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Hongrie. Viktor Orbán, l’homme qui pourrait déclencher la désintégration de l’Europe

Publié le 31/01/2019 - 11:59
7c6953f0c30ce8d6e9412fe95545c9c5.jpg Le Premier ministre Viktor Orbán au Parlement à Budapest, en 2014. PHOTO AKOS STILLER/THE NEW YORK TIMES

L’hégémonie politique du dirigeant “illibéral” en Hongrie pourrait affaiblir le dynamisme de l’Union si elle se confirme aux élections européennes de mai, estime cet entrepreneur et physicien ayant réussi dans l’informatique.

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RÉSERVÉ AUX ABONNÉS

Au début des années 1980, lorsque mon ancienne entreprise Graphisoft atteignit une capacité d’export assez solide, nous avons obtenu un passeport diplomatique après de longues et fastidieuses démarches administratives. Ce sésame représentait un privilège car les voitures à plaques minéralogiques magyares étaient extrêmement rares sur les routes de l’Ouest. Lors de l’un de mes voyages d’affaires à Munich, le conducteur d’un véhicule allemand me fit signe et me demanda de descendre ma vitre tandis que j’attendais arrêté à un feu rouge au volant de ma Lada. Je m’exécutai et il me hurla en allemand quelque chose du genre “Crève, sale communiste !” Juste parce que j’étais hongrois. Parce qu’on nous assimilait à nos dirigeants.

Quelques années plus tard, la compensation arriva avec ces milliers d’Allemands de l’Est traversant de toutes parts la frontière austro-magyare devant les caméras médusées des chaînes de télévision occidentales. Ce jour-là, j’étais à Londres et mes partenaires britanniques me félicitèrent chaudement en tant que Hongrois. Parce qu’on nous liait à nos dirigeants. Le schéma se reproduit aujourd’hui. Nos partenaires et amis occidentaux ne comprennent pas ce qui se passe chez nous et pourquoi nous désertons notre pays. Ils nous assimilent aussi à notre gouvernement mais la comparaison est amplement plus justifiée qu’avant 1989.

J’ai peu de points d’accord avec Viktor Orbán mais je l’approuve lorsqu’il affirme que les européennes qui se profilent n’ont jamais été aussi décisives. Ce scrutin est un moyen de savoir si nous lui ressemblons ou pas. Nous n’avons pas pu le faire en avril dernier car les principales forces d’opposition étaient en panne de popularité, le système électoral défiguré, la presse critique aux abonnés absents hors de Budapest, le parti au pouvoir infiltré chez ses adversaires et les explications pourraient encore s’éterniser sur le pourquoi du comment la Fidesz de Viktor Orbán décrocha une nouvelle majorité parlementaire des deux tiers [comme aux législatives de 2014]. Mais les élections européennes n’ont rien à voir avec cela. Les dés ne sont pas pipés, tricher s’avère plus compliqué et l’enjeu est radicalement différent.

L’UE n’est pas menacée par les migrants illégaux

Il ne s’agit pas d’aider untel à s’emparer du pouvoir chez nous mais de décider si nous souhaitons être une partie de l’Union et si nous voulons tout simplement une Union. L’enjeu est véritablement plus important que jamais. La question n’est pas de savoir si l’Europe va devenir un continent de migrants. Personne ne le souhaite et je suis persuadé que l’immense majorité des électeurs hongrois ne tombent pas dans le panneau des campagnes primitives effrayantes essayant de les manipuler depuis des années.

La vraie question est de savoir si l’Union peut continuer à fonctionner et subsister. Son existence n’est pas menacée par les migrants illégaux mais par Orbán et ses amis de la Ligue et de l’AfD [Alternative pour l’Allemagne, extrême droite allemande], Marine Le Pen et les populistes analogues œuvrant plus ou moins ouvertement au déchirement de l’Europe. L’Europe des nations qu’ils appellent de leurs vœux en incarne exactement le synonyme. Quiconque connaît l’histoire de l’Europe sait que cette volonté de chacun chez soi sur un continent renie l’Union construite il y a un demi-siècle. L’Union est la seule garante de la paix en Europe et cette paix est en péril.

En février 2016, j’avais écrit un article intitulé “Le Huxit après le Brexit”, expliquant qu’Orbán voulait sortir de l’Union et que nous ne l’aurions jamais rejointe si la décision avait dépendu de lui. Souvenons-nous de ce moment de franchise rare où il affirma durant sa première mandature [1998-2002] qu’il “existe une vie en dehors de l’Union européenne”. Il y a près de trois ans, je ressentais déjà cette impression que la campagne de haine antimigrants n’était rien d’autre qu’une manière de préparer la sortie potentielle de la Hongrie. Támas Bauer [économiste et ancien député affilié au Parti socialiste] m’avait alors répondu qu’Orbán n’avait aucune envie de quitter l’Union mais voulait la démanteler de l’intérieur. Le temps lui a malheureusement donné raison.

Orbán s’oppose à tout ce qui renforcerait le poids de l’UE et de l’Otan, qui assure sa sécurité. Il bloque l’adhésion de l’Ukraine au pacte transatlantique, livre à la Russie des trafiquants d’armes arrêtés en Hongrie qui travaillaient contre ou avec l’appui de Washington et offre l’asile à l’ex-Premier ministre macédonien condamné pour corruption et ami de Moscou.

Il est légitime de critiquer le fonctionnement de l’Union

Il nous maintient inflexiblement hors de la zone euro et sanctuarise notre non-appartenance dans la Constitution tout en refusant de rejoindre le parquet européen anticorruption, essayant de mettre le holà sur le vol avéré des fonds communautaires. Sa suppléante, Katalin Novák, qui le remplaçait lors d’un vote au sein de la Commission sur la compétitivité, s’est opposée avec vigueur à la construction d’un mécanisme européen de protection des travailleurs avant de se rallier avec difficulté au “socle social” continental qui pourrait examiner la législation controversée sur les heures supplémentaires dite “esclavagiste”.

L’harmonisation de la base d’imposition des entreprises aurait favorisé la libre circulation des capitaux sans porter atteinte aux intérêts des salariés, mais Orbán s’y est aussi opposé. Pour couronner le tout, il a également dit non à la consolidation de Frontex, contre sa propre rhétorique antimigrants. Seulement voilà, si nous aspirons à défendre la liberté de mouvement au sein de l’Union européenne, la clôture installée sur la frontière magyaro-serbe ne suffit pas et ne remplace en rien une protection forte et commune des frontières extérieures.

Toutes les familles idéologiques européennes critiquent plus ou moins légitimement le fonctionnement de l’Union. Les opinions divergent sur la nécessité d’une politique économique unie, la subsidiarité envers les États membres et les domaines dans lesquels concorde rimerait avec efficacité. Personne n’est aussi inconséquent qu’Orban, balayant d’un revers de main tout ce qui touche à la défense de la libre circulation intracommunautaire des citoyens, des biens, des services et des capitaux au nom de la souveraineté nationale et de sa concentration du pouvoir sans équivalent au sein de l’Union.

Diviser pour mieux régner

Qu’on l’apprécie ou non, la mondialisation reste une tendance semi-millénaire entamée avec les grandes découvertes, accélérée par la révolution industrielle et la motorisation, puis rendue irréversible par la révolution numérique. La moindre faille du système financier peut se propager à vitesse grand V et provoquer une crise internationale comme celle que nous avons vécue en 2008. Faute de réglementation globale, les mastodontes de l’économie mondialisée se cachent derrière l’optimisation fiscale et transforment les gouvernements des petits pays où ils s’installent en subordonnés à leur service. La mondialisation n’est pas sans défauts mais barricader ses frontières ne résout rien. Le remède s’appelle collaboration entre États dans des milliers de secteurs de la lutte contre le réchauffement climatique au traitement plus approfondi et concerté des migrations globales.

Orbán et ses proches comprennent les ficelles du marketing et de la communication. Ils savent que cette dernière redouble d’efficacité lorsqu’on répond à un problème par un message unique. Leur choix s’est porté sur l’immigration massive vue comme seul thème clivant entre l’Ouest et les pays du groupe de Visegrad alors que personne, pas même George Soros, ne s’est jamais prononcé en faveur d’une immigration illimitée et incontrôlée. La véritable ligne de fracture est ailleurs. Elle sépare les partisans d’une Europe désireuse d’affronter les défis du XXIe siècle aux thuriféraires de l’action en solitaire chacun les uns à côté des autres menant un jour ou l’autre à la guerre. La narration d’Orbán, son langage et son attitude démontrent qu’il ne se sent bien qu’à travers la confrontation et n’exclut en rien l’hypothèse d’un conflit.

Voilà ce sur quoi nous devons nous exprimer en mai. Notre vote compte certes peu car nous n’élisons que 21 eurodéputés sur les 700 du Parlement et n’avons guère de prise sur la manière dont les uns défendront la poursuite de l’intégration et les autres la décomposition en cours de l’Union. Mais chaque voix compte. Et cela compte aussi de savoir quelle image nous renverrons au conducteur de la voiture arrêtée à côté de nous lorsque la nôtre, portant une plaque magyare, attendra à un feu rouge quelque part en Europe.

Gábor Bojár
SOURCE

Lancé dix ans avant la chute du Mur par des réformateurs ouverts au libéralisme, “Economie mondiale hebdomadaire” a ouvert une brèche dans le système communiste. Aujourd’hui indépendant mais toujours de tendance libérale, HVG est l’

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