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Ces parents qui ont renoncé à appliquer le protocole sanitaire à l’école pour leurs enfants

Des parents interrogés par « Le Monde » avouent ne plus faire faire à leurs enfants les autotests demandés avant de pouvoir retourner à l’école.

Par Eléa Pommiers

 

Depuis la rentrée de janvier, pas une semaine ne s’est écoulée sans que l’un des enfants de Céline (les personnes citées par le seul prénom n’ont pas souhaité donner leur nom) ne soit cas contact à l’école. Pas une semaine sans avoir à appliquer le protocole scolaire, qui prévoit, depuis le 10 janvier, la réalisation de trois autotests, chacun à deux jours d’intervalle, pour attester d’un résultat négatif afin de retourner en classe. Du moins en théorie. Car Céline l’avoue : elle ne fait en général qu’un seul des trois tests prévus par le protocole.

« Sinon je les teste tout le temps, ce n’est plus possible », explique cette professeure d’anglais dans l’enseignement supérieur. Des attestations sur l’honneur étant suffisantes, tant que ses enfants de 6, 7 et 10 ans ne présentent pas de symptômes, ils vont à l’école même sans avoir fait les dépistages. Après deux ans de pandémie, cette mère de famille préfère ne pas savoir et pouvoir laisser ses enfants en classe plutôt que de devoir les garder à la maison en cas de test positif « alors qu’ils sont asymptomatiques et qu’ils ont déjà été suffisamment privés d’école », entre les délais de dépistage et le non-remplacement des enseignants malades.


Combien sont-ils, parmi les parents d’élèves, à avoir renoncé à appliquer strictement ce protocole sanitaire qui repose presque exclusivement sur leur adhésion ? Impossible de quantifier le phénomène mais « ce n’est pas la majorité », assure Gwenaël Surel, secrétaire général adjoint du syndicat des chefs d’établissement Snpden-Unsa. Au regard des témoignages de parents d’élèves qu’il reçoit, Rodrigo Arenas, représentant de la FCPE, estime cependant que « la confiance dans cette politique s’effrite », et avec elle la pertinence d’un protocole déjà décrié.

 

Ne pas « embêter » son enfant

« Les tests sont faits bon an mal an, mais on nous dit de plus en plus que les trois autotests ne sont pas vraiment réalisés. C’est compliqué pour beaucoup de parents d’imposer des dépistages nasopharyngés aussi fréquemment à leurs enfants »,poursuit l’ancien coprésident de la fédération, qui continue de plaider pour l’organisation de tests salivaires à l’école.

 

Il y a ceux qui préfèrent l’isolement plutôt que les tests répétés, au prix d’une scolarité hachée pour les enfants et d’une désorganisation professionnelle pour les parents. Et ceux qui font des compromis avec les règles pour laisser les enfants à l’école. Camille, éditrice de 38 ans, est de ceux-là. Son fils de 6 ans « hurle et se débat » lorsque ses parents tentent de lui faire un autotest. Maintenant qu’il est vacciné, elle a pris sa décision : en l’absence de symptôme, elle ne « veut pas l’embêter ». Pour ne pas le mettre en position de mentir à l’école, elle a choisi l’entre-deux : il se fait lui-même ses autotests, en « s’effleurant le bout de la narine », et malgré la fiabilité toute relative du résultat dont sa mère a bien conscience, il se rend en classe muni de ses attestations sur l’honneur.

 

Après la désorganisation massive qu’il a engendrée les deux premières semaines en exigeant des tests PCR et antigéniques, le protocole sanitaire « allégé » à trois autotests se heurte, désormais, à des doutes sur son efficacité, alors que la vague due au variant Omicron ne faiblit pas.

Les chiffres de contamination ne cessent d’augmenter depuis quatre semaines : vendredi 28 janvier, le ministère de l’éducation, sur la base des remontées internes, recensait 572 072 cas sur les sept derniers jours précédents, soit plus de 70 % d’augmentation par rapport aux deux semaines précédentes. Les tranches d’âge scolaires sont aussi celles où les taux d’incidence sont parmi les plus élevés.

 

Incompréhension

Alors « à quoi bon ? », s’interrogent en chœur plusieurs parents d’élèves. C’est le cas d’Emeline, 39 ans, dont le regard sur la gestion de l’épidémie à l’école a changé avec l’envolée des cas depuis fin décembre. Elle assure faire à ses quatre enfants – un scolarisé au collège et trois en primaire – les dépistages qu’elle estime « nécessaires ». Et elle concède qu’ils ont été peu nombreux depuis début janvier, malgré les multiples déclarations comme cas contact.

« Avant, le virus circulait peu et identifier les positifs permettait de limiter la diffusion, mais maintenant ?, s’interroge cette sage-femme installée en Savoie. On dépense des millions d’euros qui auraient pu aller à l’hôpital ou à l’équipement sanitaire des écoles pour des autotests dont la fiabilité n’est pas assurée face à Omicron et qui n’empêchent pas un virus considéré moins dangereux de se répandre. Le poids à porter pour les enfants n’est pas justifié. »

Une incompréhension qui trouve un écho chez de nombreux parents, y compris ceux qui se conforment au protocole. Parmi eux, Adeline Ladet, 46 ans, continue de tester rigoureusement ses enfants de 4, 8, 11 et 13 ans, « par respect » pour les enseignants. « Mais je me pose chaque fois des questions. Mon sentiment est qu’on a décidé de laisser circuler ce virus sans l’assumer et qu’on veut quand même donner l’impression de faire quelque chose », regrette cette praticienne hospitalière vivant en Isère.

 

Qu’ils s’astreignent aux règles ou non, qu’ils craignent que leurs enfants attrapent le Covid-19 ou non, les parents interrogés semblent presque tous se retrouver sur ce point. Un mois après la rentrée, le protocole sanitaire, « ni assez strict pour contenir l’épidémie ni assez souple pour alléger les élèves », n’apporte pas, à leurs yeux, de réponse adéquate à l’objectif qu’ils partagent majoritairement de garder les écoles ouvertes dans de bonnes conditions.