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La « retraite à la française » : quel avenir et voies de progrès ?

 

La « retraite à la française » repose sur le principe technique de la « répartition » présenté comme icône de la « solidarité entre les générations » par opposition aux systèmes dits « de capitalisation ». Qu’en est-il objectivement et concrètement ? Quel avenir et voies de progrès possibles pour ces systèmes ?

 

La retraite pétainiste par répartition

On l’oublie souvent mais la retraite de base des salariés a bel et bien été instituée par le régime de Vichy fin 1941, après débats qui duraient depuis des années. Cette façon de procéder présente au moins trois avantages :

  • Elle permet, au début de la mise en œuvre, de servir des retraites à des gens qui n’ont jamais cotisé ;
  • Elle protège les retraités des aléas des marchés financiers, puisqu’elle est redistribuée dès son prélèvement sur les salaires ;
  • Elle est une « assurance vieillesse » au sens « horizontal » : les cotisations de vie active proportionnelles à la rémunération assurent des prestations en rente viagère également proportionnelles à la rémunération passée. Cela est conforme au principe « assurantiel » du « modèle social français » issu des réflexions du CNR (et qui a repris en particulier la retraite pétainiste).

Cette technique présente toutefois des limites importantes, liées au fait que les revenus de gens inactifs (dans ce cas des retraités) sont forcément, d’une façon ou d’une autre, prélevés très concrètement sur les richesses produites par leurs contemporains actifs.

Or, le système de retraites « par répartition » assure une redistribution entre deux catégories de personnes strictement limitées : les actifs travaillant en France qui versent des cotisations et les retraités ayant travaillé en France qui perçoivent les pensions. Pour que cela « fonctionne », le seul paramètre « juge de paix » est le ratio « actifs / retraités » - tout le reste relevant d’ajustements techniques.

Quand les calculs actuariels des « retraites par répartitions » ont été établis, dans les années 1930, les gens commençaient à travailler à 14 ans, et l’espérance de vie était de 59 ans. Donc, on a royalement mis l’âge de la retraite à 65 ans.

Les décennies de vaches grasses

Pendant quelques décennies, tout a été pour le mieux dans le meilleur des mondes : les retraités étaient peu nombreux, les cotisants très nombreux, et les retraites étaient versées sans difficultés. A l’époque, les caisses de retraite REDUISAIENT les taux d’appel des cotisations, pour ne surtout pas risquer de « faire des réserves », horrible tentation « capitaliste ».

Ces temps de vaches grasses sont terminés depuis la fin des années 70 – date à laquelle toute la population était soit « cotisante » soit « pensionnée » du système en « répartition » au travers d’une mosaïque de dizaines de « régimes » le plus souvent d’origine professionnelle (EDF, RAPT, UIMM, Clercs et Employés de Notaires, Ouvriers mineurs …). La nature professionnelle de ces régimes est d’ailleurs un problème supplémentaire en soi, puisque la démographie professionnelle est extrêmement variable sur 60 ans (durée actuelle de cotisation + retraite …) et cette variabilité ne peut qu’augmenter. Cela oblige à des transferts financiers entre régimes, d’autant plus opaques que chacun a développé des avantages spécifiques pour ses membres.

Puis, l’âge d’entrée dans la vie active a fortement augmenté, l’âge de départ à la retraite a diminué, l’espérance de vie enfin a fortement augmenté. Sans même évoquer l’installation d’un chômage de masse qui touche 10 % de la population active. Tout cela a fortement dégradé, sans retour, le ratio « actifs/retraités ». Pendant ce temps, un discours et une pratique politiques se sont développés totalement à contre-courant de l’évolution de ces paramètres : la manie de diminuer les effectifs d’une entreprise en difficulté par des mises à la retraite anticipée (grande mode des années 70 à 90), le totem de la « retraite à 60 ans », tout le monde sachant très bien que ce n’était pas tenable sur le long terme. Nous en sommes donc arrivés aujourd’hui à avoir l’un des taux d’emploi des 55-65 ans   les plus faibles du monde.

La période des vaches grasses achevée, la classe politique et les « partenaires sociaux » censés gérer les systèmes de retraire qui techniquement sont « privés », ont réagi de façon très simple et au coup par coup. Ils ont augmenté les cotisations et raboté les pensions – de préférence en catimini pour que les systèmes « tiennent » jusqu’à la prochaine élection – d’où l’abondance de prétendues « réformes ». Mais surtout personne n’a jamais remis en cause ni la « répartition » ni la « retraite à 60 ans », vaches sacrées.

Toujours dans les « ajustements techniques », certains salivent aujourd’hui à l’idée de la mort des « baby-boomers » des années 46 à 70, qui devrait « rétablir » l’équilibre actifs/retraités – quitte à les « aider » en chantant les louanges de l’euthanasie. D’autres – ou les mêmes - rêvent d’une immigration massive et soudaine de millions de jeunes qui augmenteraient « miraculeusement » la population active.

Les voies de progrès : l'innovation ! 

Il est certain que notre système de retraite a besoin – comme tout le « modèle social français » de profondes réformes et non de simples « ajustements techniques » destinés à replâtrer les failles jusqu’à la prochaine élection (au mieux). C’est en effet aujourd’hui la plus importante part des « prestations sociales » issue des prélèvements obligatoires et de la dette.

La seule vraie façon de faire fonctionner la « répartition » consiste en fait à repousser l’âge de la retraite de plusieurs années, en employant réellement et massivement les 55-6X ans – ainsi que les jeunes, ce qui revient à résoudre le problème du chômage des jeunes et des seniors, très vaste programme.

Les systèmes en « capitalisation » présentent un certain nombre d’avantages par rapport à la « répartition » :

  • Chacun cotise pour sa propre retraite, ce qui est indépendant de la catégorie professionnelle, et surtout de son évolution dans le temps ;
  • Le fait d’utiliser des fonds de placement permet de prélever les retraites sur des richesses produites partout dans le monde, ce qui libère en fait du ratio « actifs/retraités » national ;
  • Le « stock » d’épargne généré alimente la capitalisation des entreprises et le progrès technologique .

Mais ils présentent aussi les inconvénients correspondants :

  • La dépendance des marchés financiers ;
  • L’initialisation d’un système « par capitalisation » obligera(it) une génération à payer deux fois : en « répartition » pour ses aînés et en « capitalisation » pour elle-même.

Un système de retraite par « capitalisation » fera forcément appel à des fonds en parte « actions » capables de traduire dans la retraite servie à chacun les progrès du jeu à somme positive de l’économie. Il y a deux prérequis pour que cela fonctionne. D’une part, il faut inventer un type de gestion collective qui le permette vraiment, compte tenu de la volatilité des marchés financiers : les actuels « fonds de pension » étrangers progressent dans ce sens. D’autre part, il faudra aussi retrouver – au moins tant que la population augmente - les chemins de la « croissance », ce qui est un énorme problème en soi.

Un système permettant de rémunérer sainement sur le long terme le financement de la Recherche fondamentale permettrait de lui affecter une partie non négligeable de ces fonds - mais ce point reste à concevoir et chiffrer, bien qu'il soit certainement l'un des principaux moteurs d'une future croissance.

On pourra aussi rendre une partie des capitaux constitutifs héréditaires sans droits de succession et inaliénables. Au fil des générations, cela constituera un vrai capitalisme généralisé à TOUS les citoyens. Pour que cela soit possible, il faut une prospérité capable de rendre concrètement le rendement d'un capital constitutif suffisant pour verser des pensions acceptables (sans le consommer comme la rente viagère).

Ces réformes de fond sont évidemment à coupler avec les réflexions sur un éventuel « revenu universel ». 

Quelles que soient ces réformes, elles seront douloureuses à appliquer. Elles n’en sont pas moins indispensables et possibles : plus on tarde, plus elles seront pénibles.

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