novembre : Hanifi Akar a été condamné à dix mois de prison et 60000 € d'amende et Louis Potelle à dix mois avec sursis et 6000 € d'amende pour des exhaussements constitués de terre et de déchets du BTP à Tanneron entre 2016 et 2017. Plus 100000 € d'amende pour leurs sociétés respectives, et remise en état des lieux dans un délai de six mois sous astreinte de 400€ par jour de retard. Le jugement est frappé d'appel.

Le 8 décembre : Jean-Jacques Marcel a été condamné à 120000 d'amende pour avoir accepté des déchets provenant de la démolition de l'ancien hôpital de Saint-Tropez sur un terrain de Ramatuelle et à 10000 € de dommages et intérêts au Parc naturel national de Port-Cros. La végétation ayant commencé à repousser, la remise en état des lieux n'a pas été ordonnée.


La justice ordonne parfois la saisie du matériel ayant servi à commettre l'infraction. C'est ce qui s'est passé à Tanneron cette année; l'entreprise se déclare incapable de remettre le site en l'état initial.

 

1. DDTM direction départementale des territoires et de la mer et DREAL direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement.