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«Ça n’a aucun sens» : les bonnes feuilles du nouveau livre sur Hollande

Les Echos

Les attentats du 13 novembre : « l'effroi » familial

« Il est 23 h 53, le 13 novembre 2015, quand le visage grave de François Hollande s'affiche sur les écrans de télévision (...) Son ton est saccadé, on l'entend respirer comme s'il manquait d'air. L'émotion est visible et c'est extrêmement rare chez cet homme (...) Contrairement aux attentats de janvier, le chef de l'Etat et le Premier ministre ont craint pour leurs enfants. Manuel Valls a été rapidement rassuré. François Hollande pas complètement. Il avait vu [son fils aîné] Thomas au Stade de France, Ségolène Royal avait rapidement eu des nouvelles de Clémence et Flora, restées chez elles. Mais elle a cherché Julien une bonne partie de la soirée. (...) Le 13 novembre, le fils cadet est allé boire un verre dans son arrondissement de résidence, le 11e. Il est un peu avant minuit quand son père apprend qu'il est réfugié dans un café, sain et sauf. Le président s'apprête à prendre la parole à la télévision. « Je suis rassuré sur la situation de mes enfants quand je m'exprime. Mais tellement meurtri par le drame de tant de parents. J'aurais pu être un de ceux-là », dit-il. Et, pendant quelques heures, la tragédie nationale s'est conjuguée avec l'effroi familial. »

La déchéance de nationalité : l'idée du référendum

En février 2016, alors que le débat parlementaire s'enlise, François Hollande se justifie mais ne renie rien  : « Ça m'a coûté de proposer la déchéance de nationalité. Je l'ai fait pour unir pas pour diviser. Je sais ce que ça va faire dans mon camp, mais je pense qu'à ce moment-là on est capable de se dépasser (...) Si les élections régionales [des 6 et 13 décembre] avaient été fixées plus tard, un référendum sur la révision constitutionnelle aurait pu être imaginé. »

Rencontre avec Yasmina qui fut l'assistante de François Hollande pendant onze ans rue de Solferino : « Le 16 novembre constitue pour elle « une rupture », humaine, personnelle, intime presque. Elle pleure ce jour-là, comme elle pleure encore, à chaudes larmes, lorsque nous abordons le sujet cinq mois plus tard, le 21 avril 2016. « Pourquoi la déchéance ? Pourquoi la déchéance ? Pourquoi ? », répète-t-elle. (...) Yasmina a retenu par coeur le passage concernant [les binationaux] dans le discours du Congrès. Ce passage par lequel elle s'est, elle aussi, sentie visée. « On n'en sortira jamais, de cela ? interroge-t-elle. On ne sera jamais de vrais Français ? Personne ne nous considérera comme étant partie prenante, totalement, intégralement, à 300 % de la France ? » (...) « Que ce soit un calcul, c'est horrible pour la politique. » Aussi dit-elle en pesant chaque mot, comme l'on prononce une sentence : « Utiliser cette question si grave, si importante pour la conception que l'on peut avoir de la France et du peuple français, à des fins d'instrumentalisation dans un contexte aussi grave, c'était irresponsable, inacceptable, inadmissible. » »

Les sans dents

« « Le président n'aime pas les pauvres », a écrit Valérie Trierweiler. En 2014, François Hollande a démenti avec véhémence cette affirmation. Mais il n'a pas démenti l'expression elle-même. Qu'en dit-il aujourd'hui ? : « La pauvreté, c'est de ne pas pouvoir se faire soigner les dents », tranche-t-il l'oeil soudain noir. Il ne peut en aucun cas démentir l'expression, il est même possible qu'il l'ait employée. Il dit ne pas en être certain mais il ne l'exclut pas. Il aurait pu dire qu'être « sans dents » était un signe de pauvreté, s'autoriser ce raccourci sémantique destiné à rester privé. Ce qu'il récuse encore et toujours, c'est la signification qu'a donnée Valérie Trierweiler à cette expression. « J'ai trop d'affection pour les gens, trop de respect pour les plus modestes pour avoir une formule de mépris ou de moquerie», jure-t-il. »

La difficulté d'endosser les habits de président

« Vous avez été candidat, et être candidat, c'est se livrer, se donner aux électeurs. Participer à des réunions, aller au contact des Français. C'est d'ailleurs une grande joie que de faire campagne. Quand le candidat élu arrive à l'Elysée, il veut encore être aimé et il a envie de prolonger le temps de la campagne, ce temps où la parole suffit. Mais il ne peut plus, il ne doit pas prolonger ce temps heureux. Le président doit tuer le candidat car, tant qu'il ne le fait pas, il n'est pas regardé comme président. » Il dit avoir finalement tué le candidat fin août 2012.

Après les attentats de janvier 2015 et les manifestations monstres du 11 janvier, l'opinion des Français s'améliore et François Hollande respire : « Ce n'est pas seulement une élection qui fait un président, ce sont aussi des épreuves et des circonstances. »

La finance et les rémunérations des grands patrons

« Nous n'avons pas terrassé la finance au sens où il n'y aurait plus de fraude, d'optimisation fiscale ou de rémunération scandaleuse, mais nous l'avons contenue et fait reculer par un effort de transparence et de régulation. » Puis il convient : « Maîtriser la finance est une exigence démocratique, c'est un combat long, c'est la bataille contre le capitalisme outrancier, et je n'ai jamais dit qu'on allait l'abroger en cinq ans ».

« Le plus choquant, et que la loi ne corrigera jamais, ce sont les conceptions éthiques de ces dirigeants. Cela renvoie à une conception de la vie, une conscience individuelle. Cette bataille, il faut la mener moralement. Aux Etats-Unis, les grands patrons gagnent des sommes énormes mais ils donnent aussi beaucoup à des fondations, ce qui induit une forme de redistribution morale. Ce qui manque aux patrons européens, c'est la conscience que ce qui se joue va au-delà d'eux-mêmes. La solution juridique n'y suffira jamais. »

Le coup de massue fiscal de 2012 et 2013

« La refiscalisation des heures supplémentaires a fait perdre du pouvoir d'achat à certains salariés, j'en conviens, mais maintenir ce dispositif n'était pas sain : c'est comme une drogue douce qui amène à préférer l'emploi existant à l'embauche et qui coûterait près de 5 milliards d'euros en année pleine. Personne ne rétablira ce système qui n'existe nulle part ailleurs et qui n'a aucun sens en matière d'emploi et d'équité. »

« Augmenter les prélèvements n'était ni un parti pris idéologique ni un choix facile, argumente le chef de l'Etat. Cette décision était rendue nécessaire par la situation calamiteuse de nos finances publiques. Lorsque j'arrive aux responsabilités, il est trop tard pour réduire la dépense publique de l'année. Pour éviter d'exposer la France à une spéculation, des mesures de redressement s'imposaient. »

Le Medef et Pierre Gattaz

« Ce qui a été terrible pour le Medef, mais aussi indirectement pour le gouvernement, c'est le million d'emplois promis pour justifier le pacte de confiance qu'il réclamait. Certains électeurs de gauche pensent que je me suis fait "gruger" et que le patronat n'a pas tenu parole ,» soupire François Hollande. Il poursuit et, comme souvent, nuance : « C'est dans ce sens qu'il doit être appelé à la responsabilité, même si ce sont les entreprises qui créent les emplois et non pas le président du Medef. » Puis le jugement, le vrai, arrive : « Pierre Gattaz est dans une démarche qui n'est pas politique, mais "syndicale" : obtenir le plus possible pour que les entreprises aient le plus de marges possible, au point qu'il ne valorise jamais ce qui a été discuté, négocié et parfois obtenu. Son discours est uniquement revendicatif. » Au fond, il n'est pas loin de penser que le Medef se comporte comme la CGT du patronat.

Son bilan et 2017

« Au-delà des résultats électoraux, au-delà des divisions de la gauche, au-delà des sondages, j'estime que les choix que j'ai faits ont été les bons sur les grands sujets », confie-t-il, sûr de lui, en juin 2016. (...) « Ce qui me mobilise, ce n'est pas ce qu'on dira le jour où je partirai mais ce qu'on pourra dire cinq ans ou dix ans après la fin de mon mandat. » Et là, il se dit rassuré : « La trace elle se dessine : la COP21, nos interventions au Mali, en Irak et en Syrie pour stopper l'avancée djihadiste, le maintien de la Grèce dans la zone euro et la priorité donnée en France à l'éducation. Ce que nous avons fait pour rétablir la compétitivité des entreprises et redresser la France sans austérité ni droits froissés, ça compte. »

« Le président est reparti en campagne, avec son dispositif historique. Stéphane Le Foll en défenseur pour vanter, classiquement, le bilan du quinquennat et Julien Dray en attaquant expérimentateur. Que le chef de l'Etat se soit laissé convaincre confirme une chose : optimiste ou pessimiste jovial, il est d'abord tenace. « Tant qu'on n'est pas mort, on est vivant », dit-il. »

« Dans tous les entretiens que nous avons eus ces trois dernières années, je ne l'ai jamais vu douter sur le fait de briguer un second mandat ni même affirmer par précaution « si je suis candidat ». A l'exception d'une fois, la veille de la sortie du livre de Valérie Trierweiler, deux semaines après le renvoi des ministres de l'aile gauche du PS et trois mois après le score historique du FN aux élections européennes : « Dans les conditions d'aujourd'hui, rien ne garantit que nous soyons au second tour », avait-il alors tranché. »

Nicolas Sarkozy et Alain Juppé

Alain Juppé : « Longtemps François Hollande n'a pas cru que le maire de Bordeaux était taillé pour une campagne présidentielle - « Ça l'ennuie d'aller au contact des gens ». Sans doute le pense-t-il encore. Mais il doit quand même se préparer à l'affronter, au cas où. Pour le moment, il compte essentiellement sur le rejet d'une ligne économique trop libérale : « Juppé est dans la continuité du ministre du Budget de 1986, qui supprime l'impôt sur les grandes fortunes, et du Premier ministre de 1995, qui en termine avec la fracture sociale avec un plan d'austérité. Il a pu intégrer de nouvelles questions comme l'environnement mais pour le reste il est sur la même ligne économique libérale, dont je ne crois pas qu'elle soit majoritaire en France. » »

Nicolas Sarkozy  : « Son adversaire en 2017 ? « Ce sera Sarkozy », disait-il sans une once d'hésitation en octobre 2013. Son prédécesseur n'avait pas encore effectué son retour en politique, mais le président y croyait dur comme fer. Il n'avait pas cru une seconde à sa retraite. Car l'ancien chef de l'Etat était encore jeune et ne s'était pas lancé dans les affaires même s'il y avait songé. Et puis François Hollande qui le connaît si bien et depuis si longtemps se mettait quelques secondes à sa place : « Il considère qu'il n'y a personne d'autre à droite, qu'il est entouré de médiocres et qu'il a été battu par un incapable. Il pense qu'il a été battu par la crise. » »

Ce que Laurent Berger et Emmanuel Macron disent du chef de l'Etat

Laurent Berger : « Ce qui est terrible, c'est que des choses plus importantes que dans le mandat précédent auront été faites sur le terrain économique et social mais elles peinent à être assumées et elles ne sont pas raccordées à une vision du monde. (...) Il n'y a pas d'âme, pas de foi dans ce qu'ils ont fait, pas de convictions, c'est cela qui est marquant dans ce quinquennat (...) Le président a une vision trop économiste de la société. Nous sommes gouvernés par les chiffres et les courbes. »

Emmanuel Macron : « C'est très dur de conseiller François Hollande ! s'exclame Emmanuel Macron, en juin 2014, alors qu'il s'apprête à quitter l'Elysée. Il faut construire un arc électrique et un rapport de force pour avoir de l'emprise. »

Source: lesechos.fr