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Mort de Steve Maia Caniço : l’avocate de la famille juge que l’annulation de la mise en examen de l’ex-préfet est « une bonne décision »

Claude d’Harcourt a été placé sous le statut de témoin assisté. Dans ce dossier, son directeur de cabinet et le commissaire qui a dirigé l’intervention policière sont toujours mis en examen pour « homicide involontaire ».

Claude d’Harcourt, haut fonctionnaire ayant fait valoir ses droits à la retraite depuis le mois de juillet, élevé au grade d’officier de la Légion d’honneur, peut souffler. Vendredi 28 octobre, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Rennes a annulé sa mise en examen, en qualité de préfet de Loire-Atlantique durant l’année 2019, du chef d’« homicide involontaire » dans le cadre de l’instruction visant à établir les éventuelles fautes ayant abouti à la mort de Steve Maia Caniço, la nuit de la Fête de la musique 2019 à Nantes. Le jeune homme de 24 ans a péri noyé dans la Loire, après que les policiers nantais ont mené une opération de dispersion d’une fête techno sur le quai Wilson, site alors dépourvu du moindre parapet.

M. d’Harcourt, qui a achevé sa carrière comme directeur général des étrangers en France au ministère de l’intérieur, a été placé sous le statut de témoin assisté. La chambre d’instruction de la cour d’appel de Rennes a en revanche confirmé la mise en examen de Johann Mougenot, directeur de cabinet de M. d’Harcourt au moment du drame. Dans ce dossier, le commissaire Grégoire Chassaing, qui a dirigé l’intervention policière controversée, est également mis en examen pour « homicide involontaire ».

La nuit du 21 juin 2019, la tension est montée sitôt que les policiers ont exigé des fêtards de couper le son. A 4 h 31 du matin, le commissaire Chassaing a annoncé que les effectifs en place essuyaient une pluie de projectiles. En retour, ces derniers ont fait usage de trente-trois grenades lacrymogènes, de dix grenades de désencerclement et, douze fois, de lanceurs de balles de défense. Le nuage lacrymogène a créé un mouvement de panique et provoqué la chute de plusieurs personnes dans la Loire, dont celle fatale à Steve.

 

« Imprudence caractérisée »

Face au juge d’instruction chargé du dossier, Grégoire Chassaing a assuré n’avoir utilisé aucun moyen lacrymogène à titre personnel. « Chaque effectif qui en a fait usage l’a fait sans ordre de ma part », énonce-t-il dans son procès-verbal d’interrogatoire, en date du 22 septembre 2021. Le juge d’instruction a estimé que, du fait de la dangerosité des lieux, de la nuit et de la présence d’un public potentiellement alcoolisé ou sous stupéfiants, l’opération relevait d’« une imprudence caractérisée ».


Fait incroyable : la préfecture a découvert a posteriori que le Grand Port maritime de Nantes-Saint-Nazaire, établissement public de l’Etat, était propriétaire du domaine sur lequel s’est tenue la fête. En l’état, il est donc reproché à M. Mougenot de s’être abstenu, en tant que directeur de cabinet du préfet, de donner les instructions nécessaires pour faire sécuriser les lieux et de ne pas avoir associé aux réunions préparatoires de la fête les représentants du Grand Port maritime, tout en laissant s’organiser sur son emprise le rassemblement de murs de son.

Il lui est également fait grief de ne pas avoir sollicité les conseils de la médiatrice départementale auprès des rassemblements festifs de jeunes, ainsi que le prévoit l’instruction interministérielle du 31 mars 2015, et de ne pas avoir suffisamment alerté le préfet sur les risques présentés par l’événement.

Au niveau de la préfecture, le dossier « Fête de la musique » était piloté par le directeur de cabinet, s’était défendu M. d’Harcourt, devant le juge d’instruction, précisant encore : « Le bureau du dircab jouxte celui du préfet. Une réunion se tenait chaque matin pour caler les événements de la semaine et de la journée. » Autrement dit, l’intéressé « pouvait très librement et facilement l’entretenir de tous les sujets ». Et donc l’alerter de difficultés posées par la Fête de la musique.

Nullité de l’expertise judiciaire

Le délibéré de la chambre d’instruction apparaît comme « une bonne décision », aux yeux de Cécile de Oliveira, avocate de la famille de Steve Maia Caniço, qui redoutait « de voir délayées les responsabilités dans cette affaire ». « A ce stade, il reste deux personnes chargées de l’opérationnel la nuit de la Fête de la musique qui sont mises en examen », note l’avocate, avant d’asséner : « C’est l’action de M. Chassaing qui a amené le drame. »

Les avocats de la défense ont remporté une petite victoire en obtenant la nullité de l’expertise judiciaire confiée au laboratoire Index. Ce document, qui se présente sous la forme d’une vidéo d’une durée d’une heure, se voulait une tentative de reconstitution du drame, établie à partir des innombrables données figurant au dossier. « Cette nullité n’aura pas d’incidence, jauge l’avocate de la famille. L’expertise reposait en effet sur des pièces qui figurent déjà au dossier. »

Contacté par Le Monde, M. d’Harcourt n’a pas souhaité commenter l’annulation de sa mise en examen, se bornant à relever : « Ce n’est pas le genre de décision, me semble-t-il, qui se prend à la légère. »