JustPaste.it

La Siagnole, Deux mille ans d'histoire

L'histoire bimillénaire de l'exploitation de la Siagnole commence lorsque l'empereur romain Auguste (-63, +14) décide d'installer à Forum Julii une base navale et une colonie de vétérans, qui préfigure bien sûr l'actuelle Fréjus. Les 40 000 habitants que compte bientôt ce site ont besoin d'eau, et c'est la source la Siagnole, ses milliers de mètres cubes/jour, qui est choisie pour l'abondance et la qualité de la ressource qu'elle représente. Le génie romain conçoit alors un gigantesque aqueduc pour aller de Mons à Forum Julii sur un peu plus de 40 kilomètres.
La déclin progressif de Forum Julii, accentué à partir du Vème siècle, diminue l'entretien de l'ouvrage, dont les Sarrasins détruisent une ' partie au Xème siècle, et dont des pierres sont (déjà..) empruntées par des habitants pour leurs constructions. Ce n'est qu'en 1870, par un décret de Napoléon Ill, au vu de la remontée en puissance de la démographie locale, que l'exploitation de la Siagnole reprend. et avec elle les rénovations et extensions de ce qui devient un réseau : canal romain restauré en 1870, canal Jourdan créé en 1891 avec son prolongement jusqu'à Saint-Raphaël, captage des sources nouvelles en 1918, et enfin le canal 1920 qui double le canal 1891.


La concession est reformulée en 1891 par le Président Sadi Carnot. puis en 1895, 1923, 1928, avant que diverses difficultés ne conduisent à confier au département du Var, en 1956, la propriété des ouvrages et de ce patrimoine. Leur exploitation est déléguée à la DDE. puis à une SEM nommée E2S, créée en 1993, dans une atmosphère assez polémique (j'y reviendrai), et dont le contrat de concession vient à expiration en 2018.

La Siagnole aujourd'hui : comment çà marche ?

siagnole-synoptic.jpgL'objet de ce service public est de distribuer aux collectivités de l'Est-Var l'eau brute issue des sources de la Siagnole et des autres ressources complémentaires mobilisées depuis par E2S (le forage de la Barrière à Montauroux et de Tassy à Tourrettes).


Cela se décline concrètement en deux missions :

 

  1. le remplissage des bassins communaux, chaque commune (les sept du canton à être concernées, en régie, et les communes méridionales au travers du Syndicat des Eaux du Var-Est qui a lui-même un exploitant privé) se chargeant de la potabiliser et de la redistribuer
  2. la desserte d'abonnés particuliers, domestiques et agricoles, dont le nombre va décroissant puisqu'ils sont repris, notamment en ce qui concerne les abonnements domestiques, par les communes au fur et à mesure du développement de leurs réseaux.

La Siagnole aujourd'hui (2012): les données-clés

siagnole-keydata.jpg

La Siagnole aujourd'hui : le bilan de douze ans d'action


Je suis pleinement conscient que la transition de 1993, par laquelle la gestion de cette eau a été confiée à une SEM dans laquelle un opérateur privé est présent, a été mal vécue et mal comprise. Aussi, depuis mon élection à la tête de cette SEM en 2001, je me suis attaché à la gérer comme un service public à part entière.


Ainsi, sous ma présidence :

 

  • aucune rémunération n'a été versée à aucun actionnaire, et donc notamment aucune à l'opérateur privé. Dans ces conditions, la SEM E2S fonctionne exactement comme une régie publique déguisée.
  • le patrimoine public et la ressource en eau qui sont des patrimoines départementaux ont été élargis avec l'intégration de ressources nouvelles comme le forage de Tassy et celui de la Barrière, sans lequel nous n'aurions jamais passé l'été 2006 sans coupure d'eau
  • le prix de l'eau tel qu'il est facturé aux collectivités, est non seulement très bas (autour de 0,14 €/m3) (plus de 2 fois moins cher que celui pratiqué par la concurrence), mais surtout, il est resté inchangé depuis 2001, pour la part qui dépend de nous, en dehors des actualisations imposées par la réglementation
  • sécurisation du domaine public : nos installations et les chemins qui les desservent sont parfois situés dans des zones dangereuses, et nous avons eu, même si cela n'a pas toujours été très populaire, à sécuriser ces installations. Domaine public ne veut pas dire qu'on peut se promener partout sans danger !
  • performance du réseau : l'eau est un bien précieux, et nous ne l'exploitons pas dans une logique de fuite en avant expansionniste mais de façon responsable.Il convient donc de limiter les pertes en ligne et de rendre nos réseaux toujours plus performants, ce qui a été pour nous un axe de travail constant

La Siagnole demain : quels enjeux, quel statut ?


Deux échéances immédiates conditionnent l'avenir de ce service public


Les modalités de l'application de la loi sur l'eau peuvent constituer une vraie menace:


Un litige au long cours nous oppose à la DDTM du Var sur l'interprétation du débit réservé prévu par la loi sur l'eau. Ce débit réservé, dont le principe est parfaitement légitime, est un débit d'eau qu'un préleveur doit rendre à la rivière, aux écosystèmes, aux pécheurs, etc... Aujourd'hui, ce débit réservé que nous avons toujours observé sans que quiconque s'en plaigne est de 191/sec. Certaines interprétations faites par ceux qui, parfois au sein même des services de l'Etat, veulent instrumentaliser ces règles de façon idéologique et punitive, pourraient amener ce débit réservé à près de 1001/sec : c'est en tous cas ce que prévoit un courrier que la DDTM du Var nous a notifié fin 2012.


Dans cette hypothèse, la continuité du service public, c'est-à-dire notre capacité à répondre aux besoins humains de base, serait remise en cause. Il s'agit donc de défendre ce service public et de montrer que la stratégie qui consiste à opposer d'un côté les besoins humains, quand ils sont responsables (à nous de contrôler nos consommations en eau), et de l'autre les enjeux environnementaux, relève de l'imposture. C'est dans cet esprit que j'ai recherché et obtenu la présidence du SIIVU et de la commission locale de l'eau (C.L.E.) qui gère le SAGE de la Siagne (voir page 10 et 11), afin de piloter cette conciliation des usages de l'eau qui est un des grands enjeux de notre avenir. De même que je me suis mobilisé quand toutes les pesanteurs idéologiques et administratives du moment voulaient condamner nos projets de forage à La Barrière et à Tassy, de même je ferai tout pour proroger cette exploitation raisonnée et bimillénaire des eaux de la Siagnole.

La  fin de la concession en 2018:


En 2018, la concession tant décriée du patrimoine de la Siagnole à l'actuelle SEM E2S prendra fin. Trois possibilités se présenteront alors à la collectivité : la gestion directe en régie départementale de ce patrimoine, la gestion indirecte par délégation (ce dont notre SEM actuelle est un exemple), ou la création d'une société publique locale (S.P.L.).


Dans son état actuel, je ne vois pas la collectivité départementale, qui a déjà fort à faire pour faire face à l'explosion des dépenses de sa compétence principale (le social), enclencher une nouvelle régie départementale. Je ne pense pas non plus que la délégation à un tiers, qui a été si mal vécue en 1994, soit une expérience à renouveler.


Reste la solution de la SPL, qui aurait le triple avantage de garder la souplesse du droit privé dont notre structure a besoin pour continuer à vivre, d'afficher et de revendiquer un actionnariat 100% public, et de satisfaire à la condition de la loi, qui est d'avoir au moins deux actionnaires publics (en l'occurrence la Communauté de Communes du Pays de Fayence et le Conseil Général du Var). Autant de raisons de réfléchir sérieusement à cette option qui me paraît aujourd'hui la meilleure.

Pour en savoir plus :

  • Robert de Madron, l'aqueduc romain  de Mons à Fréjus,  éditions de l'Envol, 1998  
  • Revue «le courrier de Valescure» n°36,10/2002, article de Lucien Dollo
  • La renaissance de la Siagnole, revue DDE et CG83, 1993
  • C.Gébéra, J-M.Michel, et J.-L. Guendon ; L'Aqueduc romain de Fréjus, Editions de l'Association de la Revue archéologique de Narbonnaise, 2002

Source: Extrait du bulletin de François Cavallier Conseiller Général Novembre 2013