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Pénélope Gate: l'éditorial de Claude Weil Nice Matin 27 janvier 2017

 

A la bataille navale, on dirait « F2 touché ». Ne soyons pas naïfs : les révélations du « Canard » sur le passé professionnel (réel ou fictif) de Penelope Fillon, à trois mois de la présidentielle, ne sont pas innocentes. Quelqu'un cherche à nuire. Et il a réussi : le « Penelope Gate » porte un coup sévère à une campagne qui, déjà, commençait à susciter doutes et inquiétudes parmi les partisans de François Fillon.

Car ce qui est atteint, et de plein fouet, c'est l'image du candidat, et c'est la crédibilité de son message. Lorsqu'on place sa campagne sous le signe de la probité et de l'exemplarité, il faut être au dessus de tout soupçon. Lorsqu'on appelle les Français aux sacrifices, on ne peut se permettre le moindre écart dans l'usage des deniers publics.

« Qui imagine un seul instant Yvonne de Gaulle assistante parlementaire ? » : tout est dit dans ce commentaire d'un twitteur sarcastique, paraphrasant une flèche qui visait Nicolas Sarkozy. Internet a de la mémoire et François Filton voit aujourd'hui revenir en boomerang toutes ces fortes sentences qui servirent à ciseler son image : « On ne peut pas diriger la France si l'on n'est pas irréprochable. » Ou bien : « Il y a injustice sociale entre ceux qui travaillent dur pour peu et ceux qui ne travaillent pas et reçoivent de l'argent public. »

Pénélope travaillait-elle ? Beaucoup en doutent. François Fillon affirme que oui et il se fait fort d'en apporter la preuve, documents et témoignages à l'appui. Nous verrons bien. Une enquête est ouverte. Au parquet national financier de vérifier s'il y a matière à poursuivre pour détournement de fonds public. Cela reste à prouver. Mais le cas Penelope ne peut se réduire à son volet juridique. Dans cette affaire, il y a le droit et il y a l'éthique – donc la politique.

Admettons que Penelope Fillon, quoi qu'elle en ait dit elle-même – entre autres, en octobre 2016 au « Bien Public» : « Jusqu'à présent, je ne m'étais jamais impliquée dans la vie politique de mon mari » – ait bien été, des années durant, la zélée collaboratrice de son mari, aussi discrète qu'efficace. Une assistante de l'ombre. Admettons.


Le fait n'en relèverait pas moins d'une pratique indéfendable. Que celle-ci soit banale – on dit que 20% des députés emploieraient leur femme, leur fils, leur fille, leur maitresse... -, et que ces « emplois familiaux » se rencontrent dans tous les partis, cela n'excuse rien : ce sont des circonstances aggravantes. Et cela en dit long sur les moeurs en vigueur dans ce petit paradis fiscal qu'est le Parlement français.

Car l'Assemblée nationale est bonne fille : du crédit affecté à la rémunération de collaborateurs (9 561 euros par mois), calculé en principe pour trois, le député-employeur peut user à son gré. Recruter qui il veut, fixer le salaire et les conditions de travail. Avant 2013, il n'était même pas tenu de donner le nom de ses collaborateurs. Quand les intéressés plaident que c'est « normal »d'embaucher ses proches, ils savent bien que c'est faux.

Qu'il s'agit d'un pur cas de népotisme ou de favoritisme, quand ce n'est pas un moyen détourné de s'octroyer un généreux complément de salaire en mettant le crédit dans sa poche – ou dans celle du conjoint. C'est si peu normal qu'aux Etats-Unis ou au Parlement européen, cette pratique est interdite. C'est si contraire à une éthique civique élémentaire que depuis 1996, pour limiter les abus, on a mis un garde-fou : un député ne peut pas verser à un membre de sa famille plus de la moitié du crédit qui lui est alloué.

Grâce à quoi, en 2002, le salaire de Penelope Filton a pu s'envoler lorsque, son mari devenu ministre, elle s'est retrouvée l'assistante du suppléant de celui-ci. Comme le note cruellement Jean-Christophe Lagarde (UDI) « Qu'un assistant gagne plus que le député pour lequel il travaille, ça ne doit pas être très fréquent... »


De l'inconvénient de moraliser les choses à moitié...

 

Source Nice Matin