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Après le débat sur BFM TV, le bulletin de notes des chefs de partis

Stanislas Guérini, Laurent Wauquiez, François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Olivier Faure sur le plateau de BFM TV le 20 mars (KENZO TRIBOUILLARD / POOL / AFP)

 

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Malgré la crise actuelle, les six dirigeants  sont restés sur leurs positions donnant une image de profonde division. Appréciations et notes.

 

BFM-TV est une chaîne responsable. Elle ne se contente pas de couvrir, chaque samedi, les équipées sauvages des gilets jaunes. Pour sortir le pays de l'ornière, elle prend  crânement l’initiative de réunir les dirigeants des six principales formations politiques représentées à l’Assemblée Nationale. "La crise, et après ? Le débat des chefs de partis", c’est le cours du soir de Ruth Elkrief qui veut faire progresser Marine Le Pen (Rassemblement National), François Bayrou (Modem), Jean-Luc Mélenchon (France Insoumise), Olivier Faure (Parti Socialiste), Laurent Wauquiez (Les Républicains) et Stanislas Guérini (La République en marche) vers une hypothétique synthèse. Saluons d’emblée la prise de risque de cette improbable séance de " team building".

Au programme trois sujets clivants : "Une France plus juste", "répondre aux oubliés" et "comment se réconcilier". La consigne ? Pas de blabla ni de chicaya mais "des pro-po-si-tions", répète Ruth Elkrief. Pour entrer dans le vif des sujets, les thèmes sont exposés en images et en chiffres. On devine que la chefferie de BFM a voulu mettre de l’ordre dans la classe. Mais on pressent que ce ne sera pas une sinécure !

 

Le premier tour de parole sur la fiscalité est révélateur : Marine Le Pen et Laurent Wauquiez font de la retape auprès des classes moyennes  et des retraités en promettant des baisses d’impôts. Stanislas Guérini exhibe une fiche de paie de 1.783 euros et souligne que la suppression de la taxe d’habitation a fait gagner 400 euros à son titulaire. Ses camarades ricanent.

François Bayrou, qu’on sent en petite forme, préconise, sans entrer dans les modalités pratiques, de traquer la fraude fiscale. Mélenchon s’énerve d’emblée. "On perd notre temps", dit-il.  Il ne reste que douze ans à l’humanité pour trouver une solution au cataclysme climatique qui s’annonce. D’où la nécessité de "tout changer" pour "partager les richesses", "augmenter les salaires et les minimas sociaux" et "récupérer l’argent que les très riches nous volent" en instaurant 14 tranches d’impôts (contre 5 aujourd’hui). Olivier Faure préfère souligner la faute de Macron : de cadeaux fiscaux aux plus riches et en même temps des ponctions sur les plus faibles. Rien de neuf. Chacun campe sur ses positions et rejoue les débats de l'élection présidentielle.

"Le bal des faux culs" 

Hostile à l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI), Marine Le Pen défend le droit des Français à "mettre un toit sur la tête de leurs enfants" et s’en prend aux macronistes qui privilégient la finance à la pierre et liquident le patrimoine. "Mais vous voulez faire un cadeau aux plus fortunés ?", lui reproche Stanislas Guérini en pleine dissonance cognitive. Un rien obsédé, Wauquiez vante la chasse aux gaspis qu’il pratique dans sa région d’Auvergne-Rhône-Alpes. Il voudrait réaliser 20 milliards d’économies sur le budget de l’Etat mais ne dit pas lesquelles. Faure souligne que les libéraux finissent toujours par s’en prendre aux services publics de l’école et de la santé. Prend-ça Macron.

Bayrou ne croit pas que la réforme fiscale est une affaire simple. Il rappelle que toute redistribution dépend de la croissance et défend l’efficacité de la suppression de l’ISF :

 

 

"Oui, ça marche. La croissance est plus importante".

Le leader de la France Insoumise considère, lui, qu’il vaut mieux " donner des sous à ceux qui en ont besoin". Les 10 milliards d’euros de pouvoir d’achat concédés aux gilets jaunes ne soutiennent-ils pas déjà l’activité ?

Sur le plateau, les chefs de partis rivalisent d'écologisme. Olivier Faure dégaine son "ISF vert" censé financer la rénovation énergétique. Mélenchon, qui ne jure que par l’Etat, la planification et le monopole prévoit notamment de recruter 400.000 fermiers dans des sortes de kolkhozes bio. Guérini, a bossé dans une entreprise qui commercialise des chaudières à granulés et des pompes à chaleur. Il croit plus à la proposition de chaudière nouvelle génération à 1 euro. Du bricolage, aux yeux de Marine Le Pen qui dénonce "le désastre écologique de la mondialisation sauvage" et défend le "localisme". Guérini émet des doutes.

"C’est le bal des faux culs", grommelle Mélenchon dans son coin.

Wauquiez  voudrait faire promettre à Guérini que la majorité ne rajoutera plus une taxe sur les carburants. Dialogue de sourds. Pour "répondre aux oubliés", le leader de la France Insoumise ne voit qu’une solution :  sortir de la logique du marché qui provoque une "décomposition de la France". Marine Le Pen qui fustige "l’organisation du désert" français par "la concentration de la décision" n’est pas loin de partager cet antilibéralisme viscéral. Mais elle ajoute au tableau la dénonciation d’une insécurité occultée par l’oligarchie. "Il faut prendre à le corps l’hyper délinquance", tonne-t-elle.

"Alors le pays est sauvé"

Pour combattre les déserts médicaux, Olivier Faure propose un "bouclier sanitaire" : il s’agirait d’inciter les médecins à s’installer aux champs en modulant les tarifs de remboursement et en introduisant des rémunérations salariées. Des demi-mesures aux yeux de Mélenchon qui semble déterminé à pratiquer la nomination autoritaire des médecins sur tout le territoire.  Stanislas Guérini tente bien de faire l'article de la loi santé discutée au Parlement. Tous les autres lui tombent dessus…

 

"C’est le café du commerce ici !", s’impatiente Mélenchon que Ruth Elkrief tente de cadrer. L’Insoumis se lance dans un éloge du rail. Son compère François Bayrou s’enlise dans un complainte sur la nécessaire accessibilité de la gare de Pau aux handicapés. Tout le monde rigole : "Alors le pays sera sauvé !"

Bon élève, Wauquiez fait une offre de service à la majorité. Avec le soutien de LREM, il propose d’expérimenter dans sa région le versement du RSA avec de "vraies contreparties". "Le vrai social c’est de ramener les gens au travail", théorise-t-il. Cris d’orfraie de Mélenchon. Mais Guérini ne saisit pas la main républicaine qui se tend. Il contre-attaque :

"Dans votre région, vous avez baissé de 127 millions l’aide à la formation des chômeurs. L’Etat doit recentraliser."

"Le débat à droite, c’est saoulant", persifle Mélenchon qui s'en prend à Le Pen, signataire de la directive européenne sur les travailleurs détachés. Bayrou n’arrive pas à en placer une. Ruth Elkrief vient à son secours. Le maire de Pau s’élève contre les services téléphoniques ... quand personne ne répond. "On a donné l’obligation à toutes les administrations que leurs numéros ne soient plus surtaxés", fayotte Stanislas Guérini. Mélenchon, Faure et Le Pen se gaussent.

"Comment se réconcilier ?", lance benoîtement Ruth Elkrieff pour conclure. Selon François Bayrou, il faut d’abord "rétablir l’ordre" et le béarnais évoque le recours à l’armée. Apoplexie de son voisin Mélenchon. "Bayrou ! Je ne vous reconnais plus. Vous êtes devenu fou ! La stratégie de la violence est la pire de toute." Pour Marine Le Pen, c’est une évidence, le gouvernement laisse faire les voyous et manipule l’opinion.

 

"On a les moyens d’arrêter les casseurs et on ne le fait pas. Quand il y a une telle crise politique, une majorité de Français soutiennent, il faut opérer une dissolution de l’Assemblée".

Sur ce point, ce n’est pas un mystère, Jean-Luc Mélenchon est d’accord. Ruth Elkrief l’anticipe. "Faites-lui plaisir, madame Le Pen. Donnez-lui son os", grince l’insoumis en direction de Le Pen. Sans préambule, les leaders de l’extrême droite et de l’extrême gauche tombent à bras raccourcis sur le  ministre de l’Intérieur : "Castaner doit démissionner".

Comme Marine Le Pen, François Bayrou réclame l’introduction de la proportionnelle aux élections législatives pour résoudre la crise de la représentativité. "30%", lâche-t-il.  Wauquiez les accuse tous deux de défendre leurs petits intérêts électoraux. "C’est vous qui défendez vos intérêts électoraux", lui rétorque Le Pen. Mélenchon veut changer de République, vite. "Vous avez peur du peuple !", déclame-t-il. Olivier Faure est bien seul à défendre l’idée d’une  "conférence sociale" réunissant les corps intermédiaires pour apaiser le pays. Jean-Marc Ayrault, sors de ce corps. "L’oligarchie va négocier entre soi", commente Le Pen. "Lamentable", siffle Faure.

C’est à quatre contre deux que les chefs de partis d’opposition dézinguent le grand débat de Macron dont François Bayrou est si fier d’avoir été l’un des instigateurs. Encore sous le charme de Jupiter, l’éphémère garde desSsceaux du gouvernement Philippe y a vu le président de la République regarder les Français "les yeux dans les yeux pendant 50 heures." La controverse organisée par BFM prend fin après 2h30 de baston. C’est déjà bien assez pour douter de toute réconciliation.  

Les notes des chefs de parti

François Bayrou : Guère inspiré. Sa défense du gouvernement est à géométrie variable. Difficile d’imaginer son retour dans le jeu national. 3/10

 

Stanislas Guérini : Un style de cadre dirigeant d’entreprise. Un ton posé. A manqué de souffle pour faire valoir la politique gouvernementale. 5/10

Olivier Faure : La sociale-démocratie à la papa. Peu de propositions hormis "l’ISF vert" et la "conférence sociale". Manque de charisme. 5/10

Marine Le Pen : Se pose en alternative mais ne propose que le "renfermement national". Irréaliste et inquiétant. Toujours combative. 3/10

Jean-Luc Mélenchon : Agressif . Sa révolution verte a des relents maoïstes. Incapable de dénoncer vraiment les violences des gilets jaunes. 3/10

Laurent Wauquiez : Baisses d’impôts, réduction des dépenses publiques et aides sociales conditionnées. Un positionnement à la Trump. 4/10