Christine Angot : extension du domaine de ses névroses
Depuis la parution de L'inceste, en 1999, la romancière est coutumière des coups d'éclats. Chantre de l'autofiction, elle a raconté par le menu ses aventures sentimentalo-érotiques, au risque de briser des vies. Portrait d'une incontrôlable.
Un moment de télévision, dit-on, soit une séquence qui restera dans les annales du PAF. Toute la nuit les twittos se sont déchaînés sur la joute entre François Fillon et Christine Angot, invitée surprise de l'émission politique sur France 2, jeudi 23 mars. L'écrivain et le candidat LR à la présidentielle se sont écharpés. Il fallait s'y attendre. La romancière est incontrôlable, n'hésitant pas à tutoyer François Hollande, qu'elle ne connaît pas, pour l'exhorter à se représenter à la présidentielle. «Je vais vous avouer quelque chose. Le 1er décembre, quand j'ai appris que vous aviez renoncé, je me suis dit: ‘‘très bien, de toute façon t'avais aucune chance de gagner, c'est très bien, libère le terrain''. Pardon de vous tutoyer, mais vous savez c'est comme ça qu'on parle devant sa télévision, on s'énerve, on tutoie, et on insulte même parfois», écrit-elle dans une tribune publiée dans le JDD, le 26 février dernier.
Christine Angot, née Schwarts à Chateauroux, dans l'Indre, il y a 59 ans, a été propulsée sur le devant de la scène littéraire avec son récit L'inceste (Stock) en 1999, mélange de confession sur une liaison homosexuelle et de réminiscence d'une relation incestueuse avec son père, qui a été vendu à près de 50.000 exemplaires. Depuis, cette figure de l'autofiction qui se défend de l'être défraie la chronique avec son son parler cru, son écriture impudique, ses névroses et ses interventions médiatiques qui, régulièrement, suscitent la controverse.
Veuve noire et cabrioles
Les émissions télé l'adorent. Ou plutôt adorent-ils qu'on la déteste. Il faut dire qu'elle est souvent détestable. Souvent de très mauvais poil (elle appellerait cela de la franchise) et fracassante avec ses interlocuteurs elle s'est démarquée en quittant le plateau de Laurent Ruquier en 2015 pour ne pas avoir à faire face à Michel Houellebecq. «Soumission est un roman, un simple roman, mais c'est un roman qui salit celui qui le lit. Ce n'est pas un tract mais un graffiti: Merde à celui qui le lira», a affirmé Angot en parlant du dernier livre du prix Goncourt 2010.
Quelques années plus tôt, à «Bouillon de Culture» chez Pivot, elle avait massacré gratuitement Jean-Marie Laclavetine à propos de son très beau roman, Première ligne .
Son ancien amant, Doc Gynéco, a eu la surprise de découvrir par le détail, jusqu'au scabreux, ses ébats avec elle dans un livre, Le Marché des amants, en 2008. Le rappeur star des années 90 n'en a pas pris ombrage. De quinze ans son cadet, Bruno Beausir de son vrai nom s'est exprimé en 2016 sur le sujet, après une longue traversée du désert. «Ce que j'aime chez Christine, c'est son côté araignée, veuve noire... On m'a demandé pourquoi je ne m'étais pas plaint, mais c'est ce que j'aime chez elle. C'est comme ça qu'elle nourrit son art: elle mange ses amants», a déclaré le chanteur à la journaliste Judith Korber, du magazine Next , de Libération .
Quelques années après avoir couché ses cabrioles sur le papier, la romancière vampirise la vie d'autres personnes pour écrire «les Petits», en 2011, où sont mis en scène une certaine Hélène avec ses cinq enfants, Diego, Jérémie, Clara, Maurice, Mary. Christine Angot, elle, n'a qu'une fille, Léonore, âgée de 20 ans au moment où le livre paraît. Elle croque des personnages plus vrais que nature et pour cause: l'Hélène de son livre existe, la romancière s'est insérée dans sa vie. Les gens qui la connaissent sont effarés de la reconnaître. «Quand un Angot nouveau est annoncé, les critiques se demandent qui sera ‘‘la prochaine victime'', écrit alors Anne Crignon dans L'Obs. Ceux qui la connaissent se méfient. «La rencontrer, lui parler, c'est prendre le risque de se retrouver dans ses livres», témoigne un autre critique.
Chronique judiciaire
Avec Les Petits, Angot a dépassé les bornes. En 2013, elle comparaît 17e Chambre correctionnelle de Paris à cause de ce roman pour attente à l'intimité de la vie privée. La jeune femme du livre a raconté qu'il avait détruit sa vie et celle de ses enfants. «Je veux que vous compreniez la souffrance que mes enfants et moi avons subie à cause de Christine Angot. À la parution de son livre, j'ai tenté de mettre fin à mes jours. Tout est vrai dans son livre, c'est ma vie. Elle veut ma mort, détruire mes enfants.», explique à l'Express la victime, dont la romancière a déjà croqué la vie et été condamnée pour cela. Car dans Le Marché aux Amants, il n'y avait pas que Doc Gynéco, mais cette femme, déjà, dont l'ex-mari était le compagnon de l'auteur. Sous la menace d'une procédure judiciaire à Nanterre, la romancière avait accepté de dédommager Élise Bidoit à hauteur de 10.000 euros. Cette fois, la romancière est condamnée plus lourdement.
Le 27 mai 2013, la 17e chambre du tribunal de grande instance (spécialisée dans les affaires de presse et d'édition), ordonne à Christine Angot de verser 40.000 euros à Élise Bidoit, qui s'est reconnue dans Les Petites. Une condamnation rare pour les écrivains qui jouissent d'une liberté de création.
En novembre 2015, celle qui a déjà été couronnée du prix France Culture en 2005 et du prix de Flore en 2006 , est récompensée du prix Décembre pour son roman Un amour impossible (Flammarion). Trois mois à peine après sa sortie en librairie, son livre s'est arraché à 85.000 exemplaires. Elle y raconte l'histoire de la rencontre entre sa mère, employée à la Sécurité sociale et son père, traducteur auprès des institutions européennes, à la fin des années 1950 à Châteauroux. Une œuvre à ne pas manquer? Les critiques sont divisés. Elle y raconte à nouveau l'inceste, «sans respirer», comme écrit sur la quatrième de couverture.
Mais à nouveau un an plus tard, elle quitte les colonnes littéraires pour se retrouver au cœur de la chronique judiciaire. Le 2 avril 2016, Angot est mise en examen pour diffamation publique après un article publié dans Libération mettant en cause l'éditeur d'Édouard Louis, Christophe Lucquin. Selon elle, la maison d'édition fondée par ce dernier publierait «des textes à caractère essentiellement pédophiles» . Mais le dossier attend toujours d'être envoyé au tribunal correctionnel. Gageons que cette nouvelle affaire se retrouvera dans son prochain roman.
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