Grandes et petites questions sur nos temps difficiles
par Robert Charvin professeur de droit
Image: Discours de Pericles (Athènes, Grèce)
La démocratie « à l’occidentale », c’est quoi ? Le libre bavardage, l’absence d’obligations civiques si ce n’est celle de se débrouiller », des élections exigeant beaucoup d’argent et des sondages à haute dose., l’absence d’obligations civiques si ce n’est celle de se débrouiller », des élections exigeant beaucoup d’argent et des sondages à haute dose.
Reprenons. Ce bavardage permanent sur tous les médias fait croire au pluralisme et n’engage à rien : il est soigneusement contenu dans des limites « convenables » pour le système et les avis contraires se neutralisent sans conséquence.
Le citoyen ne se voit rien demander (sauf ses impôts), ce qui lui faire croire qu’il est « libre » ; en contrepartie, il ne décide de rien et perçoit très peu (au mieux, quelques « minimas sociaux »). Il est surtout sujet, ce à quoi il s’habitue, par apolitisme, pour se consacrer à sa petite vie privée, privée surtout de l’Autre. Car il doit combattre sans scrupule tous les « autres » pour survivre : il est « ubérisé » !
Les « consultations » (le mot est bien ajusté) électorales, qui se succèdent et se ressemblent, institutionnalisent une alternance sans alternative en désignant des représentants très peu représentatifs, libérés de tout engagement vis-à-vis de leurs électeurs. Si les résultats sont inattendus et perturbateurs pour le système, ils sont neutralisés. Une masse de citoyens « amateurs » légitiment des professionnels de la vie politique, assistant la petite équipe d’oligarques ayant la maîtrise des grandes décisions économiques et financières. Malgré une abstention croissante, l’argent et les médias parviennent encore à persuader ces « amateurs » des « bonnes orientations » et des « meilleurs » candidats présélectionnés par les sondages et les financeurs de campagne !
Ainsi, ce que l’on appelle communément en Occident « la démocratie » est un ensemble de faux-semblants laissant la majorité des individus démunie. Jour après jour, on convainc le pseudo-citoyen qu’il n’y a pas d’autre choix : la solution « démocratique » serait la « moins pire ». Il échapperait ainsi au « totalitarisme », phénomène indéfini mais dont on diffuse régulièrement quelques images : les horreurs nazies et le goulag stalinien. En direction des citoyens les plus lucides et les moins formatés, se refusant aux distinctions basiques entre le Bien et le Mal, sont mandatés avec force publicité quelques intellectuels plus ou moins mercenaires chargés de s’indigner contre ce Mal au nom d’un humanisme salutaire !
Tous les arguments sont utilisés pour tuer toute espérance d’un autre monde que celui existant et pour enfermer les dangereux insatisfaits dans le « paradis » du possible que serait « la bien-heureuse démocratie à l’occidentale » !
Tous les jours sont répétées de soi-disant vérités d’évidence.
- L’égalité sociale tue l’esprit de compétition et anesthésie la société. Ceux d’en-haut sont donc les plus méritants.
- Collectiviser la production des richesses, utopie communiste de mauvais aloi, même s’il s’agit d’autogestion ou de coopérative, détruit l’efficacité économique qui a besoin de chefs, c’est-à-dire de managers de haute volée, ainsi que d’actionnaires et de banquiers pour les financer !
- L’information réelle des citoyens sur les réalisations locales ou sur les mesures nationales ou internationales rend la Cité ingouvernable. Il convient donc de ne laisser filtrer que ce qui est indispensable à la crédibilité du bien fondé des décisions déjà prises. Il faut faire admettre les clivages entre les Bons et les Méchants et user de la répétition pour convaincre. A défaut, se crée un climat anarchique et subversif.
- L’enseignement a une finalité utilitariste qui doit être renforcée. Napoléon I, après avoir fait son expérience robespierriste, avait bien raison de retirer des programmes l’Histoire et la Philosophie ! Les employeurs ont besoin « d’employables » et non d’esprits critiques susceptibles de perturber l’ordre naturel des choses ! ».
etc. etc. etc.
Face à ces conceptions qu’imposent le monde des affaires et la médiocratie politique au pouvoir, n’y a-t-il rien de possible et aucun espoir ?
Quelques ébauches de réponses :
L’Histoire a toujours plus d’imagination que ceux qui la vivent : les Résistants des premières années quarante contre les fascismes concevaient-ils l’effondrement brutal dès 1944-1945 de l’empire nazi ? Les Amérindiens de Bolivie discriminés et humiliés depuis des siècles imaginaient-ils le pouvoir d’Evo Moralès ?
Il n’est pas impossible de détruire les illusions à la source de la servilité : le mot « liberté » est un mot creux si l’on ne prend pas conscience de tous les déterminismes et de toutes les limites dont il faut se libérer pour approcher de cette liberté ! Est-ce au-dessus de nos forces ?
On peut comprendre au seul spectacle du monde que les hommes vivent encore en pré-histoire et qu’il n’est nulle part de démocratie, car elle est une création continue, un projet toujours « à-venir », édifié par de vrais citoyens, « centres d’initiatives » toujours responsables mais encore minoritaires !
Dans l’attente d’une réflexion de fonds qui s’impose, il est urgent et plus aisé de répondre à quelques questions d’actualité, liées cependant aux précédentes.
- Peut-on rationnellement penser, comme on nous le répète, que certains États incarnent le Bien (les États-Unis ou la France, par exemple) et d’autres le Mal (la Chine ou la Russie, par exemple), ce qui serait une première dans l’Histoire !
- Sachant que les médias (sous la III° République, sous Vichy, sous de Gaulle, etc.) étaient pour la plupart soumis à toute époque à l’argent et au pouvoir, peut-on douter un instant qu’il en est toujours de même aujourd’hui, afin de nous intoxiquer ?
- Alors que depuis des siècles, aucun régime politique n’a effectivement admis le pouvoir du peuple, peut-on croire qu’aujourd’hui le miracle s’est produit ? Les élections présidentielles aux États-Unis ou en France sont-elles par exemple une confrontation entre des personnalités d’une qualité supérieure qui ont pleine légitimité pour décider de ce qui nous regarde ?
- L’antiterrorisme n’apparaît-il pas comme un formidable dérivatif pour cette pseudo-élite liée aux milieux d’affaires afin d’éviter le débat sur le chômage, les salaires, la relance économique, l’évasion fiscale, etc. sujets sur lesquels ils n’ont rien à dire ni rien à proposer.
Si le lecteur en ligne, privé de sudoku ou de mots fléchés, (ou de télé 20h, Pujadas et autre NDLR) pouvait réagir et prendre les mesures adéquates, cela serait réjouissant !