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 Extrait d'un entretien du journaliste de CNN, Fareed Zakaria avec Vladimir Poutine

 

Source: Saker Francophone 20 juin 2016

 

Monsieur le Président,... laissez-moi aller au Moyen-Orient, où la Russie a procédé à une intervention musclée pour soutenir le régime Assad. Le président Assad dit maintenant que son but est de reprendre chaque mètre carré de son territoire. Croyez-vous que la solution en Syrie, est que le régime Assad reprenne et gouverne chaque mètre carré en Syrie ?

Je pense que le problème de la Syrie, bien sûr, concerne surtout la lutte anti-terroriste, mais il n’y a pas que cela. Il va sans dire que le conflit syrien est enraciné dans des contradictions au sein de la société syrienne, et le président Bachar al-Assad le comprend très bien. La tâche n’est pas seulement d’étendre le contrôle sur différents territoires, même si c’est très important. La tâche est d’assurer la confiance de la société tout entière et la confiance entre les différentes parties de cette société, et d’établir sur cette base un gouvernement moderne et efficace, qui sera approuvé par l’ensemble de la population du pays. Et les négociations politiques sont la seule voie à cet égard. Nous l’avons souligné plus d’une fois. Le président al-Assad a également parlé à ce sujet – il est d’accord avec ce processus.

Qu’est-ce qui doit être fait aujourd’hui ? Il est nécessaire de supporter plus activement le processus de formation de la nouvelle constitution et de mener, sur cette base, les futures élections, à la fois présidentielle et parlementaire. Lorsque le président al-Assad était à Moscou, nous en avons parlé avec lui et il est entièrement d’accord avec cela. En outre, il est extrêmement important de procéder à des élections sous contrôle international strict, avec la participation de l’Organisation des Nations Unies. Hier, nous avons discuté de cette question en détail avec M. de Mistura et le Secrétaire général de l’ONU. Ils sont tous d’accord avec cela, mais nous avons besoin d’action. Nous espérons vivement que nos partenaires, principalement les États-Unis, vont travailler avec leurs alliés qui soutiennent l’opposition et les encourager à une coopération constructive avec les autorités syriennes.

Qu’entendons-nous par là ? En général, quand je demande à mes collègues : «Pourquoi faites-vous ça ?», Ils répondent  : «Pour affirmer les principes de la démocratie. Le régime du président al-Assad n’est pas démocratique et le triomphe de la démocratie doit être assuré.» Très bien. «La démocratie est-elle partout ?» «Non, pas encore, mais la démocratie doit exister en Syrie.» «OK. Et comment fabriquez-vous une société démocratique ? Est-il possible d’y parvenir par la force des armes ou tout simplement par la force ?» «Non, cela ne peut se faire qu’avec l’aide des institutions et des procédures démocratiques.» Et quelles sont-elles ? Il n’y a pas de façon plus démocratique de former un gouvernement que des élections sur la base du droit fondamental : une Constitution formulée de façon claire, qui est transparente et acceptée par la majorité écrasante de la société. Définir la Constitution et organiser des élections sur cette base. Qu’y a-t-il de mauvais à cela, surtout si elles sont faites sous contrôle international ?

Parfois, nous entendons que certains pays de la région ne comprennent pas complètement ce qu’est la démocratie. Est-ce que nous voulons remplacer un régime non démocratique avec un autre non démocratique ? Et si nous voulons vraiment promouvoir le principe de la démocratie, alors nous devons le faire par des moyens démocratiques. Mais compte tenu du fait que ce processus est compliqué et que les résultats ne viendront pas demain ni après-demain, il faudra du temps, alors nous avons besoin de faire quelque chose dès aujourd’hui. Je suis d’accord avec les propositions de nos partenaires, principalement nos partenaires américains, qui suggèrent (je ne sais pas, peut-être que je suis en train de trop en dire, bien que, d’autre part, cette proposition des États-Unis soit connue dans la région, et les négociateurs des deux parties – le gouvernement et l’opposition – sont familiers avec elle et je la considère absolument acceptable), d’envisager la possibilité d’installer des représentants de l’opposition dans les structures de pouvoir existantes, comme par exemple le gouvernement. Il est nécessaire de penser aux pouvoirs que ce gouvernement exercera.

Cependant, il est important de ne pas aller trop loin. Il est nécessaire de procéder à partir des réalités actuelles et de s’abstenir de déclarer des objectifs irréalistes, donc irréalisables. Beaucoup de nos partenaires disent qu’Assad devrait partir. Aujourd’hui, ils disent d’accord, nous allons restructurer les institutions de telle ou telle façon, mais en termes pratiques, cela se traduira également par son départ. Mais cela aussi est irréaliste. Par conséquent, il est nécessaire d’agir avec prudence, étape par étape, de gagner progressivement la confiance de toutes les parties prenant part au conflit.

Si cela se produit, et je pense que cela se produira de toutes façons, et le plus tôt sera le mieux, il sera possible d’aller plus loin et de parler d’élections ultérieures et de règlement final. Le point principal est de prévenir l’effondrement du pays. Mais si les choses continuent d’aller comme aujourd’hui, l’effondrement deviendra inévitable. Et ceci est le pire des cas, parce que nous ne pouvons pas prétendre qu’après l’effondrement du pays, des formations quasi-étatiques puissent coexister dans la paix et l’harmonie. Non, ce sera un facteur de déstabilisation pour la région et le reste du monde.

 

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