L’hommage de la Nation à Simone Veil, cinquième femme à entrer au Panthéon
Simone Veil et son mari Antoine sont entrés au Panthéon, dimanche, au terme d’une émouvante cérémonie.
Par SIMON AUFFRET
A trois reprises, le cortège s’est arrêté, avant de reprendre sa route. Portés par des membres de la garde républicaine, les cercueils de Simone et Antoine Veil ont remonté, sous un soleil de plomb, la rue Soufflot en direction du Panthéon, où le couple est entré, dimanche 1er juillet, sous les acclamations du public.
Trois arrêts pour rendre hommage aux trois grands combats menés par Simone Veil, cinquième femme à figurer sur la liste des Grands hommes : celui pour les droits des femmes, marqué par l’adoption de la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse, en 1974 ; celui pour l’Europe, dont elle a été la première femme à prendre la présidence du parlement, en 1979 ; celui pour la mémoire de la déportation, dont elle rescapée – elle a toujours refusé, jusqu’à son décès le 5 juillet 2017, d’être uniquement présentée comme telle.
Le convoi est parti à 10 h 30 dimanche du mémorial de la Shoah, avant de s’arrêter sur la place Edmond Rostand, au pied de la rue Soufflot, recouverte d’un tapis bleu, couleur de la paix et de l’Europe, voulu par Emmanuel Macron. Les cercueils ont ensuite remonté la rue, sous des applaudissements nourris.
À l’arrivée sur la place du Panthéon, autour de 11 h 30, quatre-vingt-douze choristes ont etonné « Le chant des Marais », avant de laisser place au président de la République. « La décision de faire entrer Simone Veil au Panthéon ne fut pas seulement la mienne ni celle de sa famille, mais celle de tous les Français », lance Emmanuel Macron dès le début de son allocution.
« Elle qui avait vécu l’indicible expérience de la sauvagerie et de l’arbitraire savait que seuls le dialogue et la concorde entre les peuples empêcheraient qu’Auschwitz ne renaisse sur les cendres froides de ses victimes, a martelé le président devant 1 000 personnalités ou proches du couple invités, et plusieurs centaines d’anonymes, appuyées le long des barrières de la rue Soufflot et devant des écrans géants disposés dans les jardins du Luxembourg. Lorsqu’elle décide de témoigner, c’est d’abord pour rendre hommage aux justes de France. Pour rappeler le courage inouï des familles françaises qui, au péril de leur vie, avaient caché des enfants juifs », ajoute-t-il.
Recouverts du drapeau français, les cercueils sont ensuite entrés par le portail monumental du Panthéon en présence du président de la République et de son épouse Brigitte, des deux fils encore vivants du couple Veil et de leurs descendants.
Dans la foule, un grand silence a laissé place au solo de la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton, interprétant la suite numéro 5 de Jean Sébastien Bach.
« Je suis très touchée »
Malgré la chaleur – pompiers et policiers ont évacué plusieurs personnes, victimes de malaises pendant la cérémonie – les Parisiens sont venus nombreux pour rendre un dernier hommage à Simone Veil.
« La loi sur l’IVG, son engagement européen, sa capacité à transformer le drame de la seconde guerre mondiale en courage politique », retient notamment Jack, retraité, des engagements de l’ancienne ministre de la santé. Il ira voir « sans faute » le cercueil de Simone Veil dans la nef du Panthéon, ouverte au public jusqu’au lundi 2 juillet. « Mes arrières grands-parents ne sont pas revenus de la déportation, comme plusieurs de mes cousins. Mais comme Simone Veil, les membres de ma famille qui ont survécu ont œuvré à la réconciliation avec l’Allemagne », ajoute-t-il.
Entrée au ministère de la santé en 1978 sous la direction de Simone Veil, Josette se souvient surtout d’une femme « profondément humaine » : « Il y en a eu des bons ministres, mais je suis partie il y a deux ans et son passage laisse encore quelque chose de très particulier ». Au premier rang pendant toute la cérémonie, elle, qui est née après la guerre, salue aussi le courage de la mémoire symbolisé par Simone Veil : « Je suis très touchée. J’ai milité pour la reconstruction européenne qu’elle a engagée. C’était très important pour moi d’être là aujourd’hui », raconte-t-elle.
Les corps d’Antoine et Simone Veil seront inhumés dans le sixième caveau du Panthéon, lundi 2 juillet, lors d’une cérémonie privée. Ils reposeront aux côtés de Jean Moulin, André Malraux, René Cassin et Jean Monnet.
Simone Veil au Panthéon : notre sélection d’articles
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Par SIMON AUFFRET
Publié À 12h49
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