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Je cite indifféremment la présentation ou FA. Les citations sont normalement dans l'ordre de la conférence. Je les ai tapées pendant que la vidéo tournait, elles ne sont donc probablement pas 100% correctes.

 

PDF de présentation (http://www.u-p-r.fr/wp-content/uploads/kalins-pdf/singles/histoire-de-france.pdf) :


en replaçant 2.000 ans de notre histoire nationale


Cela implique que notre nation aurait deux mille ans d'existence. C'est tout simplement un mythe.


Le concept d’origine est à reconsidérer en fonction de ces travaux, qui rendent anachroniques la celtomanie, le mythe de la nation originelle (et donc pour nous les Gaulois) évoqués au début de mon propos. Ils ont été conçus comme « ancêtres » avant l’existence d’une science « préhistorique ». D’autre part, les histoires nationales et particulièrement la nôtre ont été écrites dans le but de célébrer la nation. Prétendument évacué, le roman national subsiste aujourd’hui en vulgate du passé. Récit téléologique, cette vulgate perpétue une France présente en filigrane dans une Gaule immémoriale, intronise Clovis et Charlemagne dans la généalogie de « nos » rois. La Révolution a consacré la France comme « le » pays des droits de l’homme et réifié « la République » comme l’absolu du bien public. (Suzanne Citron, Identité nationale et histoire de France: déconstruire le mythe national, http://aggiornamento.hypotheses.org/58)


On peut aussi citer Geary, mais j'ai la flemme de recopier ce qu'il dit p.30-34 sur les gaulois dans son livre "Quand les nations refont l'histoire". Voici le compte-rendu de la revue "Sciences humaines" :


"Or pour Patrick Geary, cette notion de peuple, à l'identité culturelle et linguistique bien définie, est inacceptable. Relisant l'histoire des grandes invasions, l'auteur montre en effet que les noms de peuples barbares utilisés par les auteurs de l'Antiquité et du Moyen Age n'étaient finalement que des étiquettes qui ne représentaient rien de fixe. De fait, avec les changements continuels des liens d'allégeance, les mariages, les conquêtes, ces noms semblent avoir été la seule chose immuable. Les peuples barbares qui transformèrent le monde romain étaient, comme d'ailleurs les Romains eux-mêmes, des entités politiques plutôt qu'ethniques, associant des groupes d'origines culturelles, linguistiques et géographiques diverses, D'où l'absurdité à voir dans ces étiquettes des désignations ethniques susceptibles de justifier des revendications nationalistes. Bref, un très bon livre d'histoire... politique." (Sciences humaines, http://www.scienceshumaines.com/quand-les-nations-refont-l-histoire-l-invention-des-origines-medievales-de-l-europe_fr_4539.html)

 

 

Première partie 00:05 - 00:10 (http://www.u-p-r.fr/videos/conferences-en-ligne/histoire-de-france) :


Nos ancêtres les Gaulois


Vieux poncif de la troisième république que FA adopte sans broncher.


"L’historiographie scolaire républicaine est un collage. Un peuple gaulois s’impose comme peuple originel de la nation. Le best seller d’Amédée Thierry (frère d’Augustin), Histoire des Gaulois depuis les temps les plus reculés jusqu’à l’entière soumission de la Gaule à la domination romaine (1828, nombreuses rééditions), fait autorité. Michelet, Henri Martin s’y réfèrent. L’histoire nationale, en amont de l’historiographie royaliste entièrement récupérée, postule désormais le peuple gaulois et la Gaule comme fondement de l’identité originelle." (Suzanne Citron, Identité nationale et histoire de France: déconstruire le mythe national, http://aggiornamento.hypotheses.org/58)


Ils parlaient tous à peu près la même langue, ou du moins ils arrivaient à se comprendre.


Rendons à César ce qui appartient à César (même s'il se contredit assez souvent dans cet ouvrage) :

"L’ensemble de la Gaule est divisé en trois parties : l’une est habitée par les Belges, l’autre par les Aquitains, la troisième par le peuple qui, dans sa langue, se nomme Celte, et, dans la nôtre, Gaulois. Tous ces peuples diffèrent entre eux par le langage, les coutumes, les lois." (Gaius Julius Caesar , Guerre des Gaules, http://www.forumromanum.org/literature/caesar/gallic_f1.html)


"Les habitants de la Gaule protohistorique se disaient Celtes, en grec Keltoi, mais la Gaule n’avait aucune signification pour eux. Aucun mot celte n’existait d’ailleurs pour désigner ce qui n’était ni une unité géographique, ni une unité linguistique, ni surtout, une unité politique. Jamais d’ailleurs la Gaule ne constitua le cœur du monde celtique, et sa celtisation fut très progressive et jamais totale. Une fois de plus c’est Rome qui fit une « nation gauloise » de cet ensemble hétérogène de tribus et de cultures, par la conquête et l’intégration dans les limites de son empire universel." (Delaplace, France, Histoire des Gaules)

 

Ils avaient des institutions assez avancées : les tribus élisaient leurs magistrats, disposaient pour la plupart de gouvernements populaires, se réunissaient en conseils généraux.


"2.3.1. La Gaule centrale[...]
On voit donc clairement qu’un certain nombre de cités de Gaule centrale avaient adopté, dans des circonstances précises mal connues, un système de gouvernement étroitement oligarchique. Il se révélait finalement assez proche de celui des cités méditerranéennes archaïques, dans le contexte particulier d’une société barbare développée, au contact du modèle et des influences romains.
[...] 2.3.2. Les périphéries occidentales 

L’Armorique[...]
certains éléments permettent de supposer chez ces peuples un degré d’évolution politique proche de celui décelé en Gaule centrale, comme l’atteste par exemple la mention que fait César de l’existence de « sénats » chez les Vénètes, les Lexoviens et les Aulerques Eburovices.
[...]2.3.3. La Gaule Belgique[...]
La société montrait pour sa part de fortes traces d’archaïsmes : elle semble encore étroitement dominée par l’aristocratie des chefferies locales, domination favorisée par l’état de guerre endémique et les menaces extérieures (Cimbres et Teutons, Germains), qui permettaient aux chefs de renforcer le contrôle sur leurs dépendants. La formation de vastes entités politiques centralisées, à partir des unités tribales groupées en pagi, paraît ici moins avancée et les civitates de Gaule Belgique sont beaucoup moins importantes et cohérentes que dans le reste de la Gaule. On n’y retrouve pas d’ailleurs de magistrats élus annuellement mais des rois et des chefs de clan traditionnels.
[...]
En fait, et cela apparaît bien à travers une lecture attentive des Commentaires de César, la Gaule offrait une sorte d’échelle graduée dans un temps simultané, de plusieurs stades de développement allant des grandes civitates centralisées de la Gaule médiane aux chefferies traditionnelles du nord et de l’est où les changements ne parvenaient qu’atténués. L’espace gaulois fut donc marqué par un développement différentiel dont les formes et les effets se révèlent clairement au moment de la conquête" (Delaplace, France, Histoire des Gaules)

 

C'est un pays qui vivait donc, relativement sereinement entre tribus gauloises


Ce n'était pas un "pays". Quant à la sérénité :


"L’unité de base en était la famille. Plusieurs familles apparentées constituaient un clan et plusieurs clans une tribu. Certaines familles plus puissantes formaient une aristocratie parmi laquelle se recrutaient traditionnellement les chefs de tribus. César nous dit d’ailleurs que seuls comptaient en Gaule les chevaliers et les druides, le reste ne valant guère mieux que des esclaves (BG, VI, 13). De fait, même si le jugement de César paraît exagéré, il est clair qu’il y avait d’un côté des hommes libres, portant les armes, participant aux affaires, qui possédaient terre et bétail et, de l’autre, des clients dépendants. Ceux-ci avaient reçu d’un noble du bétail en concession. Ils étaient attachés à la terre, perdaient leur personnalité juridique et devaient assistance à leur patron, dont le prestige se mesurait précisément au nombre de clients qu’il était en mesure de rassembler, ainsi qu’à la quantité de biens qu’il pouvait étaler et distribuer, en particulier au cours de gigantesques banquets auxquels chacun participait selon son rang. Un des problèmes posés par ce tableau est de savoir quelle était la composition précise du groupe des hommes libres et si, comme certains critères archéologiques semblent l’indiquer, une catégorie intermédiaire de guerriers ou même de paysans libres existait entre le groupe restreint de l’aristocratie et la masse des dépendants.
Une telle structure sociale encourageait un état de guerre endémique entre clans et entre tribus, source de prestige et de razzias. Ce n’était pas la moindre cause de l’instabilité de la Gaule, et celle-ci se trouvait en fait éclatée en une multitude de petites unités aux alliances épisodiques et limitées." (Delaplace, France, Histoire des Gaules)

 

 

C'est tout cet agencement politique que va venir démolir un étranger : le proconsul romain

Quel agencement politique ? Goudineau nous dit :


"César a créé un ensemble qu'il a appelé Galia et auquel il a conféré la frontière orientale du Rhin. Un tel ensemble n'existait à aucun point de vue, ni géographique, ni ethnographique, ni politique."

 


Jules César va donc se livrer à une conquête de la Gaule


FA a une facheuse tendance à dire "la Gaule" au lieu "des Gaules". Deux avis d'historiens :


"César a créé un ensemble qu'il a appelé Galia et auquel il a conféré la frontière orientale du Rhin. Un tel ensemble n'existait à aucun point de vue, ni géographique, ni ethnographique, ni politique. César a isolé un morceau de la Celtique pour en faire une entité. Un certain nombre de peuples de Celtique se sont-ils retrouvés comme cela ensemble, pour un destin commun. On dira plus ou moins, car comme vous le savez dans l'antiquité romaine au grès de diverses divisions administrativo-politiques l'unité n'exista jamais. On ne dit jamais la Gaule, on dit les Gaules." (Goudineau, Le mythe gaulois, http://www.inrap.fr/via_podcast/p-1784-Le-mythe-gaulois.htm)

 

"Mais la Gaule existe-t-elle alors ? Cette question n’est provocante qu’en apparence. En effet, quand nous parlons de Gaule à l’époque protohistorique nous plaquons commodément une réalité postérieure sur un ensemble de peuples et de territoires qui n’a jamais eu cette unité avant un certain moment. Et ce moment c’est Rome. Gallia, la Gaule et Galli, les Gaulois, sont des mots latins, et César le dit d’ailleurs lui-même au début de ses Commentaires sur la guerre des Gaules (BG = Bellum Gallicum, I, 1) : « … le peuple qui, dans sa langue, se nomme Celte, et, dans la nôtre, Gaulois. » Parler de Gaulois et de Gaule avant Rome est donc un anachronisme, même s’il est consacré par l’usage. Mais c’est aussi une équivoque, car il y eut plusieurs Gaules pour les Romains. La première est en fait celle qui, à la suite des migrations celtiques, se situait dans le nord même de l’Italie, la Gaule cisalpine. Ensuite apparut la Gaule transalpine, c’est-à-dire la province de Narbonnaise, parfois aussi appelée Gallia togata, la Gaule en toge, par opposition à la Gallia comata, la Gaule chevelue, la Gaule indépendante qui fut soumise par César. Plus tard même, Rome divisa sa conquête en trois provinces, les Trois Gaules (Tres Galliae), auxquelles s’ajoutait, mais avec un statut différent, la Narbonnaise. En dépit de cette division administrative c’est donc bien Rome, et d’abord César, qui donnèrent un nom et des limites aux régions situées entre les Pyrénées, les Alpes et le Rhin, créant d’ailleurs et du même coup la Germanie."
(Delaplace, France, Histoire des Gaules)

 


Un historien du 19ème siècle Amédée Thierry raconte l'ignoble stratagème de Jules César

Sur Amédée Thierry :

 

"Pourquoi cet intérêt nouveau ? Il coïncide avec la révolution qui s'attache à l'histoire de France. Jusqu'alors l'histoire avait été l'histoire dynastique. On partait de Mérovée et de Clovis. Et on déclinait l'un après l'autre les règnes de tous les souverains. L'histoire dynastique cède la place à l'histoire de France une nation qu'il s'agit d'enraciner sur un sol et à laquelle on doit si possible offrir des ancêtres. Le sol on l'a vu c'est celui que César a lui-même délimité. La Gaule avec ses frontières des Pyrénées, des Alpes et du Rhin" (Goudineau, Le mythe gaulois, http://www.inrap.fr/via_podcast/p-1784-Le-mythe-gaulois.htm)

 

"Amédée Thierry, qui a fait accéder « Vercingétorix » au statut de héros, alors qu'il était jusque-là un personnage absent de notre histoire, est le père de l'historiographie nationale et libérale (au sens du XIXe siècle) transmise jusqu'à nous par l'école républicaine : il ancre l'identité française dans l'origine gauloise perçue par lui comme raciale. L'opposition d'une identité « gauloise », supposée de « souche » face aux « immigrés » est un produit logique et pervers de cette historiographie" (Suzanne Citron, Le mythe national: l'histoire de France revisitée, p. 161)

 


C'est ignoble stratagème a été la corruption des élites gauloises


Jules César a inventé aussi quelque chose, c'est qu'il préfère faire installer l'empire en Gaule par des gaulois eux-mêmes qui sont des traîtres à leur patrie


Pourquoi César a gagné :


"3.2.4. Les raisons d’une défaite
Il faut enfin s’arrêter un instant sur les raisons de la défaite gauloise. Le facteur militaire revêt d’abord une grande importance. Les Gaulois avaient des qualités guerrières individuelles mais s’avérèrent incapables de s’opposer à la discipline manœuvrière des légions en bataille rangée, ou de faire pièce aux techniques poliorcétiques comme à la castramétation romaines. La seule forme de combat qui leur réussit fut la guérilla, c’est-à-dire précisément l’arme du faible. Et encore ne fut-elle pas utilisée par tous les peuples gaulois mais surtout par les plus septentrionaux d’entre eux Morins, Ménapes, Nerviens et surtout Éburons qui savaient exploiter au mieux les atouts offerts par le caractère marécageux et surtout forestier de leurs pays. Rappelons que c’est dans un piège tendu par les Éburons que furent anéanties les quinze cohortes d’Atuatuca et que l’armée de César subit son échec le plus grave de toute la guerre. Celui-ci sut cependant trouver la parade pour circonscrire ce type de guerre et l’empêcher de se développer (BG, VI, 34). On pourrait énumérer d’autres facteurs de l’infériorité militaire des Gaulois, tenant par exemple à la faiblesse et à la dispersion du commandement ou à la médiocrité de la logistique, mais tout se résume finalement dans le fait qu’ils donnèrent toujours à César, dans les affrontements cruciaux, l’avantage de les combattre sur le terrain qu’il avait choisi et sous la forme dans laquelle l’appareil militaire romain était le plus à même d’affirmer sa supériorité.
Puis surtout, César eut la chance d’affronter une Gaule divisée, et ce facteur politique fut sans aucun doute déterminant. La résistance gauloise à la conquête fut régionale et même en 52 une part non négligeable de peuples demeura à l’écart de l’insurrection. Il est possible par exemple que les Arvernes aient combattu pour leur liberté, mais il est certain que ce ne fut pas pour celle des Éduens ou celle des Bellovaques, et vice versa. L’idée d’une patrie gauloise, comme celle d’ailleurs d’une résistance gauloise (on n’ose dire nationale), pour chère qu’elle ait été à Camille Jullian (qui divergeait sur ce point de son maître Fustel de Coulanges), ne repose en fait sur aucun fondement. La Gaule n’était qu’une vague entité géographique dont César lui-même fixa les limites. Elle était partagée en plusieurs dizaines de civitates farouchement indépendantes qui se faisaient volontiers la guerre. Elle appartenait à plusieurs horizons ethniques et était pénétrée à des degrés divers par l’influence, les intérêts et la diplomatie romains. Un des grands atouts de César fut d’ailleurs de pouvoir utiliser les renseignements que lui fournissaient les négociants romains implantés dans le pays ou ses alliés gaulois. On l’a vu en effet, plusieurs peuples se rallièrent d’emblée à Rome et secondèrent fidèlement son action. D’autre part, des partis pro-romains étaient actifs dans un certain nombre de civitates et agissaient ouvertement en sa faveur. Il s’agissait en général de clans aristocratiques voyant dans l’alliance et éventuellement la présence romaine le moyen de s’opposer aux factions des ambitieux, eux-mêmes de noble naissance, qui cherchaient à établir un pouvoir personnel en s’appuyant sur le peuple. Ce conflit est bien visible chez les Éduens en 58 (BG, I, 16-20), et chez les Arvernes en 52 (BG, VII, 4)." (Delaplace, France, Histoire des Gaules)

 

Rappel, il n'y avait pas d'empire encore à ce moment. C'est un anachromisme. Si on réfléchit aux propos des historiens que j'ai cité, on se rend compte que ceux qui se sont ralliés à César ne sont pas des traîtres à leur patrie puisqu'il n'y avait tout simplement de patrie gauloise. Ils ont agi dans leur intérêt et dans l'intérêt de leur tribu/clientèle. Quoi de plus de normal étant donné qu'il n'y avait pas d'unité ?


Bref, FA gobe tout rond l'historiographie de la IIIème république et je n'ose croire qu'il ne le fait pas consciemment. En fait ça colle parfaitement avec la démonstration qu'il entend faire dans sa conférence... Étrange coincidence, non ?