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Macron, l'ovni chanceux du premier tour


Le leader d'En marche! était ovationné, dimanche, comme le vainqueur de l'élection. Mais pourra-t-il rassembler quatre camps irréconciliables?


Finalemcnt, les grands vainqueurs de ce premier tour de la présidentielle sont les sondeurs. Depuis plusieurs jours — mention très bien à Ipsos —, ils nous donnaient l'ordre d'arrivée et le niveau du quatuor de tête. Hélas pour le camp Fillon, qui a espéré jusqu'au bout, il n'y avait pas de "votes cachés". La droite n'est pas au second tour d'une présidentielle pour la première fois dans l'histoire de la ye République. Dur, dur! Dimanche dans la soirée, on comprenait que l'heure des règlements de comptes allait sonner: «Ça n'est pas la droite qui a perdu, c'est François Fillon », lâchait Eric Woerth. Tandis que pour François Baroin, fidèle du candidat, « c'est la primaire qui a affaibli la droite ».
Alors? Défaite d'un homme ou défaite d'une ligne? Les deux. Les électeurs d'une primaire choisissent le candidat le plus radical et c'est bien là que réside le danger. Au PS, ce fut le frondeur Hamon. Chez Les Républicains, celui qui avait le programme le plus libéral au niveau économique et le plus conservateur au niveau sociétal. « Un programmepasfaitpour gagner », déplorait, dimanche soir, un élu républicain déçu. En effet, dès le lendemain de son triomphe à la primaire, François Fillon perdait 4 points, passant de 29 à 25 %. Ses propositions sur la protection sociale et ses liens trop étroits avec Sens commun ont fait fuir les juppéistes, quelques sarkozystes et les partisans de François Bayrou. « La grande leçon de cette élection, c'est que la droite, quand elle se recroqueville sur ses seules bases bourgeoises et conservatrices, ne peut pas gagner », déplore Gérald Darmanin. Le gaulliste François Fillon a oublié que la droite, c'est « le métro à 6 heures du soir ».


Puis sont arrivées les affaires avec, autre première dans l'histoire, la justice qui met en examen un candidat pendant la campagne, participant ainsi au jeu de massacre. François Fillon a perdu parce qu'il a été victime de ses faiblesses, de ses erreurs, de l'acharnement de ses
adversaires et de la vindicte des médias. Un vrai gâchis!


Pour ses électeurs, il était malgré tout le plus compétent, le plus expérimenté et doté d'une autorité naturelle que n'avait aucun autre. Dimanche soir, le vaincu s'est incliné avec beaucoup de classe. Il votera Macron pour faire barrage à l'extrême droite. Exit Fillon.


Tous les regards se tournaient vers le héros de la fête: Emmanuel Macron. Il y a un an, lorsqu'il a lancé son mouvement En marche!, personne (sauf lui et une poignée d'apôtres) n'imaginait une candidature à la présidentielle.


Lorsqu'il a démissionné du gouvernement, fin août, François Hollande n'imaginait pas une seconde que ce jeune ministre culotté conspirait à son renoncement. Parti de rien, sans moyens, ce charmeur au sourire irrésistible a su drainer les foules. Avec un discours oecuménique, il
allait marier ce qu'il y a de mieux à droite et à gauche. Emmanuel Macron est un ovni, un prototype politique hybride, comme on le dit des automobiles qui roulent à l'essence et à l'électricité. Il a eu aussi beaucoup de chance : le spectre d'une victoire de Marine Le Pen, les affaiblissements inédits et conjugués du PS et du candidat de la droite ont constitué les conditions du succès de son braquage.


Dimanche soir, déjà ovationné comme le vainqueur (méfiance!), il appelait « au rassemblement dont la force sera déterminante pour gouverner, pour rompre jusqu'au bout avec le système qui a été incapable de relever la France depuis trente ans ». Il n'est donc pas un François Hollande bis. « Il n'y a qu'une France, celle des patriotes », a-t-il conclu, volant le mot à Marine Le Pen. Rassembler? Comment faire quand le pays est divisé en quatre camps à peu près égaux et irréconciliables: l'extrême gauche (Hamon et Mélenchon), la droite (Fillon et une partie des électeurs de Dupont-Aignan), les progressistes (Macron) et l'extrême droite de Marine Le Pen. Une France très difficile à gouverner.

Source:  27 avril 2017 — VALEURS ACTUELLES — N°31