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La Réforme du code du travail lue sur Var Matin le 1 septembre 2017

 

Les ordonnances sur la réforme du Code du travail, présentées hier par le gouvernement, font la part belle aux petites et moyennes  entreprises. Les syndicats seront, en revanche, fragilisés.


Emmanuel Macron saura très vite, dès les manifestations prévues les 12 et 23 septembre. si la France est aussi rétive à la réforme qu'il le redoute.


Réformette ou authentique révolution clans l'approche du travail, comme il le prétend? Une chose est sûre, l'exécutif a eu la main ferme au moment de lancer ses ordonnances. La consultation a certes accouché de quelques mesures ménageant la chèvre et le chou, comme le plafonnement des indemnités patronales couplé à une hausse de ces dernières.


Mais, dans l'ensemble, le gouvernement a solidement campé sur des positions défendues depuis la présidentielle. Si Édouard Philippe a vanté une démarche «ambitieuse, équilibrée et juste -, la flexi-sécurité à la sauce Macron entérine la primauté de la flexibilité sur la sécurité. C'est. au fond, une resucée de la loi El Khomri dans sa version initiale. De quoi satisfaire le syndicat le plus modéré, le patronat et la très grande majorité des Républicains: laisser entre deux eaux des socialistes qui avaient déjà brûlé leurs vaisseaux dans les atermoiements de la loi El Khomri : et pousser à la révolte les insoumis comme les frontistes. qui espèrent bien capitaliser sur la colère sociale. Rien que de très convenu.


Des syndicats affaiblis


Globalement, les mesures annoncées font la part belle aux PME : plafonnement des indemnités prud'homales (trois mois de salaire jusqu'à deux ans d'ancienneté, vingt mois maximum au-delà de trente ans), le délai de recours étant réduit à un an au lieu de deux pour tous les types de licenciement.

Possibilité de passer outre les syndicats pour négocier avec un délégué du personnel dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Voire avec de simples employés dans celles de moins de vingt... . Pour la première fois, une réforme du Code du travail donne la priorité aux TPE et PME, a clairement revendiqué la ministre du Travail. Muriel Pénicaud. rejointe par le président de la Confédération des PME, François Asselin, qui a salué des mesures particulièrement pragmatiques. A ses yeux. - la réforme n'enlève rien à l'équilibre de la sécurité dont ont besoin les salariés et en même temps elle va générer la confiance dont ont besoin les chefs d'entreprise pour entreprendre dans notre pays.

A contrario. le nouveau Code du travail enfonce un coin dans la mainmise des syndicats. «Le développement massif du dialogue social dans l'entreprise, célébré par Édouard Philippe. se fera en bonne partie à leur détriment. Même s'ils ont obtenu que les branches restent prédominantes dans la définition de caractéristiques des CDD, les ordonnances confieront par exemple aux entreprises la possibilité de négocier le niveau des primes. Reste une question en suspens. la seule qui vaille par delà les chicayas liés aux intérêts de chacun: ces ordonnances tordront-elles un tant soit peu le cou au chômage ? Il faudra faire preuve d'un soupçon de patience pour le savoir. Et. dans l'immédiat, laisser à Emmanuel Macron le temps d'engranger des résultats. A moins que la rue n'en décide autrement ces prochaines semaines.


Source: THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr


Et la chronique de CLAUDE WEILL sur le gros livre rouge


Ce que n'est pas la réforme qui se dessine dans les ordonnances divulguées hier par le gouvernement : ce n'est pas le saccage du Code du travail, un « coup d'Etat social » piétinant un siècle de conquêtes sociales et livrant les travailleurs à l'arbitraire patronal, comme on l'a dit à la CGT ou chez les Insoumis.


Ce n'est pas davantage, une« révolution », une « transformation » radicale, pour reprendre le vocabulaire du chef de l’État, qui curieusement récuse le terme de « réforme ». Et ce n'est pas non plus, comme l'ont dit quelques commentateurs superficiels ou pressés, un trompe-l’œil, une souris née d'une montagne.


Ce que c'est : une réforme importante, qui prolonge et amplifie l'évolution engagée depuis une dizaine d'années afin d'adapter notre droit social aux contraintes de la mondialisation. Avec cette fois, une attention particulière aux exigences des PME, désemparées devant la complexité et la rigidité de ce monument législatif et réglementaire dont la boulimie normative semble obéir à l'adage: pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pas sûr qu'avec ces ordonnances (plus de 150 pages !), le gros livre rouge gagne en lisibilité. Au moins prétendent-elles clarifier tes règles du jeu et mettre de l'huile dans le dialogue social.

Au total, un texte prudemment audacieux, si l'on peut dire. Très « en même temps ». D'inspiration social-libérale. Plus libéral que social. Plutôt pro Medef et CGPME que pro-syndicats. Notamment en matière de licenciements. Mais que le gouvernement a eu le bon goût d'assortir de quelques garde-fous ou avancées répondant aux revendications syndicales, permettant ainsi à la CFDT et à F0 de ne pas sortir humiliées de la concertation.

Si « déçu » qu'il soit (pouvait-il dire moins ?), Laurent Berger reconnaît que ces discussions ont été « productives ». De même que Jean-Claude Mailly, de Force ouvrière, peut se prévaloir d'avoir obtenu gain de cause sur la question de la hiérarchie des normes. Alors qu'Emmanuel Macron, à l'origine, souhaitait décentraliser le dialogue social au niveau de l'entreprise, le texte conforte finalement le rôle des branches professionnelles, afin d'éviter le dumping social et les distorsions de concurrence au sein d'un même secteur. Pour les syndicats réformistes, le point était crucial.


Dans ces discussions, d'une redoutable technicité, l'ancienne directrice des relations humaines Muriel Pénicaud était à son affaire. Mais la ministre du Travail s'est aussi révélée fine politique. Alors que Myriam El Khomri s'était enfermée dans un dialogue exclusif avec le patron de la CFDT, elle a eu soin de mettre Mailly au centre du jeu, permettant à FO de renouer avec une ligne réformiste plus conforme à sa culture – et de
l'aveu de Mailly plus « confortable » – que celle de 2016, où il menait avec la CGT la fronde contre la loi El-Khomri.


Le leader de FO juge le texte des ordonnances « pas parfait » (difficile d'être plus soft), mais il espère marquer encore des points dans la négociation et peser sur la rédaction des décrets. Il ne descendra pas dans la rue avec la CGT le 12 septembre. La CFDT pas davantage. Cette fois, pas de front syndical en vue. Et cela change beaucoup. Est-ce à dire que malgré le scepticisme de l'opinion, plutôt hostile à la réforme, malgré l'appel à la rébellion lancé par Jean-Luc Mélenchon, le gouvernement peut espérer éviter l'embrasement et échapper à un remake de la bataille d'El Khomri ? On n'en jurerait pas. Mais pour l'heure, on est tenté de le penser.


Quant à savoir si cette réforme marchera, si elle contribuera à créer des emplois en levant dans la tête des patrons la fameuse « peur d'embaucher »... C'est affaire de temps et de psychologie. Une réforme ne peut changer les relations sociales d'un jour à l'autre. « Cela prend entre dix-huit et vingt-quatre mois pour infuser », dit Emmanuel Macron. Alors laissons infuser...