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"L'Émission politique" de France 2 glisse vers le happening démago

blm-pujadas.jpgTout ça pour qu’on s’ennuie à en périr devant le poste… Pour le télespectateur, "L’Émission politique" tourne à une espèce de "Koh-Lanta" dans lequel l’invité est amené à subir des épreuves successives dont il doit sortir victorieux. C’est la recette. Que voulez-vous, le politique ennuie, il faut le rendre un peu sexy et mettre la star du soir intellectuellement à poil en l’exposant à des contradicteurs très cash.

Face à Juppé, la petite entreprise Pujadas & Co n’avait rien trouvé de mieux que Ménard. Robert Ménard. Un maire champion de la provoc’ xénophobe hystérique opposé à un autre maire, archétype de la mesure raisonnée, c’est de la bombe coco. Pour élever le débat sur l’immigration, le casting idéal... De quoi faire faire savonner le favori dans la mélasse populiste et voir si on peut le piéger en flagrant délit de surenchère sarkozienne. On a cru à une mauvaise idée de producteur. La fatigue, l’excitation…

On a eu un peu de spectacle

Pour la soirée suivante, que trouver pour égayer un peu la prestation d’un Bruno Le Maire peu taillé, malgré tous les efforts qu’il déploie, pour le stand up en prime time ? Il fallait du lourd. On a donc réquisitionné Ludovine de la Rochère, thénardière de la Manif’ pour tous, pour mettre à l’épreuve les limites conservatrices du prétendant, une syndicaliste musclée pour le secouer un peu sur ses solutions libérales, et Alexandre Jardin, promoteur de l’ultra-participatif révolutionnaire, pour ringardiser son poussif "le renouveau c’est Bruno".

Et on a eu un peu de spectacle. Jardin a balancé à la figure (ou presque) de l’ancien ministre de l’Agriculture une brique de lait – présentée, en substance, comme le produit de survie inventé par des producteurs lassés de l’inaction de l’État. Avant de lui asséner que sa brique de mille et une pages était poussiéreuse avant même d’être un programme. Les élites, c’est fini, et c’est même toxique, lui a expliqué Jardin.

À ce stade, on a presque eu de la compassion pour le pauvre Bruno, condamné à ramer comme il pouvait pour échapper à la furie du démagogue furieux. Le pauvre – qui cette fois avait mis une cravate bleu-neutre – s’est également vu reprocher de se la jouer "d’jeun’s" par Léa Salamé et s’est fait remettre à sa place par la syndicaliste pour avoir osé l’appeler par son prénom, histoire de faire convivial. Dans le registre familier, elle ne s’est pas gênée pour dire aimablement au prévenu qu’il ne faisait que du "pipi de chat".

Une émission qui est déjà usée

Bref, le politique a été rhabillé pour l’hiver. Et ça ne fait pas les affaires de Le Maire qui enchaîne les mauvaises prestations télévisées dans lesquelles son opération coup de balai contre ses aînés-qui-ne-veulent-pas-dégager-le-terrain tourne au disque rayé.

Une musique lancinante qui n’est pas vraiment raccord avec l’image grisonnante d’une personnalité qui était déjà dans le circuit il y a plus de dix ans, comme directeur de cabinet du Premier ministre Dominique de Villepin avant de devenir ministre très lisse et très docile de Nicolas Sarkozy. Bonjour le rebelle "en peau de lapin" pour reprendre un qualificatif souvent employé par son premier mentor, Jacques Chirac.

"L’Émission politique", elle, semble déjà usée. Pourquoi multiplier les contradicteurs "limites" quand il suffirait que les questionneurs fassent leur travail de rentre-dedans poliment mais efficacement en bétonnant les dossiers ? Le fact-checking est trop souvent trop tardif, servant de cache-misère à un manque de réactivité en direct pour ridiculiser les énormités électoralistes débitées pour faire du chiffre.

Ok, c’est plus facile à dire qu’à faire. Mais on pourrait au moins essayer de revisiter les grands classiques sur des formats plus courts, plus nerveux, et au final plus mordants qu’une messe interminable déclinant une liturgie qui n’intéressera bientôt plus que les fidèles ou les convaincus.

 

Source: l'obs