Pourquoi Emmanuel Macron se trouve au pied du mur
Finie l’heure des annonces, des intentions. Au moment où les Français amorcent la grande transhumance des vacances d’été, le nouveau Parlement s’est mis en place. Une série de consultations s’est engagée entre les partenaires sociaux pour mettre en route la réforme du code du travail. Pour le gouvernement, c’est le moment de prendre les grandes décisions sans plus attendre. Emmanuel Macron se trouve au zénith d’une popularité qui ne souffre pas la contestation. La France a retrouvé une image qu’elle ne connaissait plus depuis des lustres, à condition que l’action suive les promesses et les engagements.
Le chef de l’Etat est au pied du mur. Il ne peut être question de tergiverser comme l’a fait si souvent son prédécesseur, dont les engagements au redressement se terminaient toujours en chiffon de papier sollicitant de nouveaux délais qui lui faisaient perdre toute crédibilité.
Emmanuel Macron entend rompre avec ce cercle vicieux. Cela commence par une condamnation sans appel par la bouche de son Premier ministre de la politique suivie précédemment. Alors qu’on pouvait croire à une certaine indulgence vis-à-vis de l’action suivie par un gouvernement auquel il avait appartenu, comme s’il voulait ménager François Hollande, même s’il n’était pas officiellement responsable de la gestion des finances, Emmanuel Macron marque ainsi une rupture très nette. Le nouveau Premier ministre Edouard Philippe vient de prononcer un véritable réquisitoire en dénonçant les « artifices inacceptables » utilisés pour faire entrevoir une réduction du déficit au-dessous de la barre psychologique des trois pour cent, alors que celle-ci sera manifestement dépassée. La sévérité du propos témoigne d’une certaine volonté de dramatisation de la situation présente, qui appelle des mesures urgentes. Tous les procédés utilisés classiquement dans les périodes préélectorales pour minorer artificiellement les dépenses ont été utilisés par l’équipe précédente : la charge des dépenses publiques en faveur des fonctionnaires a été sous-budgétée, la comptabilisation de la recapitalisation d’Areva a été assurée de « manière désinvolte », des impasses substantielles ont été réalisées sur les secteurs de l’agriculture, de la défense et du travail, sans compter les engagements d’augmentation de traitements dans la fonction publique dont les effets devaient se faire sentir dans les années à venir. Au total, la Cour des Comptes évalue à quelques cinq milliards le manque à gagner pour cette année, qui ferait passer le déficit à 3,2% du produit intérieur brut, mais l’effet boule de neige se répercuterait sur 2018, de sorte qu’on arriverait rapidement à un manque à gagner qui pourrait dépasser dix milliards d’euros.
Certes, la reprise de l’économie, un peu plus forte que prévue, permettrait d’espérer des recettes fiscales plus élevées qui réduiraient la facture. Il reste que si Emmanuel Macron ne veut pas être désavoué vis-à-vis de ses pairs européens, il doit trancher dans le vif et réduire les dépenses publiques, ce véritable rocher de Sisyphe devant lequel se sont inclinés tous ses prédécesseurs. La Cour des Comptes propose des mesures énergiques, telles que le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite, la réduction des aides et subventions dans la plupart des secteurs. Le gouvernement sera tenté de commencer par le plus facile, en renonçant à certaines promesses qui engageaient des crédits nouveaux alors qu’elles seraient pourtant essentielles à la modernisation du pays comme la transformation du CICE en baisse de charges sociales ou la réforme de l’ISF, afin de maintenir au moins en partie la réduction annoncée de la taxe d’habitation. Et l’on risque d’assister au retour en force de la politique traditionnelle du rabot où les mesures à courte vue prennent la place des réformes de fond toujours différées.
Michel Garibal , journaliste, a fait une grande partie de sa carrière à la radio, sur France Inter, et dans la presse écrite, aux Échos et au Figaro Magazine. Voir la bio en entier
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