Quels objets et quelles innovations vont s'imposer dans notre quotidien ?
Voici les grandes tendances du monde de demain.
La nouvelle a fait le tour de la planète. Mais qui s'en souvient? C'était le 20 mai 2010. Craig Venter, scientifique américain iconoclaste, annonçait une nouvelle incroyable dans la revue de référence Science. Il venait de créer la première cellule synthétique. La Terre abritait dorénavant un organisme vivant d'un genre nouveau, créé par l'homme et non issu de l'évolution des espèces.
A l'instar de Craig Venter, scientifiques et ingénieurs s'appliquent très sérieusement à changer le monde en fabriquant de nouveaux aliments ou des cœurs bioélectroniques, des avions pour visiter l'espace et des maisons sous-marines, des vitres produisant de l'électricité ou des robots domestiques.
On croit voguer en pleine science-fiction, mais ces innovations en devenir n'ont rien d'élucubrations d'hurluberlus échappés de l'asile. Beaucoup d'entre elles vont indéniablement chambouler notre quotidien, améliorer notre santé, étoffer la gamme de nos loisirs et modifier notre façon de travailler.
Une découverte fondamentale, celle du Pr Shinya Yamanaka, qui a reçu le prix Nobel de médecine en 2012, aura, par exemple, des répercussions considérables dans les prochaines années: d'une cellule adulte différenciée - une cellule de peau par exemple -, le Pr Yamanaka a fait une cellule souche, similaire à celles que l'on trouve au stade embryonnaire. Non seulement il n'est plus nécessaire de travailler sur des embryons humains, ce qui posait des problèmes d'éthique, mais sa découverte ouvre la porte à toutes les «reprogrammations» de cellule possibles. D'ici à 2025, espèrent sérieusement certains scientifiques, des cellules, artificielles ou reprogrammées, seront totalement produites pour régénérer le corps humain, remplacer des tissus ou des organes défaillants. Cette révolution biologique silencieuse est en marche.
Il en va de même des nanotechnologies, c'est-à-dire de toutes les technologies qui développent des propriétés spécifiques à l'échelle du nanomètre. Elles vont permettre d'étranges miracles: construire, améliorer ou réparer quasiment tout, d'un vêtement à un immeuble et même au corps humain. Des milliards d'euros sont injectés dans les nanotechnologies développées aujourd'hui aussi bien en biologie, en chimie, en optique qu'en électronique. C'est du sérieux donc. Concrètement, qu'est-ce que cela va changer? L'émergence de nouveaux objets, de nouvelles énergies, de nouveaux modes de production… Demain, nos vêtements ne vont plus nous servir uniquement à être élégant ou à avoir chaud mais ils seront capables d'analyser notre état physique (qualité musculaire, fièvre…) ou de produire de l'électricité avec la chaleur du corps grâce à des nanotubes de carbone.
Et tout cela va très vite. Récompensés en 2010 par un prix Nobel de physique, les inventeurs du graphène, surnommé le «matériau miracle», voient déjà des applications concrètes à leur découverte, comme des écrans souples hyper résistants. Selon le prix Nobel français Albert Fert, le graphène va imposer une révolution dans l'informatique. Allié à la spintronique, il ouvre la voie à des ordinateurs quantiques surpuissants de la taille d'une puce . Cette mutation est déjà en marche, elle aussi. Elle concernera tous les outils nés de la révolution informatique, ordinateurs, smartphones ou tablettes qui ont conquis notre quotidien... En moins d'une génération.
1 - MÉDECINE: la bio-révolution
Fin d'Alzheimer, «biorobot» contre le cancer, sang artificiel… La nouvelle médecine repousse les limites.
Crédits photo : Monty Rakusen/Getty Images/Monty Rakusen/Getty Images
Beaucoup la présentent comme LA révolution fondamentale du XXIe siècle. Pour le Dr Laurent Alexandre, énarque et chirurgien urologue (1), «elle mériterait un sommet mondial au moins autant que le réchauffement climatique», tant ses conséquences vont être profondes. Mais de quoi parle-t-on? D'une double mutation. D'une part, la médecine va se personnaliser radicalement, et d'autre part, la chimie va définitivement laisser place à la biologie, avec le développement de la thérapie cellulaire et de la médecine régénérative.
D'ici à quelques années, nous connaîtrons beaucoup mieux notre génome. Certains tests existent déjà. Ils permettent de détecter les prédispositions à certaines maladies. Mais on ira plus loin. Un dépistage génétique et régulier des cancers se fera par simple prise de sang. Des expérimentations réussies ont déjà eu lieu en laboratoire. Des plates-formes portables vont permettre à chacun d'entre nous de diagnostiquer une quinzaine de pathologies (diabète, pneumonie, déficit en calcium, apnée du sommeil, etc.). Un concours international de la fondation XPrize a été lancé dans ce sens et, déjà, 230 équipes de chercheurs ont postulé pour y participer.
La connaissance des fragilités génétiques des patients va permettre non seulement d'anticiper les risques de maladies, mais aussi d'intervenir pour corriger ou remplacer ce qui ne fonctionne pas ou serait susceptible de ne plus fonctionner dans chacun de nos organismes. Et on ne parle pas ici de médecine fiction: des scientifiques savent déjà fabriquer de la peau à partir de cellules modifiées. Le Pr Wayne Morrison, de Melbourne, a reconstruit un muscle cardiaque avec des cellules souches embryonnaires. Le Pr Douay, à Paris, s'applique à fabriquer du sang artificiel, et une équipe américaine a redonné la vue à une souris aveugle, grâce à une rétine artificielle qu'elle espère tester prochainement sur l'homme. D'autres équipes réalisent des essais cliniques à partir de cellules souches pour traiter des maladies orphelines, des lésions de la moelle épinière ou des pathologies cardio-vasculaires. Les revues scientifiques sérieuses sont pleines d'articles faisant état d'expérimentations réussies de ce type. Mais les difficultés techniques ne sont pas à minimiser: elles peuvent ajouter parfois cinq à dix ans d'attente avant d'espérer une application généralisée.
Pour le Dr Philippe Presles, directeur de l'Institut Moncey, il ne fait pourtant aucun doute qu'un traitement de la maladie d'Alzheimer verra le jour d'ici cinq à dix ans, tout comme la découverte d'un vaccin efficace contre le sida. Dans 90 % des cas, les cancers pourront être mieux traités, notamment grâce à des médicaments «biorobot» qui injecteront un poison dans les tumeurs. «Pour la santé et la lutte contre le vieillissement, les enjeux sont pleins d'espérance», se félicite le futurologue Joël de Rosnay. «Dans un avenir pas si lointain, on peut imaginer prélever sur un individu quelques cellules pluripotentes, c'est-à-dire capables de recréer tous les types de tissu, et les conserver par congélation en prévision de la reconstruction, puis de la réimplantation future d'un organe complet», soutient pour sa part le Pr Bernard Debré (2).
Cette nouvelle médecine aura des conséquences sociales, économiques et politiques bien plus vertigineuses que l'éventualité de repousser ou pas le départ à la retraite de quelques années. Sans parler d'immortalité, la longévité va continuer à s'accroître. Qu'en sera-t-il dans les maisons de retraite et les hôpitaux, sachant que même vieux, nous serons rajeunis en kit? C'est ce qu'il va falloir apprendre à gérer.
(1) La Mort de la Mort. Comment la technomédecine va bouleverser l'humanité, JC Lattès, 425 p., 20 €.
(2) Des savants et des dieux , Cherche Midi, 280 p, 18,50 €.
2 - ALIMENTATION: moins de sucre, plus de saveurs
L'assiette sera pratique, éthique et gourmande.
Crédits photo : WIKICELL
Une glace à la vanille enrobée d'une peau de chocolat et vendue dans une coque en résidu fibreux de canne à sucre. Un gaspacho servi dans une pellicule à base de tomates ou encore un jus d'orange mis en bouteille dans un pochon à l'orange... Le dernier Salon de l'alimentation (Sial) a donné un avant-goût de notre assiette de demain. Temps de crise oblige, elle sera économe et durable. Halte au gaspillage et au suremballage. Rien ne se perd, tout se mange, le contenu et le contenant. Les emballages WikiCell en sont des prototypes prometteurs. Ils sont conçus à partir de particules naturelles de chitosan (un polymère biochimique dérivé notamment de crustacés) ou d'alginate (polymère à base d'algues) et saupoudrés de chocolat, de fruit, de noix... Toutes les combinaisons de parfums sont possibles. L'ensemble, gélifié, crée une sorte de peau qui enveloppe l'aliment, protégé de surcroît par une coque biodégradable et comestible, composée d'algues ou de bagasse. Les WikiCell se lavent à l'eau et se conservent, selon le fabricant, plusieurs jours, voire plusieurs semaines.
Cette nouvelle forme de conditionnement présente deux intérêts: la préservation de la qualité de l'aliment, ainsi qu'une réduction significative des déchets puisque l'étui est comestible, contrairement aux boîtes de conserve et autres cellophanes. Des wiki glaces, wiki fromages ou wiki fruits devraient être commercialisés dès l'hiver prochain. Farfelus pour les uns, révolutionnaires pour les autres, ces emballages signent un renouveau du conditionnement, qu'il soit biodégradable ou simplement dédié à une conservation qualité de longue durée. Il sera aussi de plus en plus pratique et facile à ouvrir pour s'adapter à tous les types de consommateurs, y compris les seniors et les juniors.
Mais la chasse au gaspi prend aussi d'autres formes. Ainsi arrivent des produits «petit appétit», aux portions calibrées dans des paquets adaptés: steaks de 80 grammes ou huiles au format gouttelettes. «Avec la réduction du pouvoir d'achat, analyse Xavier Terlet, président du cabinet XTC, le consommateur n'entend payer que ce qu'il consomme.» Mais économie ne signifie pas moindre qualité. L'assiette de demain sera encore plus sûre et toujours plus saine, avec des produits bruts, sans adjonctions superflues. Après l'ère des aliments aux vertus nutritives ajoutées, vient celle des aliments aux effets nocifs ajustés. Il s'agit là de réduire encore les niveaux de sel, de sucre ou de gras. C'est l'objectif du projet Terifiq coordonné par l'Inra de Dijon, qui entend reformuler les recettes et compositions de viandes, fromages, produits panifiés ou prêts à manger, tout en maintenant leurs qualités nutritionnelles et gustatives. Car gourmets nous sommes, gourmets nous resterons. Et l'avenir appartient aux mets savoureux. Les chercheurs de l'Inra l'ont bien compris. Ils bricolent le génome de nos fruits et légumes pour optimiser les arômes naturels, améliorer les textures ou concocter des goûts nouveaux, tout en limitant le recours aux produits phytosanitaires. Au passé la fraise Camarossa baveuse et insipide ou la tomate long life fade et farineuse. Demain, même les produits standardisés, conçus en quantité, seront plus susceptibles d'offrir différentes saveurs. Ceux qui se plaignent aujourd'hui de tomates insipides choisiront demain entre des variétés acides ou acidulées, fruitées ou sucrées, fermes ou juteuses.
Les industriels jouent, quant à eux, la carte du luxe abordable au quotidien. Ce qui se traduit par l'arrivée de l'huile au homard, du thé au bambou bio ou des noix de cajou aux truffes. Une entreprise du Finistère, Les Algues de Bretagne, développe des perles de saveur à base d'algues, aussi piquantes que craquantes, aux goûts de truffes, de vinaigre balsamique ou de citron...à glisser dans une huître ou à parsemer sur une salade.
Les chercheurs nous promettent donc une assiette plaisante, variée, pratique, même si elle est agrémentée de saveurs reconstituées. Aux antipodes des barres énergétiques aux coléoptères et autres orthoptères, annoncés pour notre avenir nutritif. Il faut dire que cette perspective n'a pas de quoi «emballer» le consommateur occidental de demain.
3 - ROBOTIQUE: «Bonjour, je suis Roméo»
Les robots humanoïdes s'installent peu à peu dans notre quotidien.
Crédits photo : ALDEBARAN
Taille: 1,40 mètre. Poids: 45 kilos... Roméo n'a pas les mensurations d'un top-modèle mais c'est ainsi que la société Aldebaran, déjà à l'origine du petit Nao, imagine le futur robot français d'aide à la personne. Roméo sera programmable et intégrera des applications à la demande comme un vulgaire smartphone. Il dialoguera avec son interlocuteur, lui rappellera son agenda du jour. Il lira des livres ou des journaux en se connectant à internet, appellera vos amis ou l'épicier pour passer commande, racontera Le Petit Chaperon rouge à vos petits-enfants et deviendra l'ordinateur de la maison.
Mais Roméo développera en outre une réelle capacité physique d'action: il pourra porter des charges de quatre à cinq kilos et assister une personne ayant du mal à se lever ou à se déplacer. Dans les cas extrêmes comme une chute, Roméo va même interagir avec son propriétaire. «Houla! Sale coup! Ça va? Est-ce que tu peux te relever?» Si vous répondez oui, il vous aidera à le faire et agira en fonction de la gravité de la situation en alertant la personne adéquate ou un service de secours.
Au Japon, pays à la population particulièrement vieillissante, cette idée que les robots humanoïdes d'assistance à la personne vont changer la vie de milliers de gens, seuls ou dépendants, est une certitude depuis des années. Des prototypes perfectionnés apprennent à marcher, à porter des charges toujours plus lourdes, à monter des escaliers. Ils intègrent également des éléments d'intelligence artificielle qui devraient en faire de vrais compagnons: champions d'échecs, véritables encyclopédies bipèdes, polyglottes et infirmiers... «Ces robots à forme humaine sont un peu l'Everest de la robotique, précise Bruno Bonnell, spécialiste français de la robotique personnelle. C'est une alliance complexe entre de la mécanique de pointe et de l'informatique de haut niveau. Voilà pourquoi cela prend autant de temps pour en faire des produits commercialisables. Mais il ne fait pas de doute que le robot, humanoïde ou non, symbolise une véritable rupture: nous allons de plus en plus déléguer des décisions à des machines intelligentes.»
Ces robots du futur vont ainsi entrer dans le champ de la communication affective. A l'instar de Matilda, le petit robot australo-japonais, ils interpréteront avec toujours plus de précision les expressions d'un visage, par exemple. «Tu n'as pas l'air de bonne humeur ce matin, au lieu de te donner les infos du jour qui sont tristes à rendre neurasthénique un robot-aspirateur, tu veux que je te raconte une histoire drôle?», vous dira alors votre robot de compagnie. Pour cela, il faudra, bien-entendu qu'il ait téléchargé l'application «Sens de l'humour français 2.0».
4 - INTERNET: très chères données
Comment le web transforme l'information en argent véritable.
Enregistrée, analysée, recoupée... Chacune de nos actions en ligne est désormais étudiée afin de nous délivrer de la publicité en rapport avec nos centres d'intérêt. Ainsi, l'annonceur maximise les chances de transformer sa campagne en achats fermes. Des services en apparence gratuits comme la recherche sur le web ou la géolocalisation fondent leur modèle économique sur l'exploitation des fichiers clients. Plus ils sont qualifiés (un cadre à la recherche d'une maison), plus ils se vendent cher. Et le phénomène ne risque pas de diminuer avec la place croissante prise dans nos vies par le mobile, qui livre une quantité effarante de données confidentielles. Pourtant, malgré son caractère anxiogène, le procédé a du bon: demain, même votre téléviseur se pliera à vos préférences et les pubs pour la lessive ne toucheront que les spectateurs concernés.
5 - TÉLÉPHONIE: mobile à tout faire
Porte-monnaie, médecin ou billet d'avion, le téléphone portable se métamorphose.
Les services d'urgence viennent d'appeler. Votre smartphone, connecté à de nombreux capteurs, les a en effet prévenus que votre taux de glycémie avait dépassé la norme. Vous éteignez alors les lumières d'une pression sur l'écran avant de sauter dans un taxi, payé automatiquement par l'appareil. Ce dernier projette ensuite sur un mur du cabinet de votre médecin le compte rendu complet de votre état de santé,…
Rarement un objet a aussi bien porté son nom que le «mobile». En mouvement perpétuel, le téléphone portable s'est transformé en un véritable ordinateur, connecté sans relâche aux réseaux mondiaux. Après le surf sur le web ou le chat sur les réseaux sociaux, il se substitue désormais au billet d'avion et assure, grâce à une puce NFC, le paiement des transports, du stationnement automobile et incessamment des achats en magasin. Dans un avenir proche, la réalité augmentée lui permettra d'afficher en temps réel sur son écran les promos disponibles dans les boutiques alentour en faisant les courses. Une alerte pourrait même se déclencher lorsqu'un produit recherché se trouve à quelques mètres!
Le nouveau système d'exploitation des BlackBerry a d'ailleurs été conçu pour automatiser toutes les fonctions de la vie quotidienne, comme de fermer la porte et de baisser le chauffage en quittant la maison, d'afficher les news sur l'ordinateur en arrivant au bureau et, pourquoi pas, de lancer la machine à café. Tout cela, sans intervention humaine. Enfin, grâce aux connexions 4G (déployées actuellement par Orange et SFR), les vitesses de chargement seront réduites à néant, ouvrant la voie à l'ère du cloud mobile (toutes les données sont stockées sur des serveurs sécurisés). Etonnamment, ces services sont presque tous disponibles aujourd'hui. Reste à les faire converger pour que demain, notre vie entière tienne dans un mobile.
6 - AUTOMOBILE: sur la route, l'auto devient autonome
Y aura-t-il encore un pilote dans l'automobile en 2020? Oui, mais sa technologie lui permettra de moins le solliciter.
Crédits photo : VOLVO
Scène de la vie ordinaire d'un automobiliste en 2020. A l'heure de se rendre à son travail, l'homme se dirige vers la porte de son parking. Tel Zorro sifflant son cheval, il utilise son smartphone pour donner l'ordre à sa voiture de le rejoindre. Dès qu'elle perçoit le signal, l'auto se met en route, allume ses feux, quitte son emplacement et gravit seule la rampe de sortie. Grâce à sa très urbaine technologie hybride, elle roule en mode électrique. Il ne faudrait pas réveiller les voisins.
Sur la route du bureau, l'électronique embarquée continue d'assister le conducteur comme le ferait un véritable copilote. Bardée de capteurs de type laser, infrarouge et ultrasons, la voiture douée d'une intelligence artificielle est à l'affût du moindre danger. Elle prend en compte la signalisation, surveille l'attitude des piétons, des cyclistes, et contrôle le comportement des autres véhicules. En cas d'urgence, sans réaction de son conducteur, elle peut déclencher seule un évitement ou un freinage.
Le conducteur déstressé se dit qu'il en profiterait bien pour regarder ses mails mais, prudent, il préfère attendre d'être arrivé… sur l'autoroute! Là, il intègre un convoi routier. Après avoir rejoint la file de véhicules suivant de près le «camion-pilote», il peut lâcher les commandes pour jeter un coup d'œil à son quotidien préféré. Direction, accélération, freinage, tout est pris en charge par le véhicule de tête qui dialogue, via Wi-Fi, avec les suivants. Le trajet en convoi permet aussi d'économiser le carburant grâce à l'effet d'aspiration. On n'arrête pas le progrès…
Ce scénario d'une journée d'un automobiliste en 2020 semble tenir de la science-fiction et pourtant nous sommes tout proches de le voir se concrétiser. Le train routier, avec un bus ou un camion à sa tête suivi par trois voitures, est un projet lancé par l'Union européenne. Baptisé Sartre, pour SAfe Road Trains for the Environnement, il est entré dans une phase expérimentale avancée, dans laquelle Volvo est largement impliqué. Un test dans la circulation a été réalisé en mai 2012 en Espagne. Le convoi a roulé sans encombre sur une autoroute ouverte au public durant près de 200 km à une vitesse de 85 km/h.
Une chose est sûre, la voiture va devenir de plus en plus communicante. C'est l'objectif du consortium européen Car2Car dans lequel sont impliqués une dizaine de constructeurs automobiles dont PSA et Renault. Le principe est de connecter les véhicules entre eux grâce à des ondes radio, afin qu'elles puissent estimer en temps réel leurs vitesses et leurs positions respectives. Cela permettra, par exemple, d'alerter un conducteur quand un autre véhicule ne ralentit pas suffisamment à l‘approche d'un stop ou d'un feu rouge. Une expérimentation avec 120 véhicules est en cours à Francfort.
«Après avoir mis la voiture en réseau avec elle-même, nous travaillons désormais à la connecter avec son environnement», explique Heinz Hollerweger, directeur du développement global véhicules chez Audi. Reste à définir l'importance du rôle que doit tenir la machine au côté du conducteur. «Toutes les assistances sont là pour résoudre des erreurs humaines, pas pour mettre le conducteur sous tutelle», ajoute-t-il. Peut-être, mais l'étude d'une voiture totalement autonome a déjà débuté chez Volkswagen, Toyota et... Google.
7 - IMPRIMANTES 3D: «Nous allons produire nos objets sur mesure»
INTERVIEW - Pionnier de la fabrication digitale, Neil Gershenfeld, 53 ans, explique comment des imprimantes vont révolutionner l'industrie.
Le Figaro Magazine - Professeur Gershenfeld, vous enseignez au Massachusetts Institute of Technology (MIT) où vous dirigez le Center for Bits and Atoms. En quoi consiste la fabrication digitale? Ce sont les imprimantes en 3D?
Neil Gershenfeld - Non, les imprimantes 3D ne sont que l'un des outils de la fabrication digitale. Celle-ci consiste à transformer des données en choses et des choses en données. Elle nous permettra de produire des objets tangibles à la demande, n'importe où et n'importe quand. Depuis les années 1950, des machines sont reliées à des ordinateurs qui leur donnent des ordres. Aujourd'hui, l'heure des imprimantes 3D a sonné: il ne s'agit plus de découper de la matière mais de produire un objet réel à partir d'un fichier informatique en le sectionnant en tranches puis en déposant ou en solidifiant de la matière (du plastique, de la cire, du métal...) couche par couche pour obtenir la pièce terminée. La fabrication digitale ira beaucoup plus loin. Pour faire simple, le but ultime est de rendre digitale la matière, de la coder, bref de la rendre intelligente. A la différence des imprimantes 3D, les «fabricateurs digitaux» créeront des systèmes fonctionnels complets en un unique procédé.
Vous nous décrivez le «réplicateur» de Star Trek...
Oui, c'est l'idée. Sauf que ce n'est plus de la science-fiction. La fabrication digitale suit la même trajectoire que l'informatique personnelle. Dans les années 1950, seules quelques institutions d'élite pouvaient s'offrir les premiers ordinateurs centraux. Dix ans plus tard, apparaissent les mini-ordinateurs. Leurs utilisateurs développent les applications que nous utilisons aujourd'hui: e-mails, traitements de texte, écouter de la musique ou jouer à des jeux vidéo... Puis les premiers ordinateurs amateurs, souvent vendus en kit à des prix modérés, entrent sur le marché dans les années 1970. Pour les pionniers de l'informatique, c'est une révolution parce qu'ils peuvent enfin bidouiller leur propre machine à domicile. Enfin, en 1981, l'informatique s'est définitivement démocratisée avec le premier PC IBM...
A quel stade de développement se trouve la fabrication digitale?
A mi-chemin. Je dirais que nous sommes au stade des informaticiens amateurs des années 1970, c'est-à-dire que nous sommes sur le point de basculer: les outils et les machines existent, leurs fonctions et leurs interconnections se développent, les applications progressent mais elles ne sont pas encore toutes réunies en un objet unique. Aujourd'hui, un fabricateur digital intégré personnel, l'équivalent d'un PC, n'existe pas encore.
En est-on loin?
Nous devrions y parvenir d'ici à vingt ans. La recherche progresse rapidement. Les imprimantes 3D se disséminent partout dans le monde. Il y a aussi les fab labs: des ateliers de machines-outils pilotées par ordinateur réunissant des informaticiens, des artistes et des designers. Nous avons lancé le premier au MIT à la fin des années 1990. On en compte aujourd'hui 150, réunis en un réseau mondial. Entre eux, les fab labs échangent des données et, à la demande, ils produisent les objets dont ils ont échangé les fichiers. Les fab labs fonctionnent comme des coopératives. Ce sont des plates-formes de bricolage high-tech qui démocratisent l'accès aux moyens modernes de production.
Quel intérêt d'«imprimer» soi-même des objets?
Aujourd'hui, la «killer app» c'est la personnalisation, la possibilité de produire des objets pour un marché d'une personne sans payer le prix prohibitif d'un prototype industriel. Grâce aux imprimantes 3D, vous avez la possibilité d'acquérir des objets sur mesure et plus créatifs que ceux qu'on trouve dans le commerce. Personnaliser un objet ne coûte rien: il suffit de changer le code d'instruction. Imprimer un modèle complexe ne coûte pas plus cher qu'imprimer un modèle simple. C'est le consommateur qui a désormais le dernier mot.
Une révolution pour le commerce international se profile-t-elle?
Absolument, mais seulement pour des produits «customisés», à forte valeur ajoutée. Un designer n'a plus besoin que d'un ordinateur pour vendre ses produits. Il peut directement aller sur le marché avec son fichier de données. Fini les problèmes de fabrication, d'expédition ou de distribution... Il lui suffit de mettre en ligne sur une plate-forme les données de ses produits, et ceux qui en feront l'acquisition les réaliseront physiquement chez «eux», même à l'autre bout de la planète, cela ne change plus rien du tout.
8 - TRANSPORT: prochain arrêt, l'espace
Demain, nous pourrons voir la Terre 100 km en dessous de nos pieds et rejoindre Tokyo en 2 heures... A condition d'en avoir les moyens.
Crédits photo : Marie-Sophie Leturcq/ASTRIUM
Par les hublots posés sur le toit du jet, les quatre passagers admirent le ciel. L'avion spatial de la société française Astrium a atteint l'altitude de douze kilomètres en une demi-heure. Confortablement installés dans les sièges-coques fixés à un système pendulaire et imaginés par le concepteur australien Marc Newson, ces voyageurs d'un nouveau genre vérifient une dernière fois leur casque. Dans quelques secondes, les deux moteurs à réaction du jet de 20 tonnes vont s'effacer devant le puissant moteur-fusée inspiré de la technologie Vulcain, le moteur d'Ariane 5. Subitement, l'avion se cabre. Commencent 90 secondes d'ascension verticale à 3000 km/h. La poussée est vertigineuse mais parfaitement supportable pour une personne en bonne santé. Les passagers prennent alors conscience du caractère exceptionnel du voyage qu'ils viennent d'entreprendre.
A soixante kilomètres à la verticale de la Terre, le moteur-fusée s'arrête. Le Jet Astrium glisse alors jusqu'à cent kilomètres d'altitude en profitant de sa poussée. Les passagers respirent, se détachent, testent leur aptitude à se déplacer en apesanteur, comme à l'entraînement. A travers la quinzaine de hublots qui percent le fuselage de l'avion spatial, le spectacle est sublime: la planète bleue glisse lentement pour leur dévoiler toute la diversité de ses océans et de ses continents. Un spectacle d'une poignée de minutes qui les marquera pour le reste de leur vie. Moyennant 200 000 euros pour chacun d'entre eux, tout de même.
L'avion de l'espace d'Astrium, filiale d'EADS, n'est pas le seul avion spatial en chantier aujourd'hui. Le Skylon, initiative britannique mais aussi le très médiatisé SpaceShip du milliardaire Richard Branson, fondateur de Virgin Galactic, sont également bien avancés, avec des technologies sensiblement différentes. Ces projets, petits-enfants de la navette spatiale américaine, préfigurent deux évolutions majeures qui vont s'imposer dans les prochaines décennies. D'abord l'émergence d'un tourisme spatial, dont les premiers vols grand public sont attendus très prochainement (fin 2013-2014). Ensuite, dans une dizaine d'années minimum, la création de lignes commerciales ultrarapides entre quelques grandes cités de la planète, grâce à des vols suborbitaux filant à plus de 4 000 km/h. Ils mettront New York à une heure de Paris, Tokyo à deux heures... Dans ces «super Concorde», le prix des places sera aussi dans l'esprit du style de transport: astronomique! -
9 - TOURISME: chambre avec vue sous la mer
Les projets d'hôtels sous-marins fleurissent à travers la planète. Pour leurs concepteurs, la destination touristique de l'avenir se trouve sous les océans.
Des raies mantas qui passent au plafond d'un restaurant, une table de massage installée dans une bulle de verre au milieu des coraux et des poissons-perroquets. Aux Maldives, dans les hôtels Conrad Rangali et Huvafen Fushi, ce rêve est déjà une réalité. Et demain? Bienvenue à Water Discus, le plus grand complexe hôtelier sous-marin au monde! Il se trouve à Dubaï, évidemment. Cet hôtel de 10 000 mètres carrés plonge à une dizaine de mètres sous la surface de l'eau. Il est actionné par une sorte de vérin géant qui permet de remonter l'ensemble de la structure à l'air libre. Sous l'eau, vingt et une chambres ultraluxueuses, tout en baies, offrant à la clientèle une vue unique sur le récif de coraux et la vie subaquatique… A quelques mètres au-dessus des flots, un héliport, un restaurant, un spa…
Sur le site internet de Deep Ocean Technology, le cabinet d'architecture polonais qui développe cet étonnant projet, les images de synthèse font plus penser à une fiction postmoderne à la «Star Trek» qu'à un projet réalisable. Tout cela est pourtant très sérieux: l'hôtel devrait voir le jour d'ici à trois ans, affirme le concepteur du projet «et ce n'est qu'une étape…», prévient-il.
Pour les architectes nourris au capitaine Némo et au commandant Cousteau, l'avancée des connaissances technologiques permet désormais d'envisager le développement de résidence sous-marines. D'autant que la demande est bien réelle. «Dans ce monde où tout le monde a tout vu, passer une nuit sous la mer, ça intéresse», euphémise Franck Darnet. Le cabinet de cet architecte nantais, en partenariat avec US Submarines, une société américaine qui fabrique des sous-marins de poche à l'usage des millionnaires, a conçu une maison sous-marine. H2ome, c'est son nom, est une unité de 340 mètres carrés. Posée sur le fond, elle est reliée par un «cordon ombilical» à la surface où se trouvent ponton, local technique, réseau d'alimentation.
Le dernier monde inexploré
Facture: 9 millions d'euros. «Il est certain, poursuit Franck Darnet, que ce type d'habitat n'est pas fait pour vivre à l'année, plutôt pour expérimenter une ou deux nuits sous la mer.» Destinée au tourisme, donc.
Crise économique mondiale oblige, beaucoup de projets ont pris du retard ou ont été abandonnés. Mais à en croire l'architecte Jacques Rougerie, ce n'est qu'une question de temps. «L'océan est la destination touristique du futur, comme la montagne le fut il y a soixante ans. Les océans sont la dernière partie inexplorée de notre planète: tout reste à faire sous la mer», explique-t-il. Connu pour avoir réalisé Nausicaa à Boulogne-sur-Mer ou Océanopolis à Brest, il travaille actuellement à SeaOrbiter. Un vaisseau vertical de 51 mètres de hauteur, dont 31 immergés. Dérivant au gré des courants marins, il servira de modèle à des résidences touristiques itinérantes, affirme Jacques Rougerie, avant de confier qu'il travaille pour des investisseurs chinois sur un projet d'hôtel dérivant…
10 - ÉNERGIE: le solaire brille toujours
En copiant la photosynthèse, des nouvelles cellules solaires vont produire de l'électricité sans ensoleillement direct.
Crédits photo : Marcelo Del Pozo / Reuters/REUTERS
Quand il réfléchit en se frottant le crâne, il a l'allure d'un adolescent. En janvier dernier, devant un parterre de 200 chercheurs réunis au sommet mondial des jeunes scientifiques de Singapour, Michael Grätzel était pourtant parfaitement crédible. Directeur du laboratoire de photonique à l'Ecole polytechnique de Lausanne, ce spécialiste de l'énergie solaire a reçu il y a deux ans le Millenium Technology Prize, un prix prestigieux remis à des inventeurs qui reçoivent au passage 800.000 euros pour poursuivre leurs travaux. Michael Grätzel a été récompensé pour une cellule solaire qui a l'avantage de produire de l'énergie grâce à un colorant naturel, en s'inspirant des propriétés de la photosynthèse. Elle coûte deux fois moins cher qu'une cellule photovoltaïque au silicium classique, s'intègre à des supports souples, peut être colorée et produit de l'énergie même sans ensoleillement direct. Autant dire que cette innovation donne un sérieux coup de vieux aux panneaux photovoltaïques compliqués à fabriquer, à installer, à recycler…
Mais Michael Grätzel n'est pas un doux rêveur. «La tâche la plus dure, c'est de développer des méthodes de production rentables», reconnaît le chercheur. Il a fallu douze ans pour faire de la «cellule Grätzel» un produit commercialisable! Mais face à des solutions de moyen terme comme le gaz de schiste ou celui de la houille, le fameux grisou, qu'on redécouvre grâce à une évolution notable des moyens d'exploration et d'exploitation, l'énergie solaire, intarissable, reste une grande espérance des scientifiques.
A l'image de la cellule Grätzel, toute une génération de cellules photo-organiques est en train de naître. Récemment, une équipe de l'université de Californie a proposé des cellules biomimétiques (s'inspirant de phénomènes naturels) totalement transparentes. Leur taux de conversion de la lumière en électricité est encore faible, mais l'argument des chercheurs se tient: posées sur des vitres de maisons, de voitures et de trains, d'ordinateurs ou de téléphones portables, ces cellules vont répondre à nos usages quotidiens. Elles absorberont d'abord 10 % de notre consommation courante puis de plus en plus au fur et mesure de leur perfectionnement. Cette révolution discrète devrait nous emmener, dans trente ans et si on s'en donne les moyens, à une couverture quasi globale de nos besoins domestiques en électricité. C'est en tout cas ce que concluait Michael Grätzel, à Singapour, en janvier dernier, avant d'être applaudi longuement par les jeunes chercheurs qui l'écoutaient… Manifestement convaincus.
Source: lefigaro.fr