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Je ne comprends plus rien», se désolait, mercredi soir, un député de la majorité. Nous-même avons un peu de mal à saisir la logique du calendrier gouvernemental. En tout cas, la hausse des taxes est annulée. Annulée pas suspendue. L'Élysée a divulgué la nouvelle alors qu'Édouard Philippe n'avait pas encore quitté la tribune depuis laquelle il défendait, devant les députés, la simple suspension... Outre cette humiliation, qui pense que le mouvement des «gilets jaunes» se satisfera de ce qu'il considérait, depuis un petit moment déjà, comme une revendication de base? Sur BFMTV, une manifestante a déclaré, immédiatement après l'annonce: «D'accord, vous ne nous enfoncez pas, mais vous ne nous aidez pas non plus.»

Et comme nous sommes jeudi, Le Figaro Littéraire est au programme. Ainsi que notre série sur l'empereur Néron.

Passez une joyeuse saint Nicolas!

Madeleine Meteyer, journaliste au Figaro

• À la une

Macron annule la hausse des taxes et appelle au calme

 
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Et voilà, la hausse des taxes tant honnie est passée à la trappe. Gageons que tous ceux qui avaient appelé le gouvernement à ne pas laisser le pays s'embraser pour si peu salueront le geste. Qui ne suffira pas. Maintenant que les débats autour de l'augmentation du SMIC, d'une dissolution de l'Assemblée, de l'augmentation des allocations handicapés, du retour de l'ISF, etc., se sont ouverts, pourquoi se contenter de si peu? Marlène Schiappa, la secrétaire d'État, elle-même, a déclaré, mardi que «l'ISF pourrait être rétabli». Elle a été très sèchement recadrée par Emmanuel Macron. Mais l'idée a gagné les cerveaux de plusieurs partis d'opposition (RN, LFI, PS) et il faudra l'intervention du Saint-Esprit pour qu'elle soit oubliée.

S'il cède sur ce point, il devra céder sur tout le reste selon le principe des dominos, prévient Guillaume Tabard. D'autant qu'il y a d'autres solutions pour dégager l'argent dont manquent les «travailleurs pauvres». Le député LR Jean-Louis Thiériot propose par exemple de «réduire les charges sociales des entreprises» en les contraignant à répercuter ces économies sur les salaires de leurs employés. Améliorer les conditions de vie des Français, sous la forme de monnaie sonnante et trébuchante, est la seule voie qui s'offre au président. Enfin, s'il veut échapper à la vague dite «populiste» et à son remplacement par un «Trump français», écrit Laure Mandeville. Cela paraît absurde parce que c'est ce qui a déclenché la gronde mais, non, l'annulation de la hausse des taxes ne va pas suffire.

«Le Sort avait raison ; tous gens sont ainsi faits : Notre condition jamais ne nous contente : La pire est toujours la présente. Nous fatiguons le Ciel à force de placets. Qu'à chacun Jupiter accorde sa requête, Nous lui romprons encor' la tête.» - Jean de La Fontaine

• L'éditorial: «À contresens»

 
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En France, tout s'achève par des impôts. À entendre certaines voix de la majorité, même une révolte fiscale peut déboucher sur un nouveau prélèvement. Depuis que le gouvernement a annoncé qu'il était prêt à annuler la fameuse taxe, le concours Lépine des idées folles bat son plein. Rétablissons l'ISF, lance Marlène Schiappa (sans doute parce que sa disparition participe de l'inégalité femmes-hommes qu'elle est chargée de combattre)! Ajoutons une tranche supplémentaire à l'impôt sur le revenu, propose ingénument un député LaREM! Encore un peu et le revenu universel reviendra sur la table…

C'est n'avoir rien compris aux sources profondes qui ont fait jaillir le mouvement des «gilets jaunes». Confus, contradictoire, indiscernable parfois, il a toutefois pour premier slogan une phrase limpide: «Laissez-nous vivre de notre travail.» Rien dans une telle supplique ne contient la revendication d'un statut, d'une subvention, d'un impôt. La contradiction même soulignée par Emmanuel Macron entre la double exigence de service public et de baisse des impôts n'est qu'apparente. Elle dit plutôt que le contribuable ne s'y retrouve pas entre ce qu'il donne à la collectivité et ce qu'elle lui procure. Pourquoi alors affubler du masque de l'hideuse passion robespierriste cette révolte fiscale?

Le tournant que demande la classe moyenne avec ou sans jaune fluo est social, mais il n'est pas comptable. Il a pour cause, c'est évident, l'inquiétude économique, mais, plus profondément, il exprime, et jusque dans son nihilisme destructeur, la nécessité d'un projet de civilisation. Si la «France moche», celle qu'on traverse dans les romans de Houellebecq, celle des quartiers périurbains, se réfugie, du pavillon au centre commercial, dans la consommation, elle cherche désespérément l'amitié du monde qui humanise la vie quotidienne: la sécurité, la sociabilité, la communauté d'expérience, les fêtes collectives, le foyer, la beauté. Ballottée par les vents violents de la mondialisation et du multiculturalisme, elle crie pour ses fins de mois, mais l'angoisse qui l'étreint est celle de la fin d'un monde: le sien.

Écoutez Vincent Trémolet de