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Noël 2016 Entretien avec Monseigneur Rey évêque de Fréjus-Toulon

C'est dans des locaux jouxtent la cathédrale de Toulon, locaux dont le diocèse s'est porté acquéreur pour en faire un espace d'accueil, de rencontre et de dialogue, que Monseigneur Dominique Rey a accepté de nous recevoir pour évoquer l'actualité. "il est très important que l'Église ne se résume pas seulement à des bâtiments mais aussi à des espaces ouverts sur la cité, pour s'ouvrir sur le monde" , dit-il. Et plus encore en ces temps troublés.

Entretien.

Var Matin: La triste actualité internationale nous a ramené aux attentats que nous avons connus dont l'assassinat, l'été dernier, du père Hammel. Comment se relever d'un acte qui touche autant votre foi?



Aujourd'hui, de plus en plus d'actes de fanatisme et de terrorisme sont commis au nom de Dieu. Face à cela, quelles réponses apporter? Il y a bien sûr la réponse sécuritaire... Mais pour nous, croyants, la réponse est d'appeler à la rencontre, pour favoriser la paix. Ces fêtes de Noël s'inscrivent totalement dans ces moments privilégiés: à travers l'arrivée du Christ, comme le disent les écritures, nous accueillons le prince de la paix. Sans cette recherche active de la paix, sans cette culture du dialogue, nous n'aboutirons pas à la résolution de ces conflits et de la violence. La culture de la paix, cela passe aussi par un certain nombre de dispositions économiques, car ces désordres-là font en sorte que les populations marginalisées sont récupérées par des mouvements radicaux. Il y a beaucoup d'enjeux à cela. On en appelle à la paix, au dialogue et à la rencontre.


Le dialogue interreligieux est-il sincère selon vous, ou bien comporte-t-il une part de «politiquement correct»?



On peut instrumentaliser quelquefois le dialogue. Mais je dirai qu'il ne peut y avoir dialogue que s'il y a remise en cause de sa propre position et qu'il y a la recherche commune de la vérité. Il y a des attitudes absolument indispensables pour qu'il y ait un dialogue de vérité et qu'il ne soit pas simplement un effet de manche, une posture intellectuelle ou médiatique mais que cela amène vraiment à une rencontre et à la découverte d'un chemin de paix et de réconciliation. Il y a beaucoup à faire dans cette voie-là. Ce qui s'est passé à Saint-Etienne du Rouvray, ce qui se passe à Bertin, face à ce fanatisme aveugle, nous invite à ce chemin de la rencontre et du dialogue.



Vous vous êtes particulièrement investi auprès des chrétiens d'Orient. Quelles nouvelles pouvez-vous nous en donner?



Nous avons effectivement beaucoup de liens avec la Syrie, j'y suis allé à plusieurs reprises. Nous avons des liens privilégiés avec le diocèse de Homs, et un jumelage a été établi entre l'église de Homs présidée par Monseigneur Arbach et le diocèse de Fréjus-Toulon. Nous essayons qu'il y ait d'abord une connaissance mutuelle, un soutien vis-à-vis de ces communautés marquées et persécutées. Beaucoup de personnes ont dû fuir. Le grand drame du Moyen-Orient, c'est que les populations chrétiennes fuient alors qu'elles faisaient le pont entre tes communautés religieuses. Pour nous, l'aide matérielle que nous pouvons apporter doit permettre le maintien des populations chrétiennes sur leurs Lieux de vie. Elles représentent la continuité historique avec le début du christianisme.



La solidarité autour des chrétiens d'Orient n'est-elle pas noyautée par des mouvements extrémistes?



Beaucoup de personnes se sont activées pour aider les chrétiens d'Orient, peut-être dans ces mouvements y a-t-il des jeunes qui se sont prononcés politiquement, ce peut être le cas dans l'association SOS chrétiens d'Orient. Personnellement, ce que je regarde sur le terrain, lorsque je demande aux personnalités religieuses qui, au milieu des décombres, essaient de survivre, je constate que toutes ces associations sont très actives et ne sont pas sur le terrain pour telle ou telle raison politique. Il faut distinguer l'engagement politique
de la posture humanitaire et la volonté de soutenir les chrétiens d'Orient, éléments qui font partie des statuts des associations qui œuvrent en ce sens.



L'année qui s'achève a été marquée par la demande de pardon de l'église catholique pour son silence face aux abus sexuels. L'Église est-elle pleinement consciente de son erreur sur le sujet?



La posture de l'Église est très claire sur la question, elle a été réaffirmée par la conférence des évêques: toute personne qui a commis de tels actes sur un enfant ne peut plus continuer à exercer son ministère. Maintenant, il y a tout un travail éducatif à faire, au niveau de tous ceux qui rencontrent des jeunes dans les mouvements de jeunesse, dans tes paroisses, pour que ces dispositions se traduisent aussi dans la prévenance, dans la précaution. Former ceux qui sont au contact des jeunes, pour éviter des attitudes, des gestes qui pourraient être ambigus. Ce travail concerne non seulement l'Église mais aussi l'éducation nationale, les milieux sportifs, etc.



L'Église d'aujourd'hui prend ouvertement position sur des sujets d'actualité, des questions sociétales comme le mariage pour tous, la GPA. Est-ce là son rôle?



L'Église a une parole publique, on cherche le bien commun. Etre chrétien n'est pas seulement une question d'ordre personnel, c'est aussi une volonté que notre communauté soit un lieu de fraternité, de dialogue autour de valeurs constitutives de ce bien commun qu'est le respect de la vie, de la famille, le souci du plus petit, des défavorisés. Toutes ces valeurs inhérentes au christianisme impliquent que l'Église fait de la politique au sens noble du terme. Elle ne doit pas se mêler des débats politiciens, ce n'est pas son rôle. Mais on attend d'elle qu'elle rappelle les valeurs éthiques, anthropologiques, des références garantes de l'avenir de notre société.


Le mois de janvier marquera le dixième anniversaire de la disparition de l'abbé Pierre. Quand on voit combien la précarité augmente en France, vous arrive-t-il de penser que les politiques ratent l'essentiel de ce qui fonde notre société?



L'abbé Pierre a consacré toute sa vie à rappeler aux responsables politiques la nécessité de mettre le pauvre au coeur de nos réflexions. Je crois que là, il y a un enjeu fondamental: on est dans une culture de la performance, du succès, de la réussite, de la réalisation de soi... Or, l'exemple de la crèche nous montre que le premier geste de Dieu est de rejoindre la précarité, la pauvreté, dans une famille itinérante... Pour nous, fondamentalement, le pauvre est le visage de Dieu. Il y a la pauvreté matérielle bien sûr, mais c'est aussi la pauvreté morale, la pauvreté sentimentale, psychologique. Notre souci est de rappeler à la société de ne pas oublier le pauvre.


En cette veille de Noël, quel message souhaitez-vous adresser?



À l'articulation d'une année qui s'achève quand une autre va débuter, il y a l'apparition de la vie, d'un petit enfant. Respectons la vie, elle est précieuse et fragile. Et puis l'enfant personnifie l'espérance, ne perdons jamais confiance, Dieu est toujours avec nous, il nous accompagne sur des chemins parfois difficiles, mais nous pouvons compter sur lui. Il est au bout du chemin, il nous précède.

PROPOS RECUEILLIS PAR K. M. kmichel@nicematin.fr

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