JustPaste.it

Rosmit Mantilla - Venezuela : Monsieur Mélenchon, avez-vous une conscience ?

LETTRE OUVERTE. Militant de l'opposition rescapé des geôles du régime, Rosmit Mantilla répond à Jean-Luc Mélenchon, qui continue de soutenir le pouvoir chaviste. PAR ROSMIT MANTILLA

Le leader de La France insoumise qualifie la prestation de serment de Juan Guaidó comme président par intérim du Venezuela de « tentative de coup d'État ». Pour le réfugié politique vénézuélien Rosmit Mantilla, passé par les prisons du régime, c'est Maduro, responsable de la souffrance des Vénézuéliens, qui est illégitime.

 

Jean-Luc Mélenchon

 

@JLMelenchon

 

 

#Venezuela. Une tentative de coup d'État en violation de tous les principes admis jusque là dans le monde après une élection.

 

5 144 personnes parlent à ce sujet

 

 

 

« Monsieur Mélenchon, je me présente devant vous et vos militants.

9dd4572b9b1d0f73e2f72f2524b05fa2.jpgRosmit Mantilla, militant d'opposition vénézuélien, est aujourd'hui réfugié politique en France.Je suis Rosmit Mantilla, Vénézuélien et député de l'Assemblée nationale. Il y a presque deux ans, j'ai reçu la protection internationale en France, après avoir quitté le Venezuela, où j'avais été emprisonné et torturé. Mon seul crime était de penser différemment. Aujourd'hui, laissez-moi vous poser quelques questions, car je constate avec stupeur que vous défendez un gouvernement qui a détruit un pays prospère qu'on appelait le Venezuela. Il est totalement irresponsable d'affirmer, comme vous l'avez fait sur les réseaux sociaux, que Juan Guaidó, président par intérim, a commis un coup d'État. Non, Monsieur, le seul putschiste, c'était votre ami Hugo Chávez, qui a tenté de prendre le pouvoir par un coup de force en 1992 en essayant de renverser le président Carlos Andrés Pérez.

Monsieur Mélenchon, savez-vous que, dans mon pays, on mange une seule fois par jour ? Que le salaire minimum est inférieur à 3 euros ? Et que pour cette raison, depuis 2014, les Vénézuéliens ont perdu en moyenne 14 kilos, ce qui fait de notre peuple une nation de malnutris ?

Monsieur Mélenchon, savez-vous que les quelques citoyens qui reçoivent une aide alimentaire (de denrées pourries) ne l'obtiennent que grâce au carnet de la Patrie du parti gouvernemental ?

Monsieur Mélenchon, savez-vous que, dans mon pays, il n'y a pas de médicaments, et que cela fait plus d'un an qu'il n'y en a plus du tout pour les patients atteints du sida  ? Savez-vous que plus de la moitié des hôpitaux sont fermés et qu'on ne trouve même plus de fil pour suturer les plaies ?

Monsieur Mélenchon, savez-vous que, dans mon pays, il y a 600 prisonniers politiques torturés, violés, et que beaucoup d'autres ont été assassinés ?

Monsieur Mélenchon, savez-vous que, depuis 2014, plus de 5 millions de Vénézuéliens ont franchi la frontière colombienne ?

Voilà, Monsieur Mélenchon, la réalité sociale de mon pays.

Voici sa réalité politique :

Vous devez savoir que Nicolás Maduro, votre allié, est la figure du plus grand cartel de narcotrafic et de corruption de l'histoire politique de tous les pays. Vous devez savoir que tout le haut commandement militaire fait l'objet d'enquêtesinternationales pour corruption, trafic de drogue et, depuis peu, crimes d'État devant la Cour pénale internationale, de même que l'ex-président Nicolás Maduro et tout l'exécutif qui ont assassiné et torturé à grande échelle. Je pense que vous savez aussi que les neveux de Cilia Flores, l'épouse de Nicolás Maduro, purgent une peine de dix-huit ans de prison pour trafic de drogue aux États-Unis. Dans le cas contraire, si vous ne le savez pas, je vous invite à m'accompagner au Venezuela, mais cette fois sans bénéficier de l'argent, de la sécurité de l'État et de l'avion de la présidence, comme lorsque vous avez suivi Hugo Chávez lors de la campagne présidentielle de 2012.

Il me reste quelques points à éclaircir, et quelques questions à vous poser.

Comme vous le savez, le défunt président Hugo Chávez a utilisé l'argent de mon pays pour acheter les consciences dans le monde entier et créer ainsi un arc de corruption et de narcotrafic sur les cinq continents. Fidel et Raúl, Evo, Lula, Dilma, Nestor, Cristina, Daniel, Rafael *, entre autres, ont été payés pour oublier la faim et la douleur des Vénézuéliens et se sont tus pendant vingt ans. Le malheur de mon peuple a valu des milliards de dollars et chacun des représentants de la gauche assassine d'Amérique latine a touché sa part.

Monsieur Mélenchon, pourquoi tentez-vous de relativiser la misère qui sévit dans mon pays ? Elle est indiscutable, il ne s'agit ni d'un show médiatique ni d'une question de perspective. Le malheur de mon pays, ce sont des enfants qui meurent de faim, de maladie, c'est le manque d'aliments, d'électricité, d'eau, c'est la violence, c'est l'emprisonnement de mineurs, c'est la dictature militaire et la narcotyrannie, c'est l'absence de toute administration publique, c'est le plus fort taux d'inflation dans le pays qui possède les plus grandes réserves de pétrole du monde, c'est le crime écologique, c'est un refuge pour des cellules de guérilla et des camps d'entraînement terroristes, c'est l'occupation des plus hautes fonctions de la justice par d'anciens détenus, c'est la présence au cœur du pouvoir de membres importants du trafic de drogue international, c'est le crime contre l'humanité et l'atteinte flagrante aux droits humains fondamentaux.

Monsieur Mélenchon, mon pays meurt de faim et de haine. Ce n'est plus une question de politique : la crise humanitaire dévore le Venezuela.

Avez-vous, honnêtement, quelque chose de sincère à répondre ? »

Lire aussi Le témoignage de Rosmit Mantilla sur son expérience dans les prisons vénézuéliennes

 

 


 

* Fidel et Raúl Castro, ex-présidents de Cuba, Evo Morales, président de la Bolivie ; Lula da Silva, ex-président du Brésil ; Dilma Rousseff, ex-présidente du Brésil ; Nestor Kirchner, ex-président de l'Argentine ; Cristina Kirchner, ex-présidente de l'Argentine ; Daniel Ortega, président du Nicaragua ; Rafael Correa, ex-président de l'Équateur.

Publié le 29/01/19 à 15h58 | Source lepoint.fr

PLUS D'ARTICLES INTERNATIONAL

  • Dans l'enfer des prisons du Venezuela