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Franz Olivier Giesbert - Macron, roi des « fake news »

Au G7, le président s’est livré à une opération de désinformation sur les incendies en Amazonie : en effet, la catastrophe écologique est d’abord africaine.

Se débrouillant comme un chef au G7 de Biarritz, Emmanuel Macron s’y est également imposé en super-maestro de la communication, une sorte d’hybride entre Goudard et Séguéla, publicitaires faiseurs de rois, qui serait lui-même devenu chef de l’Etat.

Donald Trump est de la même espèce, un as de l’autopub, qui, pour soigner son image, sait faire des coups fumants. Minute, direz-vous, le président français n’a rien à voir avec lui, il ne s’adonne jamais aux fake news, contrairement à son homologue américain, qui n’est pas à une manipulation près et parle sans rire d’« informations alternatives ». Foutaises !

Donald Trump est de tous les temps, de tous les continents. Le week-end dernier, il s’appelait Emmanuel Macron. La preuve, le président s’est livré sans vergogne, avec un cynisme éhonté, trumpien, à une incroyable opération de désinformation à propos des incendies en Amazonie. On se frotte les yeux qu’elle ait pu aussi bien fonctionner, avec la complicité paresseuse et moutonnière de tous les médias du monde. Plus c’est gros, mieux ça passe. 

Pourquoi M.Macron a-t-il monté cette infox ? Sans doute parce qu’il fallait donner du « sens » au G7, autrement dit lui trouver une belle cause et une tête de Turc. La première s’imposait : l’écologie. Quant à la cible, elle était toute désignée : Jair Bolsonaro, le président brésilien d’extrême droite, mirliflore de salon de coiffure, pourfendeur de l’écologie, Trump puissance mille de l’Amérique latine. Avant le G7, le président français tweete donc, en plagiant une expression chiraquienne : « Notre maison brûle. Littéralement, l’Amazonie, le poumon de notre planète, qui produit 20 % de notre oxygène, est en feu. » Et tous les médias de se mettre en branle, la fleur au fusil, comme un seul homme. 

Nos chers confrères n’ont pas d’excuses. S’ils avaient pris le temps de le consulter, le site d’information de la Nasa, l’agence spatiale américaine, leur aurait permis de rétablir aussitôt la vérité. Grâce à ses sondes et à ses satellites, il montre en temps réel, avec ses « Fire Maps », les cartes des incendies sur la planète. Ces jours-ci, la situation en Amazonie semblait en effet préoccupante mais, au moment même où M. Macron pointait du doigt le Brésil de M. Bolsonaro, se déroulait en Afrique centrale une tragédie sans commune mesure : les forêts brûlaient à grande vitesse en Angola, en Zambie, en Tanzanie, au Congo.

L’Afrique subsaharienne représentait 70 %, excusez du peu, de la surface forestière brûlée : voilà ce qu’établissaient formellement les données de la Nasa. En somme, contrairement au discours officiel macronien, la catastrophe écologique était d’abord africaine avant d’être amazonienne. Sans parler des incendies en Sibérie. C’est lundi dernier seulement, à la clôture du sommet, quand le maelström médiatique fut retombé, que M. Macron, grand télémanipulateur, a soudain consenti à reconnaître que notre « maison » brûlait aussi sur le continent africain. Ce n’était pas trop tôt !

Si la plupart ont pris les vessies pour des lanternes ou, comme on dit outre-Manche, leur cul pour leur coude, on ne jettera pas l’opprobre sur tous les médias. Comme l’ont bien expliqué nos amis de la Radio-télévision belge de la communauté française, les incendies sont fréquents en Afrique dans cette période de l’année à cause de la tradition de la « culture sur brûlis » qui amène les paysans à mettre le feu à leurs terres défrichées afin que les cendres fertilisent les récoltes à venir. Les tragédies – et il y en a beaucoup – commencent quand les flammes sortent de leur « lit » et deviennent hors de contrôle.

C’est un phénomène de même nature qui se produit au Brésil : les paysans qui, pour accroître leurs terres cultivables, mettent le feu à la forêt amazonienne sont souvent dépassés par leur « succès ». Selon les partisans de M. Bolsonaro, les incendies furent pires en 2003 et en 2005, sous la présidence de Lula, chouchou de la planète médiatique, ce qui explique sans doute qu’ils n’ont pas fait scandale. Il n’empêche : l’heure est trop grave pour relativiser comme le font les bolsonaristes ou pour hystériser à la mode macronienne.

Le cirque macrono-médiatique des derniers jours aura été contre-productif, qui a conduit le Brésil, jaloux de sa souveraineté, à se replier sur lui-même et à refuser l’aide du G7 de 20 millions de dollars pour envoyer des bombardiers d’eau, tandis que son président, sexiste et fier de l’être, commentait avec vulgarité le photomontage d’un internaute comparant l’âge de sa (jeune) femme et celui de l’épouse de M. Macron : « Ne l’humilie pas, mec. »

La morale de tout cela : l’écologie est décidément une chose trop importante pour être confiée aux politiciens ou aux communicants, ce qui revient souvent au même.