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Coignard - « Retisser l'unité nationale », vaste programme !

Le mot d'ordre lancé par Édouard Philippe samedi soir est à la fois impératif et ambitieux, sinon présomptueux, dans un climat de grande incertitude. PAR SOPHIE COIGNARD

Après un « samedi noir », le 1er décembre, la France a vécu un samedi gris, comme la météo dans la majeure partie du pays. Les rues de Paris et des grandes villes n'ont pas connu le chaos redouté. Mais elles n'ont été désertées ni par les manifestants, quasiment aussi nombreux que la semaine dernière malgré les mises en garde répétées de l'exécutif, ni par les vandales, dont l'ardeur n'a été modérée que par le très fort dispositif policier déployé – plus d'un agent de la force publique pour deux manifestants, si l'on se réfère aux chiffres diffusés par le ministère de l'Intérieur.

Minuit n'avait pas sonné que, sur Facebook, un site des Gilets jaunes appelait déjà à « l'acte V » pour samedi prochain afin de conduire Emmanuel Macron à la démission. Pour le président et le gouvernement, donc, la situation est indécise. Le premier est sorti du silence, dans la journée, par un tweet saluant les forces de l'ordre et les remerciant pour « le courage et l'exceptionnel professionnalisme » dont elles ont fait preuve. C'est ce que l'on appelle le « service minimum » dans une situation exceptionnelle comme celle-ci.

Une fois actées la force et la relative efficacité de la réponse sécuritaire, le chef de l'État va devoir, très vite, faire de la politique, donc des choix, tandis que la situation en demi-teinte n'aide pas à trancher. Il est prévu qu'il s'exprime en début de semaine, mais pour dire quoi ?

Les sondages en miroir

Lors de son intervention samedi en fin de journée, Édouard Philippe n'a donné aucune piste, si ce n'est l'annonce de « mesures » à venir. Depuis le ministère de l'Intérieur, entouré de Christophe Castaner et de Laurent Nunez, il s'est concentré sur un message : « Le temps du dialogue est là (…). J'ai eu l'occasion de dire qu'aucune taxe ne méritait de mettre en cause l'unité nationale. Il faut désormais retisser cette unité nationale. »

Pas facile, comme répétait François Hollande quand il était à l'Élysée. Les « Gilets jaunes » expriment depuis plusieurs semaines leur satisfaction d'avoir, eux, retissé des liens, mais avec leurs semblables, et cela semble leur importer bien davantage. Ils sont confortés en cela par l'approbation de la majorité des Français que leur renvoient en miroir les sondages.

Pour un président devenu très impopulaire en l'espace de quelques mois, trouver les mots et les actes pour les faire renoncer à ce sentiment de fraternité et d'appartenance à un collectif, si flou soit-il, va demander non seulement de la créativité, mais aussi un peu de chance et beaucoup d'empathie. « Il faut écouter beaucoup et parler peu pour bien agir au gouvernement d'un État », disait le cardinal de Richelieu. Mais c'était avant, bien avant l'invention des réseaux sociaux et de l'information en continu.

Publié le 09/12/18 à 10h18 | Source lepoint.fr