JustPaste.it

 

A propos du quasi chaos (économique) d'aujourd'hui juin 2016

 

28Il3C6

Je viens de lire ce matin deux articles qui éclairent merveilleusement la situation de quasi chaos économique, plolitique et social dans laquelle nous sommes aujourd'hui 20 juin 2016 au milieu de la décennie 2010. La crise commencée en 2007 avec les subprimes, son extension en Europe, l'austérité imposée dans les pays déficitaires de la zone euro, le CICE pour rétablir la compétitivité des entreprises et le rapport Louis Gallois, la loi El Khomri, la fronde chez les socialistes, l'opposition frontale de la CGT.... et jusque chez nous localement avec "demain pays de Fayence" et la demande d'une monnaie locale pour tenter d'échapper à tout cela et retrouver le paradis (local) perdu. Il s'agit de deux articles de Jean-Claude Werrebrouck.

Helicopter Money: Atterrissage prévu en zone réglementée
Les attendus économiques et politiques du Brexit

J'extrais ici de blogs.mediapart.fr la présentation du premier article par Jean-Paul Baquiast.

Jean Claude Werrebrouck | Le Club de Mediapart
19 juin 2016 | Par Jean-Paul Baquiast

Jean Claude Werrebrouck est économiste, ancien professeur à l'Université de Lille 2. D'abord spécialisé sur les questions de développement et d'économie pétrolière, il s'est distingué sur le problème de la nature de la rente pétrolière. Devenu directeur d'IUT il fut intégré à l'équipe fondatrice des Instituts universitaires profesionnalisés (IUP). C'est dans ce cadre, en tant qu'acteur mais aussi observateur, qu'il s'est investi dans une réflexion originale sur le fonctionnement de l'Etat. Depuis quelques années, il utilise sa méthodologie de fonctionnement des Etats à la compréhension de la présente crise. Il y a consacré plus de 50 articles dans son blog : lacrisedesannees2010.com .

Ce petit article ne prétend pas résumer les travaux de Jean Claude Werrebrouck, qu'il faut consulter directement. Leur portée dépasse très largement le présent texte. Nous nous bornons à présenter ici l'interprétation que nous faisons de certains de ses propos. Ils confirment amplement nous semble-t-il les points de vue que nous présentons sur ce site.

L'économiste Jean Claude Werrebrouck a entrepris de rappeler les « fondamentaux » politico-économiques permettant de comprendre pourquoi les Etats européens, en principe les mieux armés de toute la planète pour faire face aux difficultés économiques, s'enfoncent actuellement sans résistance dans la crise.

Le point de départ de sa réflexion repose sur une question souvent posée: comment durant les deux dernières guerres mondiales, ces mêmes Etats européens ont pu financer des investissements et des dépenses gigantesques sans se heurter au « mur de la dette ». Certes ces Etats ont ce faisant généré des tensions inflationnistes entre l'offre et la demande, dans le même temps qu'ils s'endettaient, mais ces réactions ne les ont jamais empêché d'obtenir la production massive des biens et services qu'exigeait la guerre. Vainqueurs et vaincus, par la suite, ont pu dans les premières années d'après guerre se reconstruire sans difficultés majeures. Pourquoi aujourd'hui ne peuvent-ils faire appel aux mêmes recettes pour créer les richesses leur évitant de sombrer dans la désindustrialisation et le chômage?

Selon son expression, les déficits publics relatifs aux deux guerres mondiales « n'étaient pas des problèmes mais des solutions face aux exigences engendrées par le caractère total de ces deux conflits ». Ces solutions mettent en évidence « l'aspect aisément dépassable de la loi d'airain de la monnaie », selon laquelle pour dépenser et investir il faut au préalable disposer des réserves monétaires correspondants. On parlera aussi du mur de la dette, auquel se heurte celui qui veut produire sans épargne préalable. Il devrait lui aussi être aisément dépassable. « La production des moyens de production de la guerre, rappelle-t-il, ne suppose aucune ressource financière préalable : elle se contente d' une sur-mobilisation de moyens techniques et humains ».


Pour Jean Claude Werrebrouck, l'effondrement financier actuel, aux dimensions planétaires, « n'est que la conséquence de la guerre de la mondialisation déclarée depuis une trentaine d'années. Elle débouche sur une concurrence entre Etats chargés d'assurer la bonne insertion de leurs appareils productif dans un espace mondial. La concurrence jusqu'ici très organisée et limitée ne connait plus de barrières. Le basculement vers la mondialisation ne permet plus de garantir un équilibre entre offre globale et demande globale nationale. Chaque marché devenant mondial, les coûts de production cessent d'avoir pour contrepartie, des débouchés pour un même montant : ils ne sont plus que des dépenses à comprimer drastiquement. Parce qu'elle développe une surproduction mondiale au regard de normes de consommation à réduire radicalement, la violence de la concurrence, donc la dureté de la guerre économique dans un monde voulu dorénavant sans frontières, ne fait que se développer ».

L'expansion de la finance a pu pendant quelques décennies donner l'illusion que les Etats et plus généralement les sociétés pouvaient sans difficultés trouver le moyen de dépenser, c'est-à-dire faire travailler les agents économiques en vue de la consommation, sans disposer des épargnes préalables nécessaires. Il suffisait de faire appel au crédit, c'est-à-dire à l'espérance d'un gain futur permettant de rembourser avec bénéfices la dépense actuelle. La découverte n'était pas nouvelle. Dès les origines de la monnaie, les banques qui collectaient et redistribuaient les épargnes sous une forme fiduciaire immatérielle, se sont imposées comme intermédiaires indispensables entre les souverains et les producteurs de biens et services de l'économie réelle. Mais c'est l'actuelle mondialisation, y compris par la mise en place de réseaux financiers générant sans risques de la « monnaie de banque », qui a permis, non seulement aux banques mais aux entreprises vivant des activités de prêts la prise en mains et le partage d'un pouvoir économique qui échappait aux Etats enfermés dans leurs contraintes territoriales.

Les grands Etats, Etats-Unis d'Amérique en premier lieu, ont pu malgré la concurrence imposée par la mondialisation conserver pendant un temps la capacité de vivre à crédit, autrement dit de continuer à consommer sans investir. « Les déficits extérieurs peuvent être financés par création monétaire et ce d'autant plus facilement qu'existe une monnaie de réserve (dollar) permettant un "déficit sans pleurs". On peut même multiplier les monnaies de réserves, en inventant des monnaies uniques, libérant chaque Etat du souci du solde extérieur (Euro) ». Mais ceci n'a eu qu'un temps. Le retour aux réalités, c'est-à-dire la confrontation directe avec des sociétés autoritaires qui réussissent à faire travailler leurs citoyens sans appel au crédit ne peut plus être évité. Pour cela, ces sociétés autoritaires, dont la Chine est encore un exemple, réussissent à persuader les agents économiques, individus et entreprises, qu'ils doivent accepter de laisser le pouvoir régalien conserver pour la collectivité, administrations, services publics, forces armées, l'essentiel des biens produits.

Un alliance entre oligarchies étatiques et financières

En fait les grands Etats occidentaux, se disant démocratiques, s'efforcent de conjuguer au service du maintien de leur puissance concurrentielle leurs pouvoirs régaliens sur leurs citoyens et les pouvoirs des entreprises financières mondialisées qui entretiennent encore avec eux quelques liens d'appartenance. C'est le cas des Etats-Unis mais aussi sur une échelle bien moindre celui des Etats européens ayant conservé un minimum de compétitivité économique. On y observe une certaine alliance entre le capital financier et ce qui reste de capital industriel. L'objectif en est simple, continuer à faire admettre aux producteurs des « vraies richesses » de l'économie réelle qu'ils doivent se contenter d'une rémunération limitée au maximum, afin que les entreprises financières puissent récupérer à des fins spéculatives les richesses non consommées.

Celles-ci ne servent donc pas à des investissements « réels » permettant de relancer une croissance sur des bases saines, mais à des opérations spéculatives dont le capital financier conservera seul le bénéfice. On conçoit que face à des Etats autoritaires tels la Chine qui chercheront, comme du moins ils semblent le faire actuellement, à investir dans l'économie réelle (grands programmes de recherche/développement notamment), une Europe qui laisse péricliter ses services publics et qui laisse le champ libre à des internationales financières encourageant des activités de consommation/gaspillage de plus en plus maffieuses, la compétition est devenue inégale.

Sortir du Système

Si les sociétés occidentales ne réussissaient pas à sortir du Système d'auto-destruction ainsi décrit, renforçant sans limites les oligarchies improductives et les inégalités en découlant, elles s'effondreraient. Jean-Claude Werrebrouck évoque évidemment cette perspective. Il semble penser que dans la mesure où des réorientations raisonnables ne seraient pas envisageables, du fait de l'entêtement suicidaire des privilégiés actuels, se produiront des révoltes populaires entraînant des changements profonds de régime politique, dont comme le meilleur le pire pourrait évidemment résulter.

Pour lui, et concernant plus particulièrement l'Europe, la sortie du Système serait simple à concevoir. Il suffirait que l'Europe se décide à devenir, dans un grand mouvement de renouveau populaire, ce que les pouvoirs financiers dominants, aux Etats-Unis comme en Europe même, lui refusent encore d'être, soit un véritable Etat régalien de type fédéral. Celui-ci serait organisé, selon un modèle rêvé en son temps par le Conseil National de la Résistance français, autour d'un pouvoir associant sur un plan d'égalité les représentants des producteurs de l'économie réelle (entreprises et salariés) et ceux d'un certain nombre d'institutions et services publics (y compris la monnaie et la banque européennes) incarnant de façon démocratique l'intérêt général.

L'objet n'en serait pas de développer les consommations de façon irraisonnée mais d'encourager les investissements contribuant à créer de nouvelles ressources de croissance dans des écosystèmes de plus en plus soumis à la prédation de populations n'ayant pas encore réussi à contrôler leur expansion démographique. Ce serait, face à ces populations ayant pour le moment l'avantage compétitif du grand nombre et de niveaux de vie de simple subsistance, un moyen pour l'Europe et ses valeurs de ne pas disparaître.

On pourrait alors espérer que les citoyens européens, unis dans un ensemble géopolitique s'efforçant d'être aussi égalitaire et enrichissant que possible, accepteraient de consacrer les valeurs ajoutées de leurs activités productives non à leur simple consommation égoïste, mais à la construction d'une Europe exemplaire dont les investissements de long terme serviraient à la planète toute entière.

Précisions

Pour préciser le sens à donner à la renaissance européenne souhaitée dans cet article, il faudra s'entendre sur le contenu d'un certain nombre d'objectifs communs:

Investissements. Ce seront des économies faits sur les dépenses courantes de consommation (et a fortiori de gaspillage) au profit de dépenses susceptibles de produire à terme de nouveaux biens et services, créateurs d'emplois. Mais pour éviter que ces investissements ne génèrent de nouveaux gaspillages, il faudra d'emblée préciser le type de croissance que l'on recherchera.

Croissance. Il s'agira d'une croissance portant sur tous les éléments porteurs de « développement durable », actuellement sacrifiés par le consumérisme-mercantiliste: protection des « biens communs » (eau, air, sols), créations intellectuelles et culturelles, recherches scientifiques fondamentales et appliquées. Au plan industriel, il faudra encourager les produits et pratiques génératrices d'économies en matière d'énergie et de ressources rares. On ne devra pas hésiter dans ce cas à parler de « décroissance ».

Financement. Trois sources devront être utilisées simultanément, en dehors des investissements réalisés pour leur compte par les entreprises: une « épargne forcée » s'imputant sur les dépenses actuelles de consommation non productives, des prêts à long terme remboursables, provenant des institutions financières, des crédits budgétaires publics concernant les domaines hautement stratégiques ne pouvant être financés autrement. Les particuliers pourront se voir offrir des titres de « rente perpétuelle » leur permettant de placer leurs épargnes. A contrario, il faudra renoncer à l'appel aux fonds souverains étrangers et plus généralement aux « marchés » permettant à des intérêts non-européens d'imposer leurs politiques à l'Europe.

Protectionnisme. Les investissements et financements envisagés ici ne pourront être mis en oeuvre que dans le cadre d'un fédéralisme européen imposant l'harmonisation des législations fiscales, du travail et de la défense de l'environnement. Ces bases une fois acquises, il sera possible de mettre en oeuvre un protectionnisme européen négocié avec les autres puissances sur la base de la réciprocité.

Nouvelles formes de puissance publique. Il est clair que ce qui précède ne sera pas envisageable sans un retour à l'Etat, Etat fédéral dans le cas européen. Mais pour éviter le retour simultanée à des bureaucraties inefficaces ou tyranniques, il faudra dès maintenant expérimenter de nouvelles formes de puissance publique participative, impliquant aussi bien les forces politiques et syndicales que les citoyens. L'Europe dispose à cet égard d'un capital de compétence.

 

Source: pratclif.over-blog.com