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De Rugy : un ministre « politiquement cramé »

REVUE DE PRESSE. François de Rugy peut-il rester n° 2 du gouvernement après les révélations sur son train de vie. Pour les éditorialistes, la réponse est non.SOURCE AFP

Il se défend comme un beau diable et assure qu'il ne démissionnera pas. Mais ce samedi, la presse ne se demande pas si François de Rugy va partir, mais quand. « Les soutiens de Rugy se dissolvent dans le champagne », estiment Laure Bretton et Mathilde Bienvenu de Libération, qui rapportent que si « ce n'est pas encore le lâchage général, on est très loin d'un soutien sans faille ». Toujours dans Libération, Laurent Joffrin juge pourtant exagéré le procès fait au ministre, rappelant que le faste de la République est un choix qui date de la chute de l'Ancien Régime. L'éditorialiste rappelle qu'en Scandinavie, certes, les ministres peuvent valser pour un Toblerone acheté avec de l'argent public, mais que ces pays sont des monarchies où les citoyens acceptent que « ces monarques, à la différence des ministres, ne fassent à peu près rien tout en vivant comme des nababs ». Cela n'empêche pas le même Joffrin d'estimer que « se faire servir du homard [...] à l'heure des téléphones mobiles qui sont autant d'yeux indiscrets [...], c'est une faute politique autant qu'une faute de goût ». Et d'avertir : si le ministre « a confondu argent public et argent privé, alors qu'il s'en défend, son sort est scellé ».

« En deux morceaux »

Jean-Michel Helvig (La République des Pyrénées) ne voit qu'une solution à ce « homardgate » : que François de Rugy « annonce de lui-même sa démission », faisant ainsi « prévaloir une cause collective sur un sort individuel ». Rappelant son « itinéraire politique assez sinueux », l'éditorialiste assure, sans avoir l'air d'y croire, qu'avec une démission « il surprendrait au meilleur sens du terme ». Les éditorialistes sont d'ailleurs nombreux, tel Gilles Grandpierre de L'Union, à évoquer les « atermoiements de son parcours politique, passé de Lalonde à Macron via Duflot, avant-hier écolo pur sucre, hier prétendant à la primaire de gauche, aujourd'hui ministre d'un président de centre droit ». Une carrière qui expliquerait que le ministre offre « un profil idéal aux coupeurs de tête ». Et de filer lui aussi la comparaison avec 1789, voire 93, en cette veille du 14 Juillet : « Pour les incorruptibles du grand soir, cela suffit à le transformer en social-traitre parfait, doublé d'un bobo parisien benêt. Le voir côtoyer aujourd'hui trois homards et deux grands crus, qu'il n'y touche que du bout des lèvres ou pas, suffit à lui mériter la guillotine. François de Rugy peut remercier le ciel de ne pas être né il y a deux siècles et demi, sinon, il serait déjà en deux morceaux », ironise l'éditorialiste.

Dans La Charente libre, Dominique Garraud décrit un « transfuge Vert » devenu « n° 2 du gouvernement Philippe », « utile » certes, après la démission fracassante de Nicolas Hulot, mais « sans charisme ni grande influence ». « Aujourd'hui, François de Rugy et sa réputation dévastée deviennent trop lourds à porter pour la majorité, malgré le soutien du chef de l'État revendiqué par le ministre. Resté à distance, Emmanuel Macron attend peut-être les lendemains du 14 Juillet pour jauger la nuisance du feuilleton Rugy et décider d'y mettre fin », suppose-t-il.


À l'évidence, François de Rugy n'est plus en situation de défendre l'environnement 


Rappelant l'information de Ouest-France selon laquelle le ministre aurait également donné un autre dîner « informel », qui ne figurait pas, à sa demande expresse, à son agenda, entre un lobbyiste et des acteurs du secteur de l'énergie, Daniel Muraz tranche le cas de Rugy dans Le Courrier picard : « Qu'il reste en poste ou le quitte à plus ou moins brève échéance, François de Rugy est déjà aujourd'hui, dans les faits, un ex-ministre ayant perdu toute crédibilité et pas mal de son honneur. Bref, politiquement cramé. »

Dans Le Journal de la Haute-Marne, Patrice Chabanet fait chorus. « Pour Emmanuel Macron et Édouard Philippe, cette affaire tombe au mauvais moment. Leur cote de popularité était en train de se redresser. Et patatras, leur ministre de l'Écologie [...] s'est mis dans un sale pétrin. Qui plus est au moment où le chef de l'État semblait se convertir à la protection de l'environnement, au point d'en faire une priorité, du moins dans le discours. » Pour lui, la messe est dite : « À l'évidence, François de Rugy n'est plus en situation de défendre l'environnement. Les élus de LREM redoutent les réactions des électeurs, à quelques mois des municipales. Ils leur parleront plutôt de la température de cuisson des homards que du réchauffement climatique. »

« L'essentiel »

« Dans des démocraties voisines, l'édile aurait spontanément démissionné », affirme de son côté Frédéric Barillé du Maine libre, en jugeant que « les révélations en cascade et l'insistance à s'accrocher mettent François de Rugy dans la posture d'un encombrant convive ». « Jusqu'à quand ? » « Sauf miracle, on le voit mal remonter à la surface et exercer sereinement ses fonctions dans les prochaines semaines », prédit Benoît Gaudibert de L'Est républicain, et ce d'autant plus qu'« au sein de la majorité, les soutiens se comptent sur les poils d'une pince. La politique est parfois un vrai panier de crabes », ironise-t-il.

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« Au fond, François de Rugy est bien la cible idéale pour passer l'été. Politiquement, il n'a ni amis ni troupes. Il ne représente que lui-même et n'existe que par la volonté d'Emmanuel Macron », analyse Jean Levallois de La Presse de la Manche. Une réalité d'autant plus implacable que, dans la multiplication des révélations sur le train de vie de François de Rugy, il est difficile de distinguer la frontière qui sépare la légitime dénonciation de la chasse à l'homme, souligne Stéphane Bugat dans Le Télégramme. « C'est pourtant ce que le public est en droit d'attendre des médias, comme il est fondé à exiger un comportement irréprochable des responsables publics. Y compris dans sa dimension symbolique, ce que François de Rugy, comme bien d'autres, n'a pas su percevoir. » Et de conclure : « Pendant que l'on se concentre sur ses frasques supposées, on néglige de s'intéresser à son action ministérielle et aux divers renoncements qu'elle implique. Ce qui est pourtant l'essentiel. »

Publié le 13/07/19 à 10h49 | Source lepoint.fr