Hulot met la pression sur Macron pour l'abandon de Notre-Dame-des-Landes
Populaire, le ministre de la Transition écologique et solidaire agite la menace de sa démission du gouvernement sur ce dossier symbolique et controversé.
Au Conseil des ministres, il y a un protocole que les plus expérimentés connaissent sur le bout des doigts, mais que les novices s'emploient à apprendre. On ne prend pas la parole après le chef de l'État ou le premier ministre. Les participants s'astreignent à respecter l'usage. Tous, sauf un : Nicolas Hulot. L'ex-animateur vedette d'«Ushuaïa » s'affranchit allègrement des codes, intervenant souvent après Emmanuel Macron ou Édouard Philippe quand il estime devoir faire entendre ses messages dans l'enceinte du Salon Murat. «Il est au gouvernement pour peser en matière d'écologie, c'est son deal avec le chef de l'État quand il a accepté de rentrer au gouvernement, rappelle l'un de ses collègues. Alors, il ne s'en prive pas.»
Ministre le plus populaire d'un gouvernement dépourvu de figures connues, Nicolas Hulot a un statut spécial. Ces temps-ci, il laisse entendre qu'il pourrait quitter le gouvernement sur la question ô combien symbolique de la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Un projet controversé, qui donne lieu ce samedi à une manifestation de soutien, à Nantes. La mission de médiation commandée par l'exécutif doit rendre ses conclusions en décembre. D'ici là, Nicolas Hulot s'efforce de mettre en sourdine ses critiques. «Je vais m'exprimer en décembre. Pour l'instant, je ne dis rien, sinon je vais encore me faire engueuler, a-t-il lâché sur France Inter. Reposez-moi la question en décembre.» Et d'ajouter qu'il dira alors s'il se sent encore utile. Sous-entendu : son maintien au gouvernement est en jeu. Ou comment mettre la pression sur Emmanuel Macron. «Hulot est malin comme un singe », glisse un ministre du premier cercle.
«Nicolas Hulot exprime ses convictions, ses contradictions, mais en aucun cas il n'a été question de démission»
Chez Hulot, l'appel du large n'est pas qu'une formule théorique. Chaque week-end, le ministre rentre chez lui en Bretagne, où il s'oxygène en pratiquant son sport favori, le kitesurf. «Il exprime ses convictions, ses contradictions, mais en aucun cas il n'a été question de démission », assure-t-on au ministère de la Transition écologique. Au sommet de l'exécutif, en tout cas, la menace n'est pas prise à la légère. Mercredi soir, Emmanuel Macron a longuement dîné avec le numéro trois du gouvernement, comme l'ont révélé RTL et Le Monde. Le lendemain, l'écologiste petit-déjeunait à Matignon avec Édouard Philippe. Déjà, à la fin du mois d'août, le premier ministre s'était rendu à Saint-Lunaire, chez l'écologiste. On le chouchoute, on le rassure, on vante son apport. «Nicolas Hulot a pris une place très importante, il fait avancer nombre de sujets, de la fiscalité écologique au glyphosate », commente un conseiller du premier ministre. Il aurait joué un rôle clé dans le refus du gouvernement d'accepter la proposition de la Commission européenne d'autoriser pour dix ans la fameuse molécule.
Importance symbolique
Ses anciens amis écologistes sont, eux, plus sévères sur le bilan de Nicolas Hulot. Ils pointent des renoncements en pagaille : recul en matière de perturbateurs endocriniens, sur le Ceta, sur le nucléaire. Selon eux, la réduction de la part de l'énergie nucléaire à la moitié du mix énergétique d'ici à 2025 leur paraît inatteignable. Dans l'entourage de Nicolas Hulot, on n'est pas loin de penser la même chose : «Il sera difficile d'y arriver dans les temps, tant qu'on ne ferme pas un certain nombre de réacteurs .» Dans ce contexte, le dossier de Notre-Dame-des-Landes revêt une importance particulièrement symbolique pour le ministre de la Transition écologique.
«S'il perd ce combat, il aura perdu tous ses combats », grince un proche de Benoît Hamon.
«Si le gouvernement se met à faire de la politique politicienne avec lui, à lui faire perdre tous ses arbitrages, il peut claquer la porte».
«Le caractère imprévisible de Nicolas Hulot, c'est sa force et sa faiblesse, analyse de son côté l'eurodéputé EELV Yannick Jadot. Si le gouvernement se met à faire de la politique politicienne avec lui, à lui faire perdre tous ses arbitrages, il peut claquer la porte. Cela sonnerait l'échec de la politique environnementale de Macron.» Le coup de maître du chef de l'État - seul président à avoir su convaincre Hulot de prendre des responsabilités politiques - se retournait contre lui.
En attendant, l'ex-animateur de télé poursuit son travail d'agitateur. Fidèle à sa méthode, il plaide ouvertement pour la création d'une taxe sur le «bétonnage » des surfaces naturelles. Il s'agirait d'«une nouvelle source de financement qui permettrait de lutter contre l'artificialisation des sols ». Elle serait calculée sur la surface «accaparée » par les centres commerciaux, bureaux ou logements, en dehors des centres urbains. Une piste non validée à ce stade que son collègue de l'Agriculture, Stéphane Travert, a appris par la presse. «Nicolas Hulot a sorti trois ou quatre taxes de poche qui risquent de nuire à la visibilité générale de notre politique de baisse des impôts », grince un ministre, agacé. Une méthode qui ne fait pas l'unanimité.
«Hulot va vite se transformer en Montebourg, pronostique un ancien conseiller ministériel du précédent quinquennat. Il ira au bout du bout du bout. Puis claquera la porte.»