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Juppé veut rassembler contre les surenchères | À la Une | Reuters

 

par Ingrid Melander

CHATOU, Yvelines (Reuters) - Alain Juppé s'est posé samedi en candidat du "rassemblement" qui refuse "d'instrumentaliser les peurs", prenant clairement le contre-pied de Nicolas Sarkozy, son principal rival dans la course à l'investiture de la droite.

Lors de son premier meeting de campagne, l'ancien Premier ministre, qui caracole toujours en tête des sondages pour la primaire des 20 et 27 novembre, a toutefois exclu de faire campagne contre les autres candidats, assurant que ses seuls adversaires étaient le Front national et le Parti socialiste.

"Je refuserai toujours d'instrumentaliser les peurs, de flatter les bas instincts", a déclaré Alain Juppé devant environ 1.500 militants rassemblés sur l'île des Impressionnistes, à Chatou, dans les Yvelines.

"Le chemin sur lequel je veux vous conduire (...) c'est d'abord celui du rassemblement. C'est, j'en suis convaincu, la bonne réponse aux inquiétudes des Français", a-t-il ajouté.

"Rassembler plutôt que chercher à cliver, rassembler plutôt que de vouloir exclure ou stigmatiser, rassembler plutôt que d'exciter les surenchères : c'est, depuis toujours, conforme à mes convictions et à mon tempérament", a-t-il poursuivi, promettant une campagne "de vérité, de sobriété, d'espérance".

"MA CAMPAGNE, ET PAS CELLE D'UN AUTRE"

Nicolas Sarkozy, qui a officialisé sa candidature lundi, s'est de son côté engagé cette semaine à ne pas être le candidat "de l'eau tiède" et "des demi-solutions", plaçant la sécurité et l'identité au coeur de sa campagne.

Dénonçant "la brutalité de ses propositions", le Premier ministre socialiste, Manuel Valls, a dit craindre qu'il "embarque" vers l'extrême droite le reste de la droite républicaine, "y compris Alain Juppé".

"Je ne vais pas commencer à jouer un rôle, je vais poursuivre la campagne que j'ai entamée il y a deux ans", a rétorqué samedi le favori des sondages à droite. "Ma campagne et pas celle d'un autre", a-t-il ajouté.

Et de revendiquer une fois de plus son objectif "d'identité heureuse", moqué par certains sarkozystes qui lui reprochent sa présumée naïveté.

"Ne vous laissez pas abattre par le défaitisme des prophètes de malheur", a-t-il ainsi lancé à l'adresse des jeunes. "Soyez les pionniers d'une France qui va, je persiste et je signe, retrouver le chemin d'une identité heureuse", a-t-il ajouté.

Malgré un contraste assumé avec la tonalité du discours de Nicolas Sarkozy, et plusieurs références à certaines de ses propositions qu'il désapprouve, Alain Juppé, assailli de questions sur son principal compétiteur, a assuré ne pas être en campagne contre l'ex-chef de l'Etat.

Réaffirmant sa filiation gaulliste, l'ex-Premier ministre de 71 ans, qui promet de ne faire qu'un seul mandat, a décliné son programme pendant près d'une heure, en s'abstenant de prononcer le nom de Nicolas Sarkozy.

ACCORD SOLENNEL AVEC LE CULTE MUSULMAN

Entre autres mesures, Alain Juppé a proposé de conditionner le regroupement familial à l'exercice d'un emploi, et non de le suspendre comme le suggère Nicolas Sarkozy, ou encore d'instaurer des quotas d'immigration par pays et par compétences.

Sans jamais faire explicitement référence à la polémique sur le "burkini", ce vêtement de bain couvrant qui divise la classe politique, il a proposé un accord solennel entre la République et les représentants du culte musulman, avec l'adhésion à une charte de la laïcité reprenant notamment le principe de l'égalité hommes-femmes.

Avec qui l'Etat signera-t-il cet accord, alors que le Conseil français du culte musulman n'est pas toujours considéré comme représentatif? "C'est le défi que doivent relever les Français musulmans pratiquants", a-t-il dit. "Se doter d'une organisation qui leur permette de dialoguer valablement et collectivement avec les pouvoirs publics."

Dans l'assistance, les propos d'Alain Juppé ont trouvé un écho parmi des militants qui disaient apprécier son sérieux et sa rigueur. "C'est quelqu'un que j'estime, quelqu'un qui a une certaine noblesse, pas comme d'autres candidats", a dit à Reuters Robert Tondre, 66 ans.

"Nicolas Sarkozy a eu sa chance, il a fait beaucoup de promesses qu'il n'a pas tenues. Alain Juppé me paraît plus sérieux", a renchéri Sarah Odoul, 28 ans.

A trois mois de la primaire à droite, Alain Juppé, porté par des sondages favorables, veut croire en ses chances de gagner. "Il va falloir se remuer", a-t-il toutefois lancé à ses supporteurs. "Il faut désormais nous lancer à corps perdu dans la compétition."

(avec Chine Labbé à Paris)

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