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Avec la démission du général de Villiers, "l'autoritarisme" de Macron en prend pour son grade

POLEMIQUE - Du jamais vu depuis le putsch des généraux de 1961. La démission spectaculaire du chef d'état-major des armées Pierre de Villiers ne constitue pas seulement une crise politico-militaire comme la Ve République en a rarement vécu. L'épisode illustre aussi brutalement les limites de la "présidence jupitérienne" revendiquée par Emmanuel Macron depuis son installation à l'Elysée. Censée tourner la page des années Hollande et Sarkozy, cette méthode de gouvernance verrouillée, ultra-centralisée et ne tolérant aucun écart vaut aujourd'hui au jeune chef de l'Etat de cinglantes accusations "d'autoritarisme", voire de "caporalisme" de la part de ses adversaires politiques comme de la communauté militaire.

 

Au-delà de la fronde sur les coupes budgétaires imposées à la Défense en contradiction avec les engagements de campagne du président, c'est surtout la manière dont Emmanuel Macron a sèchement et publiquement recadré le général de Villiers qui lui vaut désormais ces critiques sévères. "Petit chef", "narcissisme autocratique", "faute irresponsable", "pas à la hauteur de la fonction présidentielle"... L'unanimisme des réactions politiques pour étriller le comportement de l'Elysée, associé à l'embarras prudent de la majorité sur ce dossier, en disent long sur la colère qui monte à l'égard d'un chef de l'Etat pointé du doigt pour ses coups de menton.

 

"Un autoritarisme juvénile" qui a rompu la confiance avec l'armée

Une fois n'est pas coutume, les responsables de l'opposition ne sont plus les seuls à s'indigner des méthodes dirigistes d'un président obsédé par l'idée d'affirmer son autorité pour compenser sa jeunesse politique. Désormais, les anciens militaires de carrière, autorisés à s'exprimer dans les médias, sonnent eux l'hallali. Dans une tribune publiée par Le Monde, le général Vincent Desportes met en cause "un autoritarisme juvénile [qui] a fait exploser une crise latente" au moment où les armées sont exténuées par l'effort de guerre exigé par la nation dans la lutte contre le terrorisme.

En quelques mots, le militaire démontre comment les "habiles postures martiales" d'Emmanuel Macron ont dévasté tous les efforts entrepris par le président pour soigner une communauté militaire exsangue: remontée des Champs-Elysées en command-car, visites aux blessés et aux soldats en opération extérieure, hélitreuillage sur un sous-marin nucléaire. En recadrant le général Pierre de Villiers en pleine fête nationale pour signifier qu'il ne tolérerait pas plus de couac dans son gouvernement que dans son état-major, le président a commis l'irréparable. "La première erreur présidentielle tient à l'humiliation publique, devant les siens, d'un grand serviteur de l'État se battant pour la défense des Français", prévient le général Desportes.

Une crise qui s'étend à l'Assemblée nationale

Si la confiance est rompue avec les armées dans un contexte qui ne s'y prête particulièrement pas, l'hôte de l'Elysée n'est pas à l'abri de voir cette crise s'étendre au-delà des garnisons. Car la démission du général de Villiers, mis en cause par le président alors qu'il s'exprimait dans le sanctuaire de l'Assemblée nationale, pose la question du peu de respect institutionnel d'Emmanuel Macron pour le contre-pouvoir que le Parlement est censé incarner.

Reprocher les critiques du général exprimées devant les députés, c'est, de fait, "ne pas reconnaître au Parlement le droit d'être informé", a d'emblée dénoncé le très légaliste Jean-Jacques Urvoas, ancien président de la Commission des Lois. "Le libre fonctionnement de notre commission de la défense est mis en cause. Si nos auditions à huis-clos donnent lieu par l'exécutif à des mises au pas des personnes auditionnées, c'est le pouvoir législatif qui est mis sous tutelle", a déploré auprès de l'AFP le député communiste André Chassaigne.

Nul doute que cet incident trouvera un écho chez les adversaires politiques d'Emmanuel Macron, à commencer par les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon, qui avaient vu dans la convocation du Parlement à Versailles "la signature d'une dérive pharaonique" du président. Mais même chez les élus macronistes, la gêne est désormais palpable. La démission du général "est une décision que, globalement, nous déplorons au regard de la qualité de soldat et de chef de l'ancien CEMA", a osé un député REM à la sortie de la commission de la Défense.

Avant lui, Jean-Jacques Bridey, président REM de la commission de la Défense de l'Assemblée et conseiller défense d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, avait déjà publiquement "regretté" le "choix" d'imposer 850 millions d'euros d'économies au ministère de la Défense en 2017.

Macron se défend de vouloir "caporaliser"

Des désaccords qui pourraient s'amplifier quand les arbitrages difficiles vont s'accumuler. Des divergences existent déjà au sein de la majorité sur le texte du projet de loi sur la "confiance dans l'action publique", notamment sur le devenir de la réserve parlementaire ou des futures règles de fonctionnement des frais des députés.

Tandis que sa cote de confiance vacille dans les derniers baromètres d'opinion, le président de la République entend-il camper sur sa posture régalienne ou se prépare-t-il à donner des gages d'ouverture? Ce lundi, Emmanuel Macron s'est invité au cocktail où se retrouvaient les députés de la majorité pour tenter de calmer le jeu après les premiers indices de révolte.

"Il n'y a pas de caporalisme ici, il n'y a pas d'ordre jupitérien, comme diraient certains", a assuré le chef de l'Etat en prônant une "culture du respect mutuel et du travail" entre le Parlement et le gouvernement.

Mardi soir, on apprenait que le président prévoyait un déplacement sur la base aérienne d'Istres. Au programme; une rencontre avec le personnel militaire, présentation du matériel de dissuasion et une démonstration de ravitaillement en vol à bord d'un C135. Des images que le chef des armées affectionne mais qui n'auront sans doute pas la même saveur.

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