JustPaste.it
Source: premium.lefigaro.fr 16/11/2016

 

Le Figaro Premium - Le Maroc fait le pari de l'énergie solaire

 

 

Les centrales Noor réussissent à produire de l'électricité plusieurs heures après le coucher du Soleil.

De notre envoyé spécial à Ouarzazate (Maroc)

C'est exceptionnel. Il ne fait pas beau. Les nuages ont interrompu en ce début novembre, pour un jour, le fonctionnement de la plus grande centrale solaire thermodynamique d'Afrique qui devrait se classer au septième rang mondial quand elle aura atteint sa pleine puissance. Qu'importe, «Noor o» (pour Ouarzazate) est la première pierre d'une vaste ambition du Maroc dans le domaine de l'énergie. «L'objectif est d'atteindre 42 % d'énergies renouvelables dans le mix électrique du pays en 2020 et 52 % en 2030», rappelle Mustapha Bakkoury, le président du directoire de Masen, le groupe privé, fondé en 2010, qui gère les énergies durables dans le royaume, dont le solaire mais aussi l'hydraulique et l'éolienne. «Le contexte international est favorable», ajoute le président du puissant conseil régional de Casablanca-Settat également secrétaire général du Parti Authenticité et Modernité. C'est mieux que l'Europe qui vise 20 % d'électricité renouvelable en 2020 et 27 % en 2030.

À la différence des panneaux solaires « classiques », ces miroirs incurvés chauffent un fluide caloporteur, de l'huile, pour augmenter la température de sels fondus au moyen d'échangeurs thermiques

À Ouarzazate, le projet Noor («lumière» en arabe) aura une capacité de 580 MW, soit celle d'un demi-réacteur nucléaire, et elle s'étendra sur quelque 30 km². Déjà, sur 500 hectares, les 507.000 miroirs incurvés de la première phase «Noor o 1» produisent 160 MW, qui peuvent être délivrés jusqu'à trois heures après le coucher du soleil, quand la demande d'électricité augmente. À la différence des panneaux solaires «classiques» qui produisent directement de l'électricité, ces miroirs incurvés chauffent un fluide caloporteur, de l'huile, utilisé pour augmenter la température de sels fondus (nitrate de sodium et nitrate de potassium), au moyen d'échangeurs thermiques. Les sels fondus, portés à plus de 400 °C, servent ensuite à réchauffer de la vapeur d'eau sous pression, déminéralisée, qui fait ensuite tourner des turbines. C'est l'inertie thermique des sels réchauffés qui est utilisée pour produire l'électricité après le coucher du Soleil.

La puissance cumulée de Noor o 1 (295 GWh), entre février et août 2016, dépasse les objectifs de 20 %. Il y aurait de 330 à 340 jours d'ensoleillement par an, au-dessus de la prévision de 300 jours.

Noor o 2, dont la moitié des miroirs paraboliques sont déjà installés, utilisera le même principe d'une centrale solaire thermodynamique. Mais «comme nous utiliserons plus de sels, nous pourrons produire de l'électricité plus de sept heures après le coucher du Soleil. Nous utilisons un système de refroidissement sec, à l'air, contrairement à Noor 1, où les sels sont refroidis avec de l'eau», précise Rachid Bayed, directeur de la réalisation des installations solaires de Masen. La capacité de production de cette deuxième installation a été portée à 200 MW.

Le prix du kilowattheure de 14,7 centimes d'euros de Noor 1 sera réduit d'environ 10 % pour Noor 2, et devrait donc encore baisser pour Noor 3

Enfin, Noor o 3 aura une capacité de 150 MW, avec une méthode de fonctionnement différente. Elle utilisera des héliostats, des miroirs qui font converger les rayons solaires vers le sommet d'une tour de 250 mètres de haut. «Nous aurons un petit soleil à Ouarzazate», souligne Mustapha Sellam, directeur du site. Aux côtés de la société saoudienne Acwa Power, de l'entreprise d'ingénierie espagnole Sener, un contractant chinois, Sepco, s'occupe du déploiement de la technologie de la tour en béton, où les miroirs vont directement réchauffer à 600 °C le sel qui circulera dans des canalisations. Comme la température sera plus élevée et qu'il y aura une opération de transformation thermique en moins, le rendement devrait être amélioré par rapport aux deux premières phases de Noor. Le prix du kilowattheure de 14,7 centimes d'euros de Noor 1 sera réduit d'environ 10 % pour Noor 2, et devrait donc encore baisser pour Noor 3. Enfin, une quatrième centrale solaire photovoltaïque traditionnelle de 70 MW sera aussi installée à Ouarzazate.

Dans quatre ans, le Maroc devrait disposer d'une capacité solaire d'au moins 2000 mégawatts (MW) sur cinq sites. «Un deuxième appel d'offres a été lancé pour Midelt, dans l'Atlas, à 1500 mètres d'altitude et à 4 heures de route de Rabat», confie Mustapha Bakkoury qui précise qu'une cartographie solaire du royaume a été effectuée pour «déterminer l'ensoleillement des zones, à l'aide de mesures effectuées sur le terrain et en utilisant des données de la Nasa». Du photovoltaïque classique sera installé à Boujdour, et le site Noor de Tata (classique et thermodynamique) est en phase de qualification.

Plus de 2 milliards d'euros d'investissements

Le coût des investissements sur le site de Ouarzazate est évalué par Mustapha Bakkoury à 2,4 milliards d'euros et autour de 2,3 milliards par la BEI (Banque européenne d'investissement) qui a contribué à hauteur de 60 % au financement du projet de Noor o, aux côtés d'autres partenaires européens. Cette légère différence s'explique notamment par les missions de Masen, qui comptabilise également la construction de 62 km de routes et l'extension du réseau d'eau potable pour une trentaine de villes de la région.

Pour le projet de Ouarzazate, «nous avons bénéficié de mécanismes de financement multilatéraux et bilatéraux, accordés notamment par la BAD (Banque d'Afrique pour le développement), la Banque mondiale, l'AFD française, le KfW allemand, et des pays pollueurs qui veulent développer l'électricité solaire au Maghreb. Enfin, le projet a profité du soutien de la BEI dans le cadre de la politique de l'Europe en faveur des pays dans son voisinage», énumère Mustapha Bakkoury. Par ailleurs, dans le cadre de sa politique en faveur des énergies renouvelables, qui compte sur le déploiement complémentaire de 126 MW dans l'hydraulique et de projets dans l'éolien à Tanger (240 MW) et la région de Settat (128 MW), Masen a émis, le 4 novembre, la première obligation verte du Maroc, d'une valeur totale de 106 millions d'euros.


Un site qui attire la recherche japonaise et européenne

La centrale de Noor ne se contente pas de produire de d'électricité : elle prépare l'avenir du solaire au Maroc. Trois coopérations avec des partenaires étrangers ont été conclues et des expérimentations y sont déjà conduites.

À l'entrée de la zone de recherche et développement, encore en chantier, «une station météorologique est dédiée à cette partie du site de 150 hectares », précise en montrant un anémomètre et des appareils de mesures Samir Rachidi, coordinateur des projets de recherche et développement de Masen, l'entreprise qui gère les énergies renouvelables au Maroc.

La technologie du japonais Sumitomo pour des panneaux solaires à concentration a été testée à petite échelle depuis septembre. Après cet essai jugé satisfaisant, le conglomérat nippon a décidé de monter en puissance et de tester une minicentrale de 1 MW. Ce serait un moyen de réduire l'emprise au sol des installations, une préoccupation importante au Japon.

Par ailleurs, avec le suédois Cleanergy, le démonstrateur Dish Stirling est en cours de construction. Il s'agit d'utiliser l'énergie collectée par des miroirs solaires pour chauffer un gaz qui fera ensuite tourner un moteur.

Le français CEA a étendu en juillet son partenariat avec Masen, pour un coût total de 1,7 million d'euros sur quatre ans

Enfin, le français CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) a étendu en juillet son partenariat avec Masen, pour un coût total de 1,7 million d'euros sur quatre ans. Le premier projet consiste à «trouver un couplage optimal » entre un site de dessalement d'eau et une technologie solaire. Le deuxième s'intéresse à la durabilité des cellules photovoltaïques et aux matériaux utilisés dans les centrales solaires thermodynamiques (Noor 1 et 2).

Masen participe aussi à trois projets de recherche financés par l'Union européenne dans le cadre de sa politique FP7 et Horizon 2020. Eurosunmed doit développer des technologies photovoltaïques, de solaire à concentration et d'intégration aux réseaux électriques. L'Égypte bénéficie de ce programme qui va tester des composants et servir à tisser des liens entre chercheurs et ingénieurs d'Europe et du Maghreb. Le programme européen REslag doit essayer de valoriser des déchets métalliques d'aciérie. Ces rebuts représentaient 21,4 millions de tonnes en 2012 en Europe. Enfin, Wascop, piloté par le CEA, doit essayer de limiter l'utilisation d'eau dans les centrales solaires à concentration (Noor 3).


80 chefs d'État et de gouvernement réunis à la COP22

Le chef de l'ONU a lancé un vibrant appel à renforcer la lutte contre le réchauffement aux 80 chefs d'État et de gouvernement réunis mardi à Marrakech pour la COP22. Ban Ki-moon, qui assistait à sa 10eet dernière conférence sur le climat, a «appelé tous les pays à renforcer leurs ambitions en matière de réduction (des émissions) de gaz à effet de serre».

«Nous n'avons pas le droit de jouer avec le sort des générations futures ou de mettre en péril la survie des autres espèces qui partagent notre planète», a-t-il martelé, en ouverture de la réunion des chefs d'État ou de gouvernement.

Le secrétaire général des Nations unies avait auparavant exprimé, devant la presse, son «espoir» que Donald Trump «comprenne l'urgence de l'action sur le climat». Devant ses homologues, le président français François Hollande a appelé les États-Unis à «respecter les engagements» pris dans le cadre de l'accord de Paris scellé fin 2015.

Cet article est publié dans l'édition du Figaro du 16/11/2016.

Plus: Les centrales Noor