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Brexit : Westminster paralysé, consternation à Bruxelles

Les parlementaires britanniques ont été incapables d'orienter la sortie de crise du Brexit. Tous les scénarios ont été rejetés. À Bruxelles, on soupire... PAR EMMANUEL BERRETTA

« Le succès, c'est d'aller d'échec en échec sans perdre son enthousiasme. » En citant Churchill quelques heures avant la pénible soirée parlementaire à Westminster, Guy Verhofstadt, responsable du groupe Brexit pour le Parlement européen, ne se doutait probablement pas de la justesse de sa prémonition. En effet, à Londres, mercredi soir, tous les scénarios soumis au vote des parlementaires britanniques ont été rejetés. Il ne s'agissait que de « votes indicatifs », certes, mais la constance avec laquelle le Parlement de Sa Majesté ne parvient pas à trouver une « issue de secours », pour employer les termes du Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, est à inscrire au Guinness des records.

Dans le détail, les « MPs » ont rejeté l'hypothèse d'une sortie sans accord (par 400 voix contre 160). Ils ont également rejeté l'hypothèse de demeurer dans le marché unique (par 283 voix contre 188). Ils ont renoncé, par 377 voix contre 67, à inscrire le Royaume-Uni dans une relation de type « norvégien », ce qui suppose de respecter la suprématie de la Cour de justice, l'alignement réglementaire, la contribution au budget européen et l'absence de droit de vote. Le plan des travaillistes n'a pas non plus trouvé grâce à leurs yeux : 307 voix « contre » et 238 « pour ». L'idée de révoquer purement et simplement le Brexit (le Royaume-Uni peut le faire unilatéralement) et donc de rester dans l'Union européenne (au moins le temps d'y voir plus clair) n'a pas rallié suffisamment de suffrages (184 voix « pour », 293 « contre »). Un nouveau référendum  ? Pas de majorité non plus : 295 voix « contre », 268 « pour ». Le Malthouse Plan (qui aurait forcé le gouvernement a trouvé un accord de libre-échange préférentiel avec l'UE en cas de « no deal ») a lui aussi été rejeté par 422 voix contre 139.

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Quant à l'hypothèse de rester dans l'union douanière tout en quittant l'UE, elle a été rejetée de peu. Il n'a manqué que 8 voix (272 contre 264 suffrages). Huit petites voix qui auraient permis de régler en douceur le Brexit et l'épineuse question irlandaise. Il suffirait, en effet, que le Royaume-Uni renonce à quitter l'union douanière pour que la disparition de la frontière irlandaise, conséquence de l'accord de paix de Belfast, soit garantie, que les 142 coopérations entre les deux parties de l'Irlande ne soient pas remises en cause... Huit voix à retourner, c'est à la portée du gouvernement de Theresa May. Du reste, la Première ministre a promis de démissionner si son parti, les conservateurs, acceptait enfin d'approuver, lors d'un troisième vote, l'accord de retrait. La perspective que May quitte le 10 Downing Street aurait décidé Boris Johnson à lui accorder ce soutien tant attendu. À confirmer, toutefois...

Il n'y a aucune valeur ajoutée au Brexit  !

Mais le temps presse. La date butoir du Brexit a été certes légèrement repoussée au 12 avril (au lieu du 29 mars) et la perspective d'un « no deal par accident », selon l'expression de Michel Barnier, se dessine fortement. Tous les leaders européens expriment des inquiétudes pour les droits des citoyens, soit 3,5 millions d'Européens au Royaume-Uni et 1,5 million de Britanniques en Europe. « Cette sécurité des droits des citoyens restera en toute hypothèse, dans l'espoir d'un accord que nous attendons, mais aussi dans l'hypothèse que nous ne souhaitons pas mais que nous préparons un « no deal », la priorité, » indiquait Michel Barnier, le négociateur en chef européen, au Parlement européen, avant les votes indicatifs.

Toujours dans un registre qui oscille entre l'humour et la provocation, Nigel Farrage, le chef de file à Strasbourg du parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (Ukip), a comparé l'accord de retrait du Royaume-Uni avec le traité de Versailles postérieur à la Grande Guerre. « Ce traité aujourd'hui, c'est la version moderne. Nous avons une facture de réparation de 39 milliards d'euros et qu'avons-nous en échange  ? Rien  ! s'est-il exclamé au Parlement européen. Nous avons l'annexion d'une partie de notre territoire national sous la forme de l'Irlande du Nord. Ce traité est inacceptable  ! C'est un mauvais texte. Ce n'est pas le Brexit et il ne passera pas. »

 

« Personne à Bruxelles ne souhaite voler le vote du peuple britannique, mais ce n'est pas à Bruxelles que nous faisons le choix de quitter l'Union européenne, lui a rétorqué Michel Barnier. C'est vous qui faites ce choix, c'est vous qui devez prendre vos responsabilités et faire face aux conséquences de ces décisions, personne d'autre. (...) Depuis deux ans, nous travaillons sur cette négociation qui reste négative. Il n'y a aucune valeur ajoutée au Brexit  ! Personne, même pas M. Farage, qui est à côté de moi en ce moment, n'a été capable de me démontrer la valeur ajoutée du Brexit. Personne  ! C'est une négociation négative. C'est lose-lose  ! Nous devons donc trouver un accord pour limiter intelligemment les conséquences de cette négociation et puis en finir d'une manière ou d'une autre le plus tôt possible. (...) C'est maintenant (au Royaume-Uni, NDLR) de prendre ses responsabilités, de choisir son avenir et aussi d'assumer enfin les conséquences des décisions qu'il prend. Parce que cette négociation, ce n'est pas une négociation commerciale, ce n'est pas du bargaining. Il ne s'agit pas de faire des concessions de part et d'autre. On n'a jamais travaillé dans cet état d'esprit. C'est un processus de sortie. Le Royaume-Uni quitte l'Union européenne, veut quitter, nous dit-on, le marché unique, veut quitter l'union douanière en en prenant la responsabilité et en en assumant les conséquences, même s'il peut toujours rester. Comme l'a dit le président Tusk, tout est possible jusqu'au 11 avril. »

Tout est possible, en effet. Mais personne n'y voit clair en ce jeudi 28 mars... à 15 jours de la date butoir et à bientôt 3 ans du référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.